Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 2, doc. 310
volume linkBern 1985
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#709* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 330 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 23 (1870–1870) |
dodis.ch/41843
Un grand nombre de journaux parisiens continuent à s’occuper de Y affaire de la Savoie. La plupart le font dans un sens plutôt hostile, sauf la Vérité dont l’article favorable à la Suisse a été reproduit dans le Journal des Débats. Un journal d’hier, Le Réveil, disait que la Suisse, croyant la France à l’agonie, voulait en profiter pour lui voler une partie de son territoire. Cela vous indique le ton adopté par cette presse.
J’ai tenu en conséquence à aller aux informations et à chercher à apprendre si le Gouvernement de la Défense nationale avait reçu avis d’une entrée des troupes suisses en Savoie. Je me suis rendu hier au Ministère des Affaires Etrangères et j’ai eu, sur cette question, un entretien avec Monsieur Jules Favre. En voici le résumé succinct.
M. Jules Favre m’a dit que la seule nouvelle parvenue à ce sujet au Gouvernement était contenue dans une dépêche de Tours, du 7 Décembre; M. Gambetta l’informe du mouvement qui s’est produit dans la Savoie du Nord, pour demander l’occupation, et il ajoute que la Délégation de Tours a blâmé l’opinion émise par le Préfet. Rien de plus. M. Favre suppose que le Préfet aurait été favorable à l’occupation par les troupes suisses et qu’il aurait été désapprouvé par le Ministre de l’Intérieur de la Délégation. Il a ajouté que, quant à lui, il n’avait pas encore suffisamment étudié la question pour se permettre un jugement; que cependant dans son opinion, il envisage que la Suisse n’a pas à craindre la violation de sa neutralité et que sa position est entièrement sauvegardée par les déclarations données au début de la guerre par les Gouvernements des Etats belligérants2; que dans cet état de choses, il ne voit pas la nécessité de prendre des mesures militaires. En terminant, M. Favre a ajouté qu’il avait du reste chargé la Direction politique de lui présenter un rapport sur l’ensemble de la question.
J’ai exposé aussi brièvement que possible à M. Favre le point de vue de la Suisse, en faisant observer que, d’après des nouvelles particulières datées du 11 Novembre, l’initiative de l’occupation par les troupes avait été réellement prise par les populations de la Savoie du Nord, qui auraient envoyé dans ce but des délégués à Berne. J’ai lieu de douter qu’une occupation ait été décrétée, mais je suis, depuis cette époque, sans aucune nouvelle de la Suisse.
L’occupation de Rouen, d’Amiens, d’Orléans, par les troupes allemandes, connue du public parisien hier seulement, par des dépêches de source française, ne paraît pas avoir découragé M. Jules Favre, et diminuer son intention de continuer la résistance. «Tout cela est bien triste, a-t-il dit. Mais en présence de l’attitude si patriotique de la capitale, en présence des nouvelles que nous recevons des diverses provinces, et qui constatent que le pays repousse absolument l’idée d’une cession de territoire, il ne nous reste pas autre chose à faire qu’à continuer la lutte. Nous pouvons être écrasés, mais nous ne voulons pas nous déshonorer.»
M. Favre regrette que son opinion, qui était aussi celle de M. Picard, de convoquer une Assemblée nationale, malgré le refus de ravitaillement proportionnel dont la rupture des négociations d’armistice avait été la conséquence, n’ait pas été partagée par la majorité du Gouvernement. M. le Ministre des Affaires Etrangères a exprimé la conviction que l’Assemblée nationale aurait donné une grande force à la défense, parce qu’elle aussi aurait repoussé avec autant d’énergie que le Gouvernement lui-même, l’idée d’un démembrement de la France.
Vous pouvez voir, Monsieur le Président, d’après ces communications très confidentielles, que nous ne paraissons pas encore être parvenus au terme de cette guerre. A Paris, la population paraît décidée à continuer la résistance, aussi longtemps que la famine ne l’obligera pas à céder. Même en cas de reddition de Paris, l’opinion paraît en général se prononcer dans ce sens que la lutte sera continuée dans les Départements. On croit avoir encore ici des vivres pour quelques semaines, mais la misère augmente d’intensité de jour en jour.
