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Le Conseil fédéral au Chargé d’Affaires d’Espagne à Berne, M. Cortina1

Sous la date du 292 du mois dernier, vous avez eu l’obligeance de donner lecture à Monsieur le Président de la Confédération suisse d’une circulaire du Gouvernement provisoire d’Espagne, adressée le 19 octobre 1868 aux agents diplomatiques espagnols à l’étranger et signée Juan Alvarez de Lorenzana, en lui laissant une copie3 de cette circulaire.

Le Gouvernement provisoire dépeint, dans ce document, la situation du régime actuel en Espagne, et explique que la volonté nationale exprimée par la voie du suffrage universel ouvrira une nouvelle ère pour ce pays, qui, dès lors, peut espérer que les autres Etats reconnaîtront de fait le nouvel ordre de choses.

Le Conseil fédéral, en vous remerciant pour cette communication, ne peut, Monsieur le Chargé d’Affaires, que vous confirmer ce qui vous a été communiqué verbalement par M. le Président de la Confédération. La Suisse, dont les institutions émanent de la volonté populaire, reconnaît naturellement à toute autre nation le droit de s’organiser d’après le même principe.

Appuyée sur des précédents analogues, la Suisse se fera un devoir de conserver vis-à-vis de l’Espagne la position qu’elle a prise à l’égard d’autres Etats. C’est du reste avec une vive satisfaction qu’elle reprendra et poursuivra ses relations diplomatiques avec l’Espagne, revendiquant les principes exprimés dans la circulaire.

Quant au Gouvernement provisoire espagnol, le Conseil fédéral a tout lieu de le considérer comme étant la véritable expression de la situation actuelle; il hésite d’autant moins à entrer en rapports officiels avec lui, qu’en proclamant la liberté de conscience dans sa circulaire, ce Gouvernement s’est assuré l’estime du monde civilisé, et que la Suisse sera dès lors heureuse d’entretenir des relations diplomatiques avec l’Espagne, reconstituée sur une base libérale.

A cette occassion, le Conseil fédéral ne peut que féliciter sincèrement l’Espagne de la transformation si prompte qu’elle a accomplie avec tant de modération.

Il aime à espérer que la nouvelle ère qui s’est ouverte pour votre pays répandra d’une manière permanente ses bienfaits sur cette noble Espagne, si riche de beaux souvenirs historiques.