Classement thématique série 1848–1945:
I. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ÉTATS
I.12 FRANCE
Également: Reconnaissance du nouveau Gouvernement français. Annexe de 8.9.1870
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 2, doc. 287
volume linkBern 1985
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#709* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 330 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 23 (1870–1870) |
dodis.ch/41820
Votre télégramme daté d’hier matin2, dix heures 35m, relatif à la reconnaissance de la République Française par la Suisse, m’est parvenu seulement à six heures du soir.
J’ai immédiatement fait demander par mon 1er Secrétaire une audience de M. Jules Favre, et celui-ci l’a fixée à ce matin à neuf heures. J’ai profité de l’intervalle pour rédiger une note sur les bases de Votre télégramme. Il était indispensable en effet de compléter celui-ci par une introduction, et par une phrase finale destinée, suivant l’usage, à faire mention des rapports personnels que je serai appelé à soutenir avec M. Jules Favre.
Cette introduction et cette conclusion ont pu être simplement copiées d’après un projet de note que j’avais préparé éventuellement, pour le cas où Vous m’auriez autorisé à reconnaître la République Française sur la base de ma proposition chiffrée du 7 Septembre à midi et demi3.
Je me permets de Vous donner connaissance de ce projet qui Vous permettra de constater qu’il était, dans les parties essentielles, en complète harmonie avec le texte de votre télégramme (annexe I)4.
Je ne puis que regretter la lenteur apportée dans la transmission de Votre télégramme. Sans ce retard, il m’aurait été possible de remettre hier encore à M. Favre la note par laquelle la Suisse reconnaît la nouvelle République. Cette note aurait pu paraître ce matin au Journal Officiel, ainsi que cela avait eu lieu précédemment pour la note du Ministre des Etats-Unis.
Votre télégramme du 7 Septembre 4h.35, par lequel Vous me demandez si j’ai une communication officielle quelconque, me fait presque supposer que Vous n’avez pas reçu mon télégramme du 6 Septembre5, entre onze heures et minuit. Je Vous télégraphiais, après quelques renseignements sur l’affaire des céréales, ce qui suit: «Veuillez accélérer autorisation demandée dans lettre d’hier soir. Circulaire Favre est arrivée. On craint interruption très prochaine des communications télégraphiques et postales.» Je comprends que mon télégramme du 7 Septembre 4 heures6, contenant la phrase «circulaire Favre est conforme aux usages», se soit croisé avec Votre télégramme du même jour 4 h.35. Mais ce que je ne puis concevoir, c’est que [Vous ne fussiez pas déjà en possession de mon télégramme du 6 au soir, lorsque Vous m’avez adressé le Vôtre, daté du 7 Septembre, 4 h.35m du soir. Je Vous prie de bien vouloir me renseigner sur ce fait, pour que je puisse faire les réclamations nécessaires auprès de l’administration des lignes télégraphiques.
Ce matin donc, je me suis rendu un peu avant neuf heures chez le Ministre des Affaires Etrangères, et porteur de la note dont je Vous remets ci-joint copie (annexe II)7.
M. Favre, après l’avoir lue, a exprimé dans des termes très cordiaux sa satisfaction et sa reconnaissance, tant pour les sentiments d’amitié exprimés dans ce document, que pour l’empressement avec lequel la Suisse a reconnu la nouvelle forme constitutionnelle adoptée par la France.
J’avais évité d’insérer dans la note des compliments trop personnels à l’adresse du nouveau Ministre des Affaires Etrangères. Je n’ai pas manqué d’exprimer verbalement à M. Favre la satisfaction que j’éprouvais d’être appelé à soutenir des relations presque quotidiennes avec l’homme éminent qui a combattu depuis tant d’années et avec tant de persévérance pour les principes de liberté et de progrès.