La Légation est en mesure d’en constater les douloureux effets dans la colonie suisse. L’absence complète de travail a tellement épuisé toutes les ressources, que bon nombre de nos compatriotes mourraient littéralement de faim si la Légation et la Société de bienfaisance ne faisaient, chacune de leur côté, des sacrifices considérables pour distribuer sur une grande échelle des bons de pain et des bons pour les fourneaux économiques (Sparspeiseanstalten) de la ville de Paris. Je me permettrai de vous transmettre de nouveaux détails sur cette question de l’assistance pendant le siège, après la fin de l’investissement.
J’espère que vous aurez bien reçu, Monsieur le Président, mes trois derniers rapports officiels, Nos 1694, 1731 et 1769, expédiésparballonles4,26 Novembre et 8 Décembre3, ainsi que mes lettres personnelles expédiées le 19 Novembre et le 16 Décembre4, par le courrier de M. Washburne. Je vous prie de vouloir bien me faire adresser mes correspondances et les lettres expédiées sous mon couvert, régulièrement tous les huit jours, en les envoyant à Mr. Stevens, 17, Henriet Street, Covent Garden, London; elles pourront de là m’être adressées fermées par l’entremise de M. Washburne, Ministre des Etats-Unis à Paris. Vous concevez combien est naturel ce sentiment et combien serait vive ma reconnaissance, si vous me faisiez à cette occasion parvenir quelques indications sur ce qui se passe en Suisse de plus important. L’Assemblée fédérale s’est-elle réunie? A quoi en est la question de la Savoie? A quoi en est la lutte des Trans-Cénériens dans le Canton du Tessin? On me demande souvent aussi si la plupart des habitants de Strasbourg ont quitté la Suisse pour rentrer chez eux? Voilà tout autant de points importants sur lesquels des éclaircissements me seraient précieux.
Dans votre office du 11 Novembre5, vous mettez à ma disposition Fr. 20000 pour les blessés français, mais je n’ose pas agir dans cette question d’après ma manière de voir personnelle, sans vous avoir consulté. L’ambulance suisse qui, actuellement, ne donne asile qu’à des blessés français, s’est fondée par le produit de souscriptions de la colonie suisse dont le montant a été d’environ vingt mille francs. Vers la fin du mois, notre ambulance sera presque à bout de ressources, parce que le nombre des blessés a été plus considérable qu’on ne l’avait prévu, et que le siège se prolonge au-delà de toute attente. Une nouvelle souscription dans la colonie suisse, si durement frappée elle-même, ne produirait sans doute pas la somme suffisante, et cependant les blessés recueillis ne peuvent être abandonnés. Ne serait-il pas possible d’affecter une partie, la moitié au moins, de cette somme à l’ambulance suisse? Le but de venir en aide aux blessés français serait atteint, mieux encore qu’en la remettant à V Internationale, appelée à soigner de nombreux blessés allemands; le contrôle serait aussi plus efficace, puisque des Suisses seuls seraient appelés à faire usage de ces fonds. Quant au solde, il pourrait être remis à l’intendance française, Y Internationale disposant déjà de millions et ne vouant pas ses soins aux Français exclusivement. Vous m’obligeriez en me faisant connaître vos directions sur ces divers points. Si la salle suisse n’a plus de blessés allemands, c’est parce qu’on a trouvé préférable de réunir tous ceux-ci dans une même salle de l’ambulance protestante, située dans le même bâtiment que l’ambulance suisse. J’ignore comment vous avez procédé pour les 20000fr., envoyés par vous en Allemagne pour les blessés.
A Paris, parmi les Français et particulièrement parmi les Suisses, l’opinion se prononce très fortement contre l’occupation de la Savoie par nos troupes. [...]
Aucune lettre de votre part depuis celles des 11 et 18 Novembre.
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Neutrality of Savoy (1870–1871)