Classement thématique série 1848–1945:
I. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ÉTATS
I.12 FRANCE
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 2, Dok. 396
volume linkBern 1985
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#711* | |
Dossiertitel | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 25 (1872–1872) |
dodis.ch/41929
Le Ministre des Affaires Etrangères avait renvoyé à hier Mercredi l’audience qu’il accorde habituellement chaque semaine aux membres du Corps diplomatique.
Je me suis rendu chez M. de Rémusat et lui ai remis une note rédigée sur la base de l’office du Conseil Fédéral en date du 5 de ce mois2, au sujet de l’envoi en Suisse de Français et d’Etrangers expulsés de France pour participation à l’insurrection de Paris.
M. de Rémusat m’a exprimé son étonnement de cette mesure. Il a émis l’opinion qu’il devait y avoir eu précipitation ou erreur, et m’a promis d’agir auprès de qui de droit pour qu’il fût tenu compte de la réclamation du Conseil Fédéral. J’ai demandé alors, ce que j’avais déjà fait par écrit dans la note adressée au Ministre, que cette affaire fût l’objet de mesures d’urgence, afin d’éviter de nouvelles difficultés à la frontière si, contre l’attente du Gouvernement Fédéral, de nouveaux convois d’expulsés français devaient être dirigés sur notre territoire.
J’ai profité de l’occasion qui s’offrait à moi pour demander au Ministre s’il avait reçu les renseignements que je lui avais demandés le 15 Décembre (voir ma lettre de ce jour au Conseil Fédéral No 3375)3 sur le lieu et le canton d’origine d’un certain nombre d’individus portés comme Suisses dans les communications des autorités françaises, sans qu’il soit possible de contrôler ces assertions du Service de la Justice Militaire. J’ai rappelé que ma Légation avait, déjà le 16 Octobre4, exprimé un vœu semblable au Colonel Gaillard, Chef de ce Service, et ajouté que si les magistrats instructeurs se contentaient, en ce qui concerne la nationalité, de la simple déclaration des prévenus, ils pouvaient provoquer par là de fausses affirmations et donner naissance à des conflits.
Dimanche dernier, dans un entretien que j’avais eu à Versailles avec M. Barthélémy St-Hilaire, je lui avais demandé aussi ce qu’il était advenu de la liste des mêmes individus, liste qui m’avait été demandée le 13 Décembre par M. Lanfrey. Le Ministre de France à Berne m’avait dit à cette époque, qu’il soumettrait les noms des Suisses encore détenus à M. Thiers, selon le vœu que M. Schenk lui en avait exprimé, dans le but d’obtenir l’accélération de la procédure commencée contre eux. M. Barthélémy St-Hilaire m’a répondu que, si ses souvenirs étaient exacts, il avait transmis à M. Lanfrey, il y a plusieurs semaines déjà, les renseignements fournis par M. le Général Appert sur le compte de ces prévenus.
Quant à M. de Rémusat, il m’a avoué ne rien savoir de la suite donnée par le Bureau de la Justice Militaire à cette question. Si donc la réponse de M. Barthélémy St-Hilaire est exacte, ce que j’ignore, il paraîtrait que M. Thiers entretient des correspondances directes avec les représentants de la France près les puissances étrangères, sans recourir à l’intermédiaire de son Ministre des Relations Extérieures, et qu’ainsi, il n’est pas exempt du reproche fait si souvent à l’ex-empereur d’avoir une politique extra-ministérielle. En tout état de choses, je Vous serais très obligé de me communiquer les renseignements qui ont pu Vous parvenir au sujet de cette affaire par la Légation de France à Berne.
Traité de commerce.
Il m’a paru nécessaire de profiter de cette audience pour rappeler à M. de Rémusat nos précédents entretiens sur les intentions de la Suisse au sujet des projets de modifications aux tarifs douaniers. J’ai ajouté que, d’après de récentes communications du Conseil Fédéral, j’étais autorisé à lui déclarer que mon Gouvernement approuvait complètement mes démarches antérieures, et m’avait chargé de réclamer le maintien strict des stipulations du traité de 1864. «J’apprends qu’on parle beaucoup, dans les couloirs de l’Assemblée Nationale et même au sein de la Chambre, de négociations à ouvrir avec les Cabinets étrangers. Je dois Vous déclarer, avec la franchise dont j’use toujours vis-à-vis du Gouvernement auprès duquel je suis accrédité, qu’en ce qui concerne la Suisse, je ne crois pas au succès de négociations qui auraient pour but de faire modifier le traité. Le Conseil Fédéral sait à quoi l’engagent l’esprit et la lettre des stipulations de l’art. 65
du traité; il n’admettrait de discussion que sur la base du texte et de l’esprit de cet article auquel il a souscrit, ainsi que j’ai déjà été appelé à Vous en informer en Août dernier et tout récemment encore. L’Assemblée Fédérale de son côté se placerait, à n’en pas douter, exactement au même point de vue. Je Vous prie surtout de tenir compte de cette considération que les autorités suisses ne jouiraient même pas de la compétence suffisante pour priver l’industrie nationale des avantages qui lui sont assurés par le traité. Les fabricants suisses se sont mis en mesure d’exploiter le marché français et ont fait pour cela de grands sacrifices. Ils ont en quelque sorte des droits acquis et seraient fondés à se plaindre de ce que l’état de choses actuel fût changé à leur préjudice.»
«Le Conseil Fédéral comprend la nécessité pour la France de se procurer de nouvelles ressources financières. Mais je ne crois pas que la dette de guerre puisse être imposée à l’industrie étrangère. En Suisse, lorsqu’une Commune ou un Canton ont des charges extraordinaires, elles sont couvertes au moyen d’une augmentation de l’impôt direct. Si la France recourait à ce moyen, les ressources dont elle dispose seraient, dans mon intime conviction, plus que suffisantes.»
Dans le salon d’attente du Ministère, j’ai rencontré l’Ambassadeur d’Angleterre et le Ministre de Belgique. Tous deux se tiennent sur la réserve, et attendent des instructions. M. Nigra, que j’ai vu également, s’est borné à faire une réserve portant qu’il ne saurait, en ce qui concerne l’Italie, admettre l’interprétation donnée à l’art. 6 du traité par M. Thiers, et qu’il doit réserver tous les arguments que son Gouvernement pourrait devoir objecter à ceux du Président de la République. M. Nigra n’a pas reçu d’instructions, mais «personnellement», il croit que l’Italie ne fera pas de concessions. Les Pays-Bas ont fait comme l’Italie, mais le Ministre de Hollande m’a dit avoir déclaré à M. de Rémusat, verbalement et personnellement, qu’il interprétait le traité dans le même sens que nous.
M. Thiers, à ce que j’ai appris, ne fera pas immédiatement usage du droit que lui a conféré l’Assemblée Nationale de dénoncer le traité franco-anglais. On essayera encore de négocier. Mais il est certain d’avance qu’entre les mains de protectionnistes, comme M. Pouyer-Quertier et M. Thiers, l’arme de la dénonciation ne restera pas à l’arsenal.
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