dodis.ch/41961 Les Membres de la délégation des Etats-Unis au Tribunal d’arbitrage concernant l’affaire de V«Alabama», G. Bancroft-Davis, C. Cushing et M. Evarts, au Président de la Confédération, E. Welti1

Avant de quitter la Suisse, nous saisissons avec joie l’occasion que nous offre la fin des travaux du Tribunal d’Arbitrage, pour vous exprimer les sentiments de profonde reconnaissance que nous éprouvons pour vous, Monsieur, pour le Conseil fédéral, et pour la Confédération Suisse tout entière.

Comme Américains, nous désirons vous parler d’abord de nos vives sympathies pour la Confédération.

La ressemblance qui existe entre les institutions de nos deux pays est en effet frappante. Tous les deux ont à leur tête des gouvernements fédéraux. Dans tous les deux, chacun des Etats qui composent la fédération possède une existence politique plus ou moins particulière et indépendante. Dans tous les deux, aussi, la sève de la vie publique circule à travers les villes, les villages, les campagnes, comme le sang à travers l’organisme humain, et atteint le peuple jusque dans ses plus humbles individus. Car au fond de tout, il y a la liberté conquise et il y a le suffrage universel comme moyen de conserver cette liberté. Et de cette manière, chaque citoyen est par le fait un membre actif et conscient de la République.

Il y a plus. Toutes deux, nos Républiques sont dévouées à une politique de neutralité internationale, l’une en raison de son isolement et de son éloignement de l’ancien continent, l’autre à cause de sa position géographique au milieu des grandes puissances militaires de l’Europe.

Il n’est donc pas étonnant que nous admirions la Confédération suisse comme le miroir dans lequel se reflète l’image de l’Union Américaine.

Voilà pourquoi les Etats-Unis, d’accord avec l’Angleterre, ont fait valoir avec empressement les raisons qui pouvaient leur permettre de choisir Genève pour siège de l’auguste Tribunal, qui fait époque dans l’histoire internationale de l’Europe et de l’Amérique.

En effet, votre pays est le pays neutre par excellence, et en même temps le sol hospitalier ouvert au monde entier. Quel est l’autre pays qui aurait présenté l’ensemble de ces qualités particulières, et où l’on eût été sûr d’éviter tout soupçon local fâcheux et de rester à l’abri de toute influence étrangère au but poursuivi par le Tribunal? Nous ne le connaissons pas.

Aussi sommes-nous heureux et fiers d’avoir été les hôtes obligés de la Confédération et d’avoir pu habiter pendant un temps malheureusement trop court, mais rempli de plaisir aussi bien que de labeur, cette Suisse si vieille au point de vue de sa liberté publique, et si jeune au point de vue de sa force actuelle, cette Suisse qui résume dans son sein tout ce que la nature offre de pittoresque, de beau, de majestueux, de sublime, dans cette Suisse, le joyau et la merveille de l’Europe.

Nous sommes à même d’émettre en toute sûreté ces appréciations aujourd’hui, surtout après avoir assisté aux fêtes données par le Conseil fédéral en l’honneur du Tribunal d’Arbitrage, à Interlaken et à Berne.

Tout semblait concourir au succès de ces fêtes; et le temps a été si beau qu’on serait tenté de croire le Conseil fédéral en possession d’une baguette magique, sous la puissance de laquelle le ciel et la terre s’empressent de rehausser les charmes des lacs et des montagnes de la Suisse.

Ce sera à notre Gouvernement d’exprimer, d’une manière digne de lui et de la Confédération, sa profonde reconnaissance pour l’hospitalité de la Suisse, car cette hospitalité a puissamment contribué à faciliter la réalisation d’une grande œuvre de conciliation et de paix entre l’Angleterre et l’Amérique.