M. Jules Favre, après quelques mots bienveillants pour ma personne, s’est empressé de me dire combien la situation du nouveau gouvernement est encore difficile. «Les Français n’ont pas malheureusement, a-t-il dit entre autres, le tempérament sage qui distingue vos compatriotes. Ils ont souvent trop d’ardeur et trop d’impatience. Pour réussir, il nous faut beaucoup de sagesse, et aussi de la modération.» M. Favre m’a ensuite exposé avec beaucoup de franchise le résumé des pourparlers qu’il a eus dans les derniers jours avec les représentants de la Russie, de l’Autriche, de l’Angleterre et de l’Italie. «En présence des forces militaires formidables de l’ennemi, le Gouvernement de la défense nationale désire avant tout deux choses: 1° obtenir un armistice, 2° l’intervention des puissances pour des négociations destinées à arrêter les préliminaires de la paix. Le Gouvernement, a ajouté M. Favre, ne sera facile [sic] en ce qui concerne l’indemnité de guerre. Mais ce qu’il ne pourra jamais admettre, c’est la cession d’une partie du territoire de la France.»
M. Favre s’est plaint un peu du manque d’énergie et d’initiative manifesté par les représentants des grandes puissances, tout en se félicitant des témoignages de sympathie qu’il avait reçus de la part des représentants de ces Etats à Paris. Il aura de nouveaux pourparlers aujourd’hui même, et il a l’espoir que des instructions nouvelles seront de nature à faciliter une entente.
Il m’a prié, tout en reconnaissant que comme représentant d’un Etat auquel la neutralité est imposée par les traités, je ne pouvais agir officiellement, d’appuyer, dans mes pourparlers avec les représentants des puissances, les désirs du Gouvernement Français. Je pouvais d’autant moins m’y refuser que les demandes du Gouvernement Français sont à la fois dans l’intérêt de la Suisse, comme aussi dans celui de tous les Etats qui ont observé jusqu’à ce jour la neutralité.
J’ai profité de cette occasion pour remettre personnellement à M. Favre une lettre rédigée sur la base de Votre télégramme d’hier, et annonçant la formation en Suisse de Comités appelés à venir en aide aux malheureux habitants de Strasbourg. Après avoir pris connaissance de cette communication, qui était la reproduction de Votre télégramme8, M. Favre a exprimé sa plus vive reconnaissance pour les sentiments de sympathie et d’humanité dont cette démarche porte l’empreinte.
J’ai bien reçu Votre télégramme chiffré, daté d’hier 1 h. Il m’est parvenu à six heures du soir en même temps que Votre télégramme, daté de dix heures du matin.
Un entrefilet dans le Journal 0//ïde/d’aujourd’hui pourrait faire croire que le Corps diplomatique aurait déjà pris une résolution sur la question de savoir s’il restera à Paris pendant le siège, ou s’il se transportera dans une autre ville.
Il est de fait que les membres du Corps diplomatique n’ont jamais été convoqués, et il est au moins singulier de parler de résolutions du Corps diplomatique avant que celui-ci ne se soit réuni.
Je n’ai pu m’empêcher de me prononcer dans ce sens vis-à-vis de Lord Lyons, qui, comme je Vous l’ai écrit récemment, partage aussi l’opinion que la question doit être traitée dans une réunion de tous les membres du Corps diplomatique. Il a ajouté n’avoir jamais formulé une demande dans le sens de celle dont le Journal Officiel fait mention.
Lord Lyons m’a dit très confidentiellement que quelques Légations avaient reçu pour instruction formelle de quitter Paris dès le commencement de l’investissement, entre autres le prince Metternich, et il croit que c’est ce dernier qui aura parlé à M. Favre dans le sens de l’entrefilet du Journal Officiel.
Je suppose que la résolution des membres du Corps diplomatique, dépendra essentiellement du fait suivant: le Ministre des Affaires Etrangères quittera-t-il Paris oui ou non? En effet, on peut prévoir que pendant le siège, des pourparlers continueront entre les membres du Corps diplomatique et le Ministre des Affaires Etrangères comme représentant du Gouvernement.
Dans tous les cas, il était très mal à propos de la part de tel ou tel ambassadeur, de parler au nom du Corps diplomatique sans y être autorisé en aucune manière.
D’après tout ce que j’ai pu entendre jusqu’à présent sur la situation de Paris, l’opinion qui me paraît la plus accréditée est que la ville ne saurait opposer une longue résistance aux forces supérieures qui s’approchent de la capitale.
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