Classement thématique série 1848–1945:
I. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ÉTATS
I.12 FRANCE
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 2, Dok. 349
volume linkBern 1985
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#710* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 330 | |
Dossiertitel | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 24 (1871–1871) |
dodis.ch/41882 Le Ministre de Suisse à Paris, J. C. Kern, au Président de la Confédération, K. Schenk1
Vous aurez reçu, je l’espère, les deux télégrammes2 que j’ai eu l’honneur de Vous adresser hier de Versailles. Comme j’avais terminé les affaires pour lesquelles je m’étais rendu au siège du Gouvernement, je suis rentré hier soir à Paris, et je me permets de compléter le rapport politique que je Vous ai envoyé dans la journée d’hier3.
Dans la journée de Samedi, un accord est intervenu, comme Vous le savez, entre les Maires élus de Paris et le «Comité central de la Garde Nationale», pour la fixation à Dimanche des élections communales. Les Maires, qui pendant huit jours avaient fait les plus grands efforts pour amener une conciliation, s’étaient vus repoussés par l’assemblé nationale de Versailles. Dans leur opinion, partagée du reste par un certain nombre de députés de Paris, la convocation immédiate des électeurs était le seul moyen d’éviter la lutte armée. Ils se sont donc décidés à se passer de l’assemblée nationale et de faire procéder au vote, de leur autorité personnelle et d’accord avec le Comité central.
La journée d’hier s’est passée sans troubles. Il est certain que le résultat sera favorable au Comité central, et ce qui contribuera à donner de l’importance à ce succès du Comité, c’est qu’un certain nombre de membres du parti de l’ordre ont cru devoir prendre part au vote, dans la pensée que Paris devait chercher à se sauver lui-même, puisque le Gouvernement de Versailles renonçait à toute action sur la capitale.
Aussitôt la Commune définitivement constituée, le Comité Central n’hésitera pas à se proclamer pouvoir régulier, et à essayer la lutte contre l’assemblée de Versailles. Il importe donc de chercher à se rendre compte, dans la mesure du possible, des tendances de ce Comité pour le moment actuel du moins.
Pendant la semaine dernière, le Comité se posait simplement comme conseil municipal provisoire; sa plus haute ambition, disaient ses organes officieux, Le Cri du Peuplent La Commune, était de faire respecter les droits de Paris, d’assurer à la capitale la rentrée dans le droit commun, et s’il le fallait, de constituer Paris en ville libre comme autrefois les villes impériales de l’Allemagne. Il parlait d’élections «municipales», puis d’élections communales, et dans toutes ses proclamations, employait des termes très modérés, cherchant, par tous les moyens, à rassurer la population.
Dans la journée d’hier, probablement comme manœuvre électorale de dernière heure, il a fait afficher une proclamation de la «Commune de Lyon» aux citoyens de cette ville, dans laquelle l’adhésion au Comité central de Paris est indiquée comme un fait accompli. Cette proclamation lyonnaise ne porte pas de date, et se trouve en contradiction directe avec le Journal officiel (édition de Versailles), d’après laquelle le parti de l’ordre l’aurait de nouveau emporté à Lyon.
En même temps, apparaissaient sur les murs de la capitale de grandes affiches avec l’en-tête «Association internationale des travailleurs», et signées 1° par le Conseil Fédéral et 2° par la Chambre fédérale des Associations ouvrières parisiennes, affiliées à l’Internationale. Chacun savait, par les noms de quelques-uns des membres du Comité de la garde nationale, que l’Internationale avait principalement la main dans le mouvement; hier, le voile a été complètement déchiré.
La position est donc, à l’heure qu’il est, celle-ci: le parti républicain modéré est débordé complètement. La Commune veut non pas simplement la République, mais la République Sociale. En présence d’eux, se trouve à Versailles une assemblée dont les tendances sont évidemment monarchiques et qui, en diverses circonstances, a donné des preuves de manque de tact ou de violente intolérance.
La lutte est inévitable4.
Chacun des deux partis cherche à gagner des partisans en gagnant du temps.
Le Comité de Paris, fort de la sanction qu’il aura reçue hier, ne va pas tarder à sortir de son rôle municipal et local. Il annonce ce matin, dans le Journal officiel (édition de Paris), que la Commune a été proclamée à Marseille, et «veillera nuit et jour sur la République, jusqu’à ce qu’une autorité régulière, émanée d’un gouvernement régulier siégeant à Paris, vienne la relever de ses fonctions». En d’autres termes, le lien politique s’affirme entre la Commune de Paris et celle de Marseille. S’il est vrai que Lyon soit rentré dans l’ordre, les élections de Paris ne peuvent tarder à y provoquer de nouveaux mouvements. Partout où l’Internationale a des sections, elle fera agir ses puissants moyens d’action. On peut être certain que le Comité de Paris ne négligera rien pour chercher à entraîner à sa suite la population des grandes villes, si cruellement éprouvée depuis six mois par l’absence de travail.
De son côté, l’assemblée de Versailles appelle les volontaires et les troupes de la province et cherche à organiser la résistance. Seulement, le Comité de Paris semble avoir l’intention de provoquer de nouvelles élections générales, en soutenant que l’assemblée nationale a été nommée pour faire la paix seulement, et sous le coup de préoccupations d’un ordre tout spécial. Il demandera une constituante, et il est probable que, aujourd’hui déjà, la composition de l’assemblée serait assez notablement modifiée.
La lutte continuera ainsi de part et d’autre pendant quelque temps, chacun cherchant à se compter et à rallier ses partisans. Cette lutte deviendra-t-elle une lutte armée? La plupart le craignent. Quand cette lutte armée aura-t-elle lieu? C’est surtout une question de temps, répondent un très grand nombre de personnes.Comme la plupart des affaires de la Légation sont à Paris, je crois pouvoir rester dans la capitale, où se trouve aussi ma famille, pour autant que des affaires de service ne m’appellent pas à Versailles. Je m’y rendrai aussi souvent que cela sera nécessaire, ou je chargerai un des Secrétaires de la Légation de s’y transporter pour régler les affaires courantes à traiter avec les Ministères. Celui d’entre ceux qui s’y rendra pourra profiter de cette occasion pour Vous transmettre des nouvelles télégraphiques, soit sur les événements de l’intérieur de Paris, soit sur ce qu’ils auront appris à Versailles. A cet effet, je les autorise à signer directement les télégrammes partant de Versailles, tandis que je me trouverais à Paris.
Je ferai tous mes efforts pour Vous tenir au courant de la situation politique extrêmement tendue, et de suffire, autant que possible, à l’expédition des affaires à Paris et à Versailles. Jusqu’à nouvel avis, je Vous prie de continuer à m’adresser Vos lettres à Paris, et les télégrammes à Versailles, à l’adresse qui Vous est connue. Mes collègues procèdent de la même manière que moi; seulement, comme la plupart des affaires courantes sont traitées par les Consuls, leur présence à Paris est moins souvent nécessaire.
Je Vous envoie ci-joint un certain nombre de journaux appartenant au mouvement actuel et représentant ses tendances.
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