Classement thématique série 1848–1945:
I. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ÉTATS
I.12 FRANCE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 2, doc. 414
volume linkBern 1985
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E21#1000/131#15712* | |
Old classification | CH-BAR E 21(-)1000/131 581 | |
Dossier title | Pass- und Visafragen, 1867-1874, 1889 (1867–1889) | |
File reference archive | 10.9.4.11 |
dodis.ch/41947
Suivant l’usage, je me suis rendu hier à la réception habituelle du Ministre des Affaires Etrangères. L’objet de notre entretien a été à nouveau la question des passeports. J’ai eu, sur la même question, un entretien avec le Président de la République. Enfin, M. Olozaga, Ambassadeur d’Espagne, m’a parlé aussi de l’attitude de la Suisse envers le prétendant Don Carlos.
J’aborderai en premier lieu la question des passeports.
M. de Rémusat m’a remercié des notes explicatives2 que je lui avais adressées au sujet de la connexité de cette question avec la taxe des permis de séjour, prélevée dans les divers cantons. Il m’a déclaré qu’il était, par suite de ces renseignements, complètement en mesure de répondre à la Commission chargée par l’Assemblée nationale d’étudier la proposition de M. le C[omteJ Jaubert sur l’introduction des permis de séjour en France. Il a ajouté que mes notes, dont j’ai eu l’honneur de Vous adresser une copie le 22 Mai3 (rapport no 1306), avaient également fortifié son opinion antérieure qu’il y avait lieu de traiter la Suisse, en matière de passeports, sur le même pied que la Belgique et l’Angleterre.
Je me suis permis alors d’insister de nouveau pour obtenir une prompte décision.
M. de Rémusat a répliqué que la principale résistance venait du Ministère de l’Intérieur. Les Bureaux de ce Ministère ne peuvent s’empêcher d’exprimer des craintes au sujet de la présence à Genève d’un assez grand nombre d’individus ayant notoirement pris part à l’insurrection de la Commune de Paris, et restés en relations constantes avec leurs coreligionnaires politiques.
J’ai cru devoir faire de nouveau observer à M. le Ministre des Affaires Etrangères qu’une garantie générale ne pouvait pas être donnée par la Suisse au sujet de l’attitude des réfugiés politiques français, que cette garantie n’avait du reste pas été réclamée de l’Angleterre ou de la Belgique.
J’ai répété que dans la note officielle que j’avais adressée le 23 Avril4 au Département des Affaires Etrangères, j’avais reproduit les termes mêmes d’un office du Conseil Fédéral, et demandé en son nom que, «si le Cabinet de Versailles croit avoir à se plaindre de quelques faits spéciaux, ces faits soient portés à sa connaissance, afin qu’il ait l’occasion d’en vérifier l’exactitude.» J’ajoutais dans cette dépêche que «le Conseil Fédéral prendrait de lui-même les mesures jugées nécessaires.» Dans cet état de choses, ai-je dit hier à M. de Rémusat, il me paraît que le Gouvernement Français ne doit pas se préoccuper ultérieurement des craintes vagues des Bureaux du Ministère de l’Intérieur. Si des faits spéciaux sont signalés à l’attention du Conseil Fédéral, il les examinera, et le Gouvernement Français peut être certain que les principes admis jusqu’à ce jour par la Suisse, dans les cas de ce genre, seront appliqués.
Du reste, ai-je ajouté, cette question des réfugiés politiques Français est entièrement différente de la question des passeports. Par la déclaration du 30 Juin 18645, la France s’est engagée à traiter la Suisse comme l’Angleterre et la Belgique, si la Confédération obtenait des réductions sérieuses sur le coût des permis de séjour. Ces réductions ont été obtenues et M. Drouyn de Lhuys l’a officiellement constaté. Ce que la Suisse réclame et est fondée à réclamer, c’est que la France exécute les stipulations de la Convention conditionnelle du 30 Juin 1864.
M. de Rémusat m’a renouvelé l’assurance qu’il était personnellement favorable à ma réclamation et qu’il interviendrait de nouveau dans le sens de la demande de la Suisse auprès du Ministère de l’Intérieur.
