Classement thématique série 1848–1945:
I. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ÉTATS
I.12 FRANCE
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 2, doc. 291
volume linkBern 1985
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2300#1000/716#709* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2300(-)1000/716 330 | |
Titolo dossier | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 23 (1870–1870) |
dodis.ch/41824
Ainsi que j’ai eu l’honneur de Vous en informer, les Ambassadeurs d’Autriche, d’Angleterre, et de Turquie, le Ministre d’Italie et le Chargé d’affaires de Russie, ont subitement quitté Paris le Samedi 17 Septembre, sans provoquer une réunion de leurs collègues, sans pourparlers préalables, et sans même informer de leur départ les membres du Corps diplomatique.
Ce mode de procéder a provoqué un mécontentement général. Aussi plusieurs des Ministres restés à Paris m’avaient exprimé le désir qu’en ma qualité de doyen, je m’entendisse avec le Nonce apostolique. Ils me demandaient de m’informer si celui-ci, bien qu’il ne fût pas encore entré en rapport officiel avec le Gouvernement de la République, consentirait néanmoins à convoquer en temps utile le Corps diplomatique, dans le cas où l’armée assiégeante dénoncerait à celui-ci le bombardement de la capitale. Ils me priaient en même temps de les convoquer, dans le cas où le Nonce ne croirait pas pouvoir s’y engager.
Le lendemain du départ des Ambassadeurs, le Dimanche 18 Septembre, je me suis rendu chez le Nonce pour lui faire part de la demande de quelques-uns de mes collègues. Mgr Chigi m’a répondu approuver pleinement l’idée d’agir d’un commun accord, et qu’il n’hésiterait pas à réunir chez lui le Corps diplomatique. Il fut convenu que cette convocation n’aurait lieu que si le bombardement nous était dénoncé.
Néanmoins, le Jeudi soir 22 Septembre, je recevais la circulaire suivante: «Vu la gravité des circonstances, le soussigné, Nonce apostolique, prie MM. les chefs de missions diplomatiques à Paris, de vouloir bien se rendre chez lui demain (23) à 11 heures du matin, à l’effet d’aviser à une règle commune de conduite à suivre, (sig) Flavius Chigi, archevêque de Myre.»
Tous les Ministres et chargés d’affaires présents à Paris assistaient à cette réunion, qui a eu lieu le Jeudi 23 à l’hôtel de la Nonciature apostolique.
Le Nonce a ouvert la séance en annonçant que, sur la demande de quelques collègues, il n’avait pas voulu renvoyer plus longtemps une convocation. Les motifs qui l’avaient principalement guidé étaient la situation intérieure, qui lui paraissait devenir menaçante. Il a fait allusion aux manifestations du parti rouge, qui cherchait à déborder le Gouvernement, et il a ajouté que si ces tentatives devaient réussir, aucun habitant de Paris ne pourrait prévoir quelles en seraient les conséquences. En terminant, il a précisé le but de la réunion en posant, comme objet des délibérations, les trois questions suivantes: «Quels sont les moyens que pourraient adopter les Ministres étrangers pour rester, malgré l’investissement de Paris, en rapport avec leurs Gouvernements?» «A quel moment convient-il que le Corps diplomatique quitte la capitale?» «Les Ministres, dans cette circonstance, devront-ils agir collectivement ou séparément?» Le Nonce a surtout insisté sur le fait que, dans les circonstances actuelles, notre présence à Paris était tout à fait inutile. Comme je me trouve [être actuellement le doyen des Ministres étrangers, et qu’en outre, aucun des Ambassadeurs n’est à Paris, j’ai cru pouvoir et devoir prendre le premier la parole. Sur la première question, j’ai cru devoir faire une proposition formelle et demander que l’assemblée voulût bien prier le Nonce de faire, au nom de ses collègues, des démarches auprès du Ministre des Affaires Etrangères, dans le but d’obtenir un courrier neutre. J’ai ajouté qu’en ce qui concernait la France, j’avais la conviction que cette facilité nous serait accordée, et que M. Jules Favre s’empresserait de faire auprès de qui de droit les démarches nécessaires, si la demande lui en était faite. J’ai exprimé l’espoir que la Prusse ne se refuserait pas à faire droit à une demande qu’autorisaient les usages du droit international. Si, contre toute attente, un refus devait nous être opposé, le blâme en retomberait, non pas sur ceux qui demandent, mais sur ceux qui refusent. Enfin, nous serions justifiés vis-à-vis de nos Gouvernements respectifs, et nous aurions le sentiment de n’avoir rien négligé pour assurer le service de nos correspondances. Sur la seconde question, j’ai émis l’avis