Classement thématique série 1848–1945:
I. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ÉTATS
I.12 FRANCE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 2, doc. 350
volume linkBern 1985
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#710* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 330 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 24 (1871–1871) |
dodis.ch/41883 Le Ministre de Suisse à Paris, J. C. Kern, au Président de la Confédération, K. Schenk1
Le rapport No 5891 que j’ai eu l’honneur de Vous adresser hier n’ayant pu partir, je me fais un devoir de le compléter par quelques renseignements.
Le résultat du vote de Dimanche n’est pas encore complètement connu. Cependant, d’après les indications partielles fournies par les journaux du soir et ceux qui ont paru ce matin, il est évident que le parti du «Comité Central» aura une forte majorité au sein du Conseil Communal. Flourens, Blanqui, Vermorel, Félix Pyat sont élus. Le plus grand nombre des autres noms mis en avant sont inconnus du public et il m’est impossible de me prononcer à leur égard. On peut toutefois dire, dès à présent, qu’une certaine opposition sera faite dans le Conseil aux tendances socialistes. Plusieurs des anciens maires ont été réélus, entre autres M. Desmarest, ancien Bâtonnier de l’ordre des avocats, M. Tirard, Maire du IIème arrondissement, qui avait organisé la résistance et n’a jamais remis sa mairie aux partisans de la Commune, et quelques autres.
Pour le moment du reste, l’ordre extérieur et apparent règne dans Paris.
La tendance du Comité Central paraît s’accentuer de plus en plus dans le sens suivant:
Paris, et les grandes villes en général ont depuis 80 ans en France des tendances politiques différentes de celles des campagnes. On a toujours étouffé les villes sous l’étreinte des ruraux qui sont venus à coups de fusils ou à coups de plébiscites, empêcher le développement de la «civilisation supérieure» des villes. Paris ne veut pas se laisser jouer une fois encore. Il importe donc de prendre des mesures pour faciliter l’entente entre les grandes villes, et pour leur permettre de conquérir, non pas seulement l’autonomie municipale, mais une certaine compétence ou une certaine souveraineté concurrente avec celle du pouvoir central. En d’autres termes, ce qui paraît ressortir de plus clair du langage des organes du Comité central, c’est le désir avoué du fédéralisme. La «Commune» définit un peu confusément ce programme comme suit: «Restreindre le plus possible les attributions du pouvoir central, accroître le plus possible les attributions du pouvoir municipal, non pour Paris seulement, mais pour toutes les villes de France». Dans d’autres articles, les grandes villes se constitueraient en villes libres, indépendantes, véritables Etats dans l’Etat, et qui ne reconnaîtraient au pouvoir central qu’une compétence très limitée.
Une fois lancés sur cette voie, où s’arrêteraient les auteurs du projet? Une fois l’union entre les grandes villes opérée, se contenteraient-ils du dessein de laisser les villes agir à leur guise et les campagnes de leur côté? C’est peu probable. Mais, si leur projet réussissait, il est permis de dire dès aujourd’hui qu’il en résulterait pour la France une ruine plus grande encore que celle produite par ses défaites des six derniers mois. Ce ne serait pas du fédéralisme, ce serait la scission entre la ville et la campagne, la guerre entre l’ouvrier et le paysan, la mort définitive de la France comme grande puissance continentale.
Si quelque chose est de nature à faciliter une entente, et à maintenir la concorde, c’est le discours de M. Thiers à l’assemblée de Versailles dans la séance d’hier. Ses déclarations positives sur le but qu’il s’est proposé, sur ses intentions envers la République, qu’il jure de ne pas trahir, pourront peut-être, dans les villes de la province, ramener la confiance. Seulement, si M. Thiers demande le silence, s’il supplie l’assemblée de lui laisser sa liberté d’action et de ne pas exiger des explications sur sa ligne de conduite, c’est par le motif qu’il ne dispose pas des moyens suffisants pour lutter. Jamais un gouvernement en France n’a été aussi faible, n’a conservé aussi peu de forces militaires et réuni aussi peu d’éléments de résistances que l’assemblée de Versailles. M. Thiers ne peut se le dissimuler, mais il ne peut et ne doit pas l’avouer ouvertement à la face du pays. En tous cas, le discours de M. Thiers mérite toute votre attention, spécialement en ce qui concerne les projets de reconstitution future de la France. Il déclare qu’il laissera de côté ces questions constitutionnelles qui auraient pour résultat de confisquer la France au profit d’un parti, et qu’il demand [era le concours de tous pour relever et faire renaître la grande blessée. Mais que d’autre part une ville, quelque glorieuse et grande qu’elle soit, ne peut se placer au-dessus des droits de la France. Il ne trahira pas la République, il le jure. Si la France veut se donner une autre forme gouvernementale, le pays décidera lui-même. Tel est à peu près le résumé de ce remarquable discours du Président du Conseil.
Je Vous envoie sous ce pli un certain nombre de journaux de Paris, appartenant au parti de la Commune, le Rappel, le Cri du Peuple, et La Commune, ainsi que le Journal officiel de Versailles.
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