Avant-hier soir, je me suis rendu chez le Président de la République. Je me suis exprimé vis-à-vis de M. Thiers, à peu près dans les mêmes termes que vis-à-vis du Ministre des Affaires Etrangères. Résumant notre conversation, M. Thiers a dit en terminant: «Nous arrangerons cette affaire. Mais pour le moment, les événements d’Espagne nécessitent une surveillance spéciale. Nous avons un intérêt particulier à savoir qui entre et sort de France aux frontières de la Suisse et de l’Allemagne.» Comme Vous le voyez, M. Thiers semble être dans les mêmes dispositions favorables que lors de ma dernière conversation avec lui à ce sujet (voir mon rapport du 25 Avril, no 1035)6. M. Thiers ayant touché en quelques mots la présence des communards Français à Genève, je lui ai répondu exactement dans le même sens qu’à M. de Rémusat.
Je dois ajouter, pour compléter ces indications, que l’Italie rencontre les mêmes difficultés que nous. M. Nigra n’a pas mieux réussi dans les démarches qu’il a faites pour obtenir en faveur de ses compatriotes un traitement égal à celui des Anglais et des Belges.
Dans la salle d’attente du Palais du Quai d’Orsay, j’ai rencontré hier M. Olozaga, Ambassadeur d’Espagne.
M. Olozaga m’a confirmé le fait de la décroissance des forces carlistes, et exprime de nouveau l’assurance que l’insurrection touchait à sa fin. Il a ajouté que, d’après les renseignements parvenus au Gouvernement Français, comme aussi d’après ceux qu’il avait reçus lui-même de ses agents, Don Carlos se trouverait en France. Il m’a dit de plus que M. de Rémusat lui avait, le jour même, donné la nouvelle assurance qu’en cas d’arrestation sur territoire français, Don Carlos serait expulsé et conduit à la frontière belge ou allemande. Il a répété que le Cabinet de Madrid verrait avec peine la Suisse accorder éventuellement un nouvel asile à ce personnage, après la violation manifeste du droit des gens, dont il s’est rendu coupable.
J’ai reçu ce matin les intéressants détails contenus dans Votre circulaire No 2, datée du 22 Mai7. Je Vous exprime tous mes remerciements de cette communication, très utile à tous les points de vue, pour l’activité des diverses Légations Suisses à l’Etranger.
En ce qui concerne Don Carlos, je ne puis m’empêcher d’émettre l’opinion que ce prince s’étant rendu coupable d’un grave abus du droit d’asile, et ayant sur notre territoire adressé, ou fait adresser des appels à la guerre civile contre un Gouvernement ami, ne devrait plus être toléré. Il me paraîtrait en particulier utile, en présence d’une violation aussi flagrante du droit des gens, de ne pas attendre les réclamations que le Gouvernement Espagnol ne manquerait pas de formuler, si Don Carlos était de nouveau signalé au nombre des étrangers résidant en Suisse.
Confidentiel
En ce qui concerne les attaques de la Liberté au sujet des comptes de l’internement de l’armée de l’Est, j’ai cru devoir me rendre aujourd’hui chez l’Intendant général Guillot, pour apprendre quelles mesures avaient été prises contre l’auteur des communications faites à ce journal. M. Guillot m’a répondu: «Je n’ai pas eu beaucoup de peine à découvrir le coupable. J’ai reçu les comptes, je les ai remis à mon Sous-Directeur, et le soir je les ai cachetés moi-même et adressés au Ministre de la Guerre à Versailles. Le coupable a été puni. Mais je puis Vous dire qu’il n’y a pas eu de mauvaise intention de sa part. Il a eu seulement des conversations avec M. Detroyat de la Liberté. C’est un individu «bavard» et «stupide» ». J’ai insisté à deux reprises pour connaître le genre de punition infligée, mais M. Guillot a évité de se prononcer sur ce point.
Je ne puis que me joindre aux termes dont Vous Vous êtes servis dans Votre circulaire No 28, au sujet de l’attitude passive du Gouvernement Français dans cette affaire. Comme Vous le savez par mes précédents rapports, je me suis exprimé dans le même sens envers M. de Rémusat dans nos divers entretiens relatifs à ces attaques de la presse française.
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