Classement thématique série 1848–1945:
I. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ÉTATS
I.12 FRANCE
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 2, doc. 307
volume linkBern 1985
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2#1000/44#500* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2(-)1000/44 723 | |
Titolo dossier | Schutz der Schweizer in Frankreich und Deutschland während des Krieges (1870–1872) | |
Riferimento archivio | B.266 |
dodis.ch/41840
Malgré les avertissements du Gouvernement de Paris, et les affiches nombreuses engageant les personnes, «hors d’état de prendre part à la défense», à quitter la capitale, un très grand [nombre]de nos compatriotes établis à Paris, ont cru devoir rester dans cette ville pendant le siège.
Les uns cherchèrent à se rendre utiles, sans se mettre en opposition avec les lois de neutralité de la Suisse; ils formèrent des compagnies de pompiers, des compagnies attachées aux ambulances volantes et créèrent une ambulance fixe dans le nouveau collège Chaptal. Mais pour beaucoup, le séjour de Paris devenait peu à peu très difficile, à mesure que l’investissement se prolongeait. La plupart des ateliers et des magasins se fermaient; le travail devenait chaque jour moins rémunérateur; beaucoup de ceux qui étaient occupés aux fortifications furent renvoyés lorsque les travaux tirèrent à leur fin.
Aussi, dès le milieu d’Octobre, plusieurs de nos compatriotes se sont adressés à ma Légation en me demandant de faire auprès des autorités militaires des démarches pour leur permettre de quitter Paris.
Le 25 Octobre, j’adressai à M. le Chancelier de la Confédération de l’Allemagne du Nord à Versailles une demande2 de sauf-conduits pour quinze citoyens Suisses, parmi lesquels se trouvaient M. Fornerod, ancien Conseiller Fédéral, et deux jeunes dames. M. de Bismark me répondit en date du 29 Octobre3, qu’en ce qui concernait les autorités allemandes, elles ne voyaient aucun inconvénient à ce départ. Il demandait que chacune des personnes désignées sur la liste fut munie d’un passeport de ma Légation et d’un sauf-conduit de la Légation des Etats-Unis en France. Le départ devait s’effectuer par la route de Créteil, au Sud-Est de Paris.
Cette réponse me parvint le 30 Octobre au soir. Le lendemain, l’Hôtel de Ville était envahi, le Gouvernement était gardé à vue pendant plusieurs heures par les partisans de la Commune. Ces faits, malgré l’insuccès des émeutiers, retardèrent de huit jours le départ de nos compatriotes. Après plusieurs démarches personnelles auprès de M. le Général Trochu et de son chef d’Etat-major, M. le Général Schmitz, le moment en fut fixé au 8 Novembre, à 6 heures du matin. Chacune des personnes quittant Paris dut signer une déclaration par laquelle elles s’engageaient à n’emporter aucun journal, lettre ou paquet, excepté leur bagage personnel, sous peine d’être exposées à toute la rigueur des lois militaires.
Un sauf-conduit avait été accordé à M. Lardy pour accompagner ses compatriotes aux avant-postes, et les assister pour la vérification des sauf-conduits. Cette opération se fit sans difficultés, les Suisses ayant été admis à passer avant les Anglais, Américains, Autrichiens, et autres étrangers [qui faisaient partie du même convoi. Les papiers de nos compatriotes furent visés «pour la Suisse par Strasbourg», sans qu’il fût possible d’apprendre quelle partie du chemin ils seraient obligés de faire à pied avant d’atteindre une voie ferrée. Jusqu’à cette date, je n’ai reçu aucun renseignement sur le voyage de nos compatriotes; les journaux de Paris ont prétendu qu’ils auraient été dévalisés, mais je n’ai aucun motif de croire cette assertion fondée. Je sais seulement que M. Wodehouse, Secrétaire de l’Ambassade Britannique, qui a quitté Paris en même temps que les Suisses et s’est rendu à Versailles, n’est arrivé dans cette ville qu’après trois jours de marche, n’ayant pu trouver en route ni logement ni nourriture.
En moins de trois semaines, plus de quatre cents Suisses se sont fait inscrire à la Chancellerie pour obtenir l’autorisation de quitter Paris. Le 6 Novembre, alors que le nombre des inscriptions s’élevait déjà à 170, je crus devoir ne pas attendre plus longtemps et j’écrivis de nouveau4 à M. de Bismark pour lui demander des sauf-conduits pour tous ceux de nos compatriotes qui en avaient, à cette date, exprimé le désir. Je continuai néanmoins à prendre note de tous ceux qui demandaient à quitter Paris, afin d’être prêt à toutes les éventualités. M. le Chancelier de la Confédération de l’Allemagne du Nord m’a répondu le 12 Novembre5, par la lettre dont j’ai l’honneur de vous donner copie sous ce pli. Il m’annonçait qu’il suffirait de remettre à nos compatriotes un passeport régulier, visé par la Légation des Etats-Unis, et ajoutait que l’autorité militaire allemande ne pourrait plus, à l’avenir, accorder de nouvelles autorisations pour franchir les lignes de l’armée assiégeante. Cette même restriction fut apportée à toutes les Légations qui avaient fait des demandes analogues.