qu’il était préférable de ne pas nous prononcer aujourd’hui ni dans un sens, ni dans l’autre. Il ne me paraît pas exister de motifs d’agir aujourd’hui autrement que lors du départ des Ambassadeurs, et de revenir sur la décision prise à cette époque de rester à Paris. La situation extérieure est en effet la même. Quant à la situation intérieure, je ne saurais nullement partager l’opinion que celle-ci doit nous engager à quitter la capitale. D’abord, nous ne saurions, vis-à-vis du Gouvernement qui seul existe aujourd’hui, alléguer, comme motif de notre départ, le fait que nous craignons de voir son autorité méconnue. Ensuite les craintes exprimées par Mgr le Nonce, de voir le Gouvernement débordé par le parti rouge, n’existent plus aujourd’hui. Les démonstrations tentées par ce parti ont tourné à sa confusion, et au profit du Gouvernement de la défense nationale. Le rapport de M. Jules Favre, qui vient de paraître au Journal officiel sur les résultats de sa démarche au quartier général allemand, fera sans doute cesser entièrement les dissentiments qui auraient pu se produire. Je me suis permis d’ajouter qu’après la publication du rapport du Ministre des Affaires Etrangères, dont tous les membres du Corps diplomatique auront pris connaissance avec un vif intérêt, la résolution de quitter Paris serait envisagée sous un jour très défavorable, et paraîtrait peut-être encore plus inopportune qu’il y a huit jours. Je me prononce donc contre l’idée de quitter la capitale. J’ai ajouté aussi qu’il me paraîtrait prématuré de décider, aujourd’hui déjà, que le Corps diplomatique quitterait Paris dans le cas où le bombardement lui serait formellement dénoncé. Il y aurait plutôt, à mon avis, lieu d’attendre jusqu’à ce que cette dénonciation ait lieu effectivement. On pourrait alors convoquer une nouvelle réunion et agir selon les circonstances.
Passant à la troisième question, j’ai émis l’opinion qu’il était plus conforme à la dignité et à la position du Corps diplomatique d’agir collectivement, de prendre des mesures communes, et de marcher de concert, plutôt que d’agir chacun à notre gré et de nous [nous débander. «Je me fais un devoir à cette occasion de déclarer en toute franchise, que je ne saurais approuver la manière en laquelle quelques-uns de nos collègues ont quitté la capitale. Nous ne voulons et nous ne devons pas imiter cet exemple. Les rapports que nous avons chaque jour à soutenir comme collègues, exigent que les résolutions d’un intérêt majeur pour chacun de nous soient prises en commun, que nous nous entendions librement et franchement, et qu’une fois d’accord, nous agissions de concert.»
Trois personnes seulement ont pris la parole après moi.
M. de Moltke, Ministre du Danemark, et M. de Zuylen, Ministre des Pays-Bas, ont déclaré être entièrement d’accord avec mes paroles. Ils ont cependant ajouté qu’à leur avis, le Nonce avait eu raison de ne pas attendre plus longtemps pour provoquer une réunion du Corps diplomatique. Chacun savait la rupture des négociations tentées entre les belligérants, et c’est ce qui avait légitimé et motivé la convocation.
M. Washburne, Ministre des Etats-Unis, a pris ensuite la parole en anglais, en faisant traduire son discours par le 1er Secrétaire de la Légation. Il s’est joint sous tous les rapports à mes conclusions et aux considérations que j’avais développées pour les appuyer. Il a, lui aussi, exprimé formellement le désir qu’une nouvelle réunion ait lieu si le bombardement est dénoncé au Corps diplomatique.
Tous les autres Ministres ont approuvé mes conclusions sans motiver leur vote.
Avant de nous séparer, il fut encore convenu que le Nonce nous réunirait de nouveau dès qu’il connaîtrait le résultat des démarches faites pour obtenir un courrier neutre.
J’ajouterai en terminant que l’opinion qui régnait unanimement dans l’assemblée était le mécontentement au sujet de la manière précipitée dont les Ambassadeurs avaient quitté Paris et s’étaient séparés de leurs collègues.
Je Vous ai communiqué les conclusions et résolutions prises par le Corps diplomatique, en confiant ma lettre à un courrier du Ministère des Affaires Etrangères1. Je n’ai pas cru devoir entrer dans de plus longs détails sur cette réunion dans une pièce qui pouvait tomber entre les mains de l’un ou l’autre des belligérants. Mais j’ai cru de mon devoir de Vous adresser un rapport succinct sur nos délibérations. Si le courrier neutre nous est accordé, ou si une occasion sûre se présente, je m’empresserai de Vous faire parvenir la présente communication.
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