Sprache: Französisch
2007
Kreis, Georg: La Suisse et l'Afrique du Sud : 1948-1994 : rapport final du PNR 42+ réalisé sur mandat du Conseil fédéral / Georg Kreis, Carouge-Genève : Zoé, 2007, 620 p.
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Compte rendu dans Le Temps du Jeudi 5.4.2007 ( Antoine Bosshard):

Les ambiguïtés de la Suisse face à l'apartheid
La traduction du rapport d'historiens dirigés par Georg Kreis est un événement. Il dit l'embarras de notre diplomatie d'alors.
C'est un rapport, commandé en 2000 par l'autorité fédérale. Il est, hélas, traduit dans un volapük ressemblant au français qui, par endroits, demande à être retraduit à mesure et n'honore pas son éditeur. Et pourtant, La Suisse et l'Afrique du Sud, réalisé par une équipe d'historiens dirigés par le professeur Georges Kreis, rappelle et décortique un moment particulièrement passionnant de notre histoire récente, même si elle n'est pas à la gloire de notre pays.

Qui ne se souvient du débat passionné qui a secoué la Confédération, dans les années 60 à 80, à propos des liens étroits unissant les économies suisse et sud-africaine? Face à face, les milieux économiques, passablement décomplexés, tirant parti d'un marché jugé sûr et prometteur, à un moment où celui-ci fait l'objet des sanctions (plus ou moins suivies d'ailleurs) des Nations unies.

De l'autre, les milieux de la gauche, appuyés par les Eglises, scandalisés de pratiques qui, disent-ils, renforcent un régime raciste: celui de l'apartheid. Entre les deux, un gouvernement, lui-même partagé entre les Affaires étrangères, dirigées par des socialistes, sensibles à l'aspect humanitaire du problème et une Division du commerce qui ne voit dans ces relations économiques que des relations normales; un moyen, assure-t-elle, d'améliorer les conditions des travailleurs noirs par la prospérité qu'elles induisent.

Le rapport des historiens souligne avec force les obstacles mis à leurs recherches par les autorités et par les grandes sociétés. Il dessine extrêmement bien l'embarras d'une diplomatie prise en étau entre une vision traditionnelle - de «courant normal», prolongeant au plan externe la liberté du commerce et de l'industrie, règle d'or au plan intérieur - et une approche plus universaliste, solidaire des autres Etats et de l'ONU, à laquelle la Suisse n'adhérait pas encore.

Les recherches menées ici par les historiens rendent compte avec nuances et minutie des points de vue de l'ensemble des acteurs. Ils fixent bien le cadre juridique de nos relations avec Pretoria. Ils interrogent le régime de l'apartheid.

Mais le coeur de ce texte réside dans la manière dont les milieux de l'économie ont pris de haut, de très haut, les consignes et les embargos décrétés par le pouvoir politique. Et dont, en plein bras de fer entre les grands pays et le régime sud-africain, les banques et les industries suisses, illégalement et sans états d'âme, ont servi Pretoria. Dans deux ou trois secteurs, elles ont montré un zèle impressionnant: l'armement (et notamment Oerlikon-Bührle), le nucléaire (aidant directement ou indirectement à la fabrication de la «bombe» sud-africaine), les échanges monétaires et l'or. Autant de bravades qui ont écorné l'action internationale.

On ne peut manquer d'établir le parallèle entre ces événements et le comportement de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale - la peur en moins. Certains l'ont déjà souligné. En ressort l'image d'un pays sans cesse travaillé par le pragmatisme, au risque de l'immoral.

Georg Kreis (ouvrage collectif), «La Suisse et l'Afrique du Sud (1948-1994)», Ed. Zoé, 564 p.
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Südafrika (Allgemein)

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Kreis, Georg (1943–)