Après avoir pris connaissance de la dépêche que le Conseil Fédéral m’a fait l’honneur de m’adresser à la date du 20 courant2, je me suis empressé de me renseigner le plus exactement possible sur la position prise par les représentants des grands Etats vis-à-vis du nouveau pouvoir et plus particulièrement sur l’attitude que pouvait avoir observé à cet égard le Ministre des Etats-Unis d’Amérique. J’ai commencé par me rendre au Ministère des Affaires Etrangères où, en l’absence du Ministre, je me suis entretenu assez longtemps avec son Sous-Secrétaire d’Etat, Monsieur Valera, qui est son alter ego. Entre beaucoup de détails qui m’ont été fournis sur la politique du jour, Monsieur Valera m’a affirmé que les Etats-Unis d’Amérique et l’Italie avaient déjà reconnu de la manière la plus explicite le Gouvernement Provisoire et par conséquent tous les changements survenus dans ce pays, en se fondant sur le principe du droit qu’avait le peuple Espagnol de choisir librement la forme gouvernementale qui lui plairait le plus. Mon interlocuteur m’a ajouté que les Représentants de la France, de l’Angleterre, de la Prusse et du Portugal avaient eu des conférences ces jours derniers avec le Ministre, Monsieur Lorenzana, auquel ils avaient donné l’assurance que leurs gouvernements respectifs, non seulement ne songeaient pas à une intervention quelconque dans les affaires de la Péninsule, mais qu’au contraire ils étaient bien disposés pour l’Espagne à cause de l’extrême modération et des sages mesures prises par les principaux auteurs de la révolution, en ajoutant qu’ils comptaient recevoir d’un instant à l’autre la reconnaissance formelle du Gouvernement Provisoire.
En sortant du Ministère des Affaires Etrangères, je suis allé à la Légation des Etats-Unis où l’on m’a confirmé les faits qui précèdent.
Dans cette situation, et sans préjuger l’attitude que prendra V.E. au sujet d’une reconnaissance officielle des pouvoirs actuels dans ce pays, telle que la lui conseillait la Société de l’Union libérale de la Ville de Berne, je crois pourtant devoir lui manifester que le Gouvernement Provisoire Espagnol, aussi bien que tous nos Suisses en Espagne, verraient avec une grande satisfaction le Conseil Fédéral se déterminer dans un bref délai à reconnaître officiellement le nouvel ordre de choses et ne pas être l’une des dernières Nations qui donnerait à l’Espagne régénérée une preuve de sympathie et d’amitié.