Jules Favre vient de m’adresser la lettre suivante: J’ai reçu la dépêche2 que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser et par laquelle vous m’annoncez que le Conseil fédéral vous a autorisé à entrer immédiatement en relations officielles avec le Gouvernement de la République Française. Cette nouvelle me cause une vive joie. L’étroite amitié qui unit la France et la Suisse ne peut être que fortifiée par la communauté des institutions politiques.
Plus heureux que nous, vous jouissez depuis longtemps d’une liberté fortement assise sur la sagesse des habitudes et la virilité des mœurs. Vos pères l’ont conquise par d’héroïques sacrifices et vous l’avez conservée par vos vertus. Peut-être aussi a-t-elle été protégée par votre admirable sol qui est à la fois le plus magique et le plus redoutable de l’Europe. Mais vous avez eu l’habileté de le peupler de libres citoyens sachant être des héros quand il s’agit de le défendre. Quand la France aura traversé la crise périlleuse que lui vaut l’Empire, elle comprendra qu’il est temps pour elle d’imiter votre exemple. Elle sera libre et guerrière et l’épée qu’elle retiendra dans sa main, vouée désormais à l’agriculture et à l’industrie, sera le symbole du respect du droit et de l’intégrité du sol national.
Je me félicite, Monsieur le Ministre, au milieu des pénibles préoccupations qui m’assiègent, de me consoler par ces patriotiques espérances. Vous les faites naître naturellement par vos sympathies. Je vous en remercie, tant en mon nom qu’au nom de mes collègues, en vous priant d’exprimer à votre Gouvernement et de recevoir pour vous-même l’assurance [...].