Classement thématique série 1848–1945:
I. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ÉTATS
I.12 FRANCE
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 2, doc. 446
volume linkBern 1985
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
Segnatura | CH-BAR#E2300#1000/716#711* | |
Titolo dossier | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 25 (1872–1872) |
dodis.ch/41979
M. de Goulard, ancien Ministre des Finances, étant entré en fonctions comme Ministre de l’Intérieur, je lui ai fait la visite d’usage. Entré en relation avec M. de Goulard à l’époque où il représentait la France à Bruxelles, dans les négociations qui ont abouti à la paix de Francfort, je l’ai trouvé, comme toujours, très accueillant et très courtois.
Un certain nombre de journaux ayant annoncé que les passeports seraient abolis entre la France et l’Allemagne à partir du 1er Janvier 1873, j’ai cru devoir aborder cette question avec M. de Goulard. Il m’a répondu que rien n’était décidé en ce qui concerne la frontière d’Alsace-Lorraine.
Je lui ai rappelé alors la convention, soit déclaration du 30 Juin 18642, entre la Suisse et la France en matière de passeports, et j’ai ajouté que l’impression produite en Suisse serait excellente s’il inaugurait son entrée au Ministère de l’Intérieur par la suppression des passeports entre nos deux pays.
M. de Goulard m’a paru, lui aussi, préoccupé du séjour de partisans de la Commune de Paris à Genève. Il m’a dit savoir fort bien que ces «communards» étaient en relations continuelles avec leurs coreligionnaires politiques de Lyon et de la Savoie.
Je n’ai pu m’empêcher de répondre que les passeports n’empêchaient pas ces relations, et de rappeler le fait rapporté par les journaux de Paris d’un communard muni d’un passeport parfaitement en règle et franchissant librement la frontière, tandis qu’un monsieur fort conservateur, mais sans passeport visé, éprouvait de grandes difficultés pour sortir de France. Les passeports ne sont donc pas un remède efficace contre ceux qu’il veut atteindre.
M. de Goulard m’a promis d’étudier le dossier et de s’occuper de cette affaire avec le désir d’arriver à une solution satisfaisante.
M. Thiers étant venu s’installer à l’Elysée à Paris, pendant les vacances de l’Assemblée nationale, je me suis rendu chez lui hier soir, et j’ai eu avec lui un assez long entretien sur la principale question à l’ordre du jour: l’organisation d’une seconde Chambre.
M. Thiers m’a demandé quelques explications sur les rapports entre le Conseil National et le Conseil des Etats, sur la formation, la compétence de chacune de ces Chambres, et sur la marche générale du système des deux Chambres en Suisse.
Sans indiquer en aucune manière ses idées personnelles sur ce grave sujet, il a manifesté son étonnement de la résistance que rencontre en France «la création de ce rouage si indispensable au fonctionnement régulier des pouvoirs publics.»
M. Odillon-Barrot, vice-président du Conseil d’Etat, qui était présent, repousse complètement l’idée, aujourd’hui en circulation, de faire sortir la seconde Chambre du sein de l’Assemblée nationale actuelle, soit en prenant les plus âgés, soit de toute autre manière. Il veut un corps électoral différent de celui qui a nommé la Chambre actuelle. Il paraît préférer la nomination de la seconde Chambre par les Conseils généraux, avec adjonction de ce qu’il a appelé l’élément des capacités, c.-à-d. la nomination d’un certain nombre de membres par l’Institut, l’Université de France, des grands corps enseignants etc. Mais M. Odillon-Barrot ajoute que cette idée rencontre une double opposition: 1° de la part des radicaux qui, dans tous les temps, ont nié la nécessité d’une garantie contre les entraînements de la Chambre unique, et qui conserveront cette attitude, 2° ce qui est bien plus étonnant, de la part de nombreux députés de la droite et du centredroit, dont on ne s’explique guère les répugnances.
A la réception de M. Thiers assistaient encore M. Gavard, jadis Secrétaire des conférences franco-suisses sur le traité de commerce, et actuellement Chargé d’affaires de France à Londres et signataire du projet de traité anglo-français, et M. Kindely, Commissaire délégué par l’Angleterre pour la fixation des droits compensateurs.
M. Kindely m’a dit que la Commission anglo-française espérait terminer son travail dans le courant de la semaine prochaine. Les Commissaires sont tombés d’accord sur un grand nombre d’articles, mais il s’est produit, pour la fixation du droit sur les cotons, une évaluation tellement divergente, qu’il a dû adresser un rapport spécial à ce sujet à Londres. La divergence porte surtout sur le déchet qui se produit dans la fabrication. M. Kindely ne désespère cependant pas du résultat final. Il ajoute qu’il a rencontré, de la part des négociateurs français, des dispositions qui prouvent combien la France tient à arriver à une entente avec la Grande-Bretagne.
M. Kindely a appris que M. Ozenne, après avoir achevé les pourparlers engagés à Bruxelles avec le Cabinet Belge, se rendrait ensuite à La Haye pour chercher à amener le Gouvernement néerlandais à négocier.
M. Gavard m’a déclaré de la façon la plus positive «qu’il avait reçu du Gouvernement français pour instructions d’établir des droits véritablement et strictement compensateurs, de manière à ne pas modifier les conditions actuelles de la concurrence entre le commerce ou l’industrie française, et le commerce ou l’industrie des autres pays.»
A cette occasion, j’ajouterai que M. de Goulard, après avoir parlé de la question des passeports, m’a dit à peu près textuellement: «Nous aurons aussi, je le pense, des négociations commerciales avec la Suisse. Nous espérons que Votre pays, si sympathique à la France, manifestera à cette occasion les mêmes sentiments conciliants et les mêmes dispositions bienveillantes que nous rencontrons de la part de l’Angleterre.»
J’ai répondu à M. le Ministre de l’Intérieur que, sans vouloir préjuger en aucune manière la position que la Suisse pourra être appelée à prendre dans cette question, je devais le rendre néanmoins attentif au fait que la Suisse, dont le traité expire seulement le 24 Novembre 1876, se trouve dans une situation entièrement différente de l’Angleterre ou de la Belgique, dont les traités de commerce avec la France ont pu être dénoncés.
M. de Goulard a fait alors passer l’entretien sur un autre objet.
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