Je priai immédiatement les 170 Suisses, auxquels l’autorisation de sortir de Paris était accordée par les Allemands, de se réunir à la Légation et dans l’intervalle, je fis les démarches d’usage pour obtenir un sauf-conduit français. M. le Général Schmitz, Chef d’Etat-major, répondit que M. le Gouverneur de Paris s’était décidé à n’autoriser aucun nouveau départ d’étrangers.
Comme M. Jules Favre m’avait assuré verbalement, quelques jours plus tôt, que si j’obtenais des sauf-conduits allemands, la France en accorderait aussi de son côté, j’ai cru devoir me renseigner auprès des représentants des autres nations à Paris. J’avais appris en effet qu’un certain nombre d’Anglais, de Belges, de Hollandais etc., avaient reçu, en même temps que les Suisses, l’autorisation de franchir les lignes allemandes. M. le Colonel Claremont, Attaché militaire à l’Ambassade d’Angleterre, qui soutient depuis longtemps des relations d’amitié avec M. le Général Trochu, répondit qu’il s’était rendu chez le Gouverneur de Paris pour demander la libre sortie de plus de cent de ses compatriotes. M. Trochu ayant, dès l’abord, laissé voir que la chose lui paraissait difficile, M. Claremont l’aurait engagé à ne pas se presser de répondre, à consulter ses collègues, et à lui faire connaître par écrit sa décision. M. Claremont aurait ajouté: «Il doit être bien entendu que votre «oui» sera oui pour tout le monde, ou que votre «non» sera non pour tous aussi. Car je suis bien décidé, si vous me refusez et si des autorisations sont accordées à d’autres, à «vous faire un grand scandale.» Et réciproquement, si vous faisiez une exception en faveur des Anglais, je suis convaincu que les représentants respectifs vous adresseraient de vives réclamations.» Le lendemain, M. Trochu écrivit au Colonel Claremont qu’après avoir pris l’avis des membres du Gouvernement, il n’accorderait plus à l’avenir aucun sauf-conduit pour quitter Paris. M. Claremont était décidé, ensuite de cette réponse, à ne pas insister d’avantage, tant que le Gouvernement de Paris ne ferait pas de distinctions entre les diverses nationalités étrangères.
J’ai immédiatement communiqué dans une réunion qui eut lieu le soir même à la Légation Suisse, le résultat de ces démarches à tous nos compatriotes autorisés à franchir les lignes allemandes. J’attirai aussi leur attention sur les difficultés du voyage, en engageant les femmes et les petits enfants à y renoncer, s’ils ne pouvaient se procurer une voiture et des chevaux. Je fis préparer les passeports et demandai à tous ceux qui étaient décidés à entreprendre néanmoins cette expédition, à me le déclarer. Sur 170 personnes, 92 persistèrent dans leur résolution. Les difficultés réelles ou imaginaires du voyage avaient engagé la presque unanimité des Hollandais, auxquels des sauf-conduits allemands avaient été accordés, à renoncer à quitter Paris. En présence du chiffre des Suisses décidés à s’éloigner, je crus devoir adresser une note à M. Jules Favre, le 15 Novembre6, et lui demander des sauf-conduits français pour les 92 personnes dont je lui communiquais les noms, «dans le cas où cette faveur serait accordée à des étrangers d’une autre nationalité.»
M. le Ministre des Affaires Etrangères me répondit le 26 Novembre7, dans des termes très cordiaux, qu’il aurait vivement désiré faire modifier en faveur des Suisses la décision de M.le Gouverneur de Paris, mais que des démarches n’avaient pu réussir. Je me permets de vous envoyer également copie de cette lettre8.
Dans ces circonstances, il est très improbable que nos compatriotes puissent quitter Paris avant la fin du siège. La période des grandes opérations militaires autour de la capitale a commencé, et un convoi d’étrangers ne pourrait matériellement franchir les lignes des armées belligérantes pendant le combat presque continu auquel nous assistons.
En présence des réponses de MM.de Bismark et Trochu, il ne pourrait être question de demander des sauf-conduits pour les Suisses qui s’étaient fait inscrire postérieurement au 6 Novembre, date de ma seconde lettre à M. de Bismark.
J’ai tenu cependant à vous indiquer quelles ont été les démarches faites par moi pour essayer de faciliter le départ de ceux des Suisses qui m’en avaient exprimé le désir. Si je n’ai pu réussir, cela doit être attribué aux nécessités de la défense militaire, et sur ce terrain, tous mes collègues ont été, avec moi, d’avis qu’il n’y avait pas lieu d’insister.
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