Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 21, doc. 135
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#448* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 215 | |
Dossier title | Lissabon, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 14 (1961–1961) |
dodis.ch/15226 L’Ambassadeur de Suisse à Lisbonne, F. Brenni, au Secrétaire général du Département politique, R. Kohli1 Encore sur les récents incidents en Angola
Je n’essaierai pas d’illustrer les événements survenus au nord de l’Angola en indiquant les différentes localités où les insurgés ont ravagé et tué sans discrimination et j’hésite même à donner des chiffres au sujet des victimes.
D’après la presse portugaise, le nombre des terroristes-assaillants aurait dépassé 300. Sont-ils tous venus du dehors? C’est peu probable. On est par conséquent amené à admettre que de nombreux indigènes angolais se sont joints aux meneurs et agitateurs provenant du Congo ex-belge. Il suffit de penser que les attaques ont spécialement eu lieu dans la zone où la culture exclusive du coton est imposée, aux conditions connues. Une nouvelle parue dans la NZZ du 23 mars et provenant de Brazzaville informe que, d’après les rapports de réfugiés, deux compagnies de soldats angolais se seraient mutinées à Maquela de Zombo et auraient tué les officiers portugais. Si pareille nouvelle devait être véridique – chose qu’il n’a absolument pas été possible de contrôler ici –, la situation en Angola apparaîtrait encore bien plus grave que ce qu’on peut imaginer, attendu que plus du 50% de l’armée portugaise stationnant dans cette province est composé de soldats angolais noirs. Déjà comme pour les événements du mois de février à Luanda2, il ne fait aucun doute que la centrale organisatrice de ces actes de rébellion se trouve à Léopoldville, quartier-général de l’UPA (Union des populations d’Angola), constituée en juillet
1960, dirigée par des Angolais résidant au Congo belge et au Congo français et étroitement liée au «Mouvementde libération de Cabinda». Au surplus, il paraît que l’UPA est largement financée par le «Comité américain pour l’Afrique» qui se trouve à New York. Si les terroristes, agissant en Angola jusqu’à plus de
3–400 km à l’intérieur des frontières étaient plus de 300, les victimes semblent bien devoir se chiffrer à des centaines. Une première liste comprenant les noms, qui vient d’être publiée sans indiquer aucun nom d’officier, mentionne à elle seule plus de 45 blancs (hommes, femmes et enfants) tués. Qu’en est-il des noirs? On n’en connaîtra peut-être jamais le nombre, surtout si l’on pense qu’actuellement, au cours des opérations de nettoyage des régions attaquées, la répression sera des plus dures.
Selon les informations que j’ai pu recueillir d’une personnalité très proche du Président du Conseil3, confirmées par un collègue et d’autres sources et qui ont d’ailleurs été publiées aussi par la NZZ précitée, la Confédération des colons angolais, ainsi que celle des industriels, des commerçants, des propriétaires et d’autres catégories, ont adressé au Gouvernement portugais, le 16 mars déjà, des télégrammes urgents et péremptoires demandant aide et protection. On exige des renforts de troupes et des armes; on réclame aussi une amélioration des conditions de vie des indigènes, sutout en ce qui concerne les salaires et l’assistance sociale. Les télégrammes demandent, en outre, le transfert du Ministère de l’Outre-mer à Luanda, la proclamation de l’état d’urgence, la soumission du territoire à un commandement militaire et la formation d’une milice armée. Pareille requête, qui coûtera de gros sacrifices
financiers au Gouvernement, contribue à renforcer dans la métropole aussi bien que dans les provinces d’outre-mer le courant des durs, à savoir de ceux qui veulent résister à tout prix. En Angola donc, comme cela a été le cas pour l’Algérie, on verra peut-être se former le parti des ultras. C’est en tout cas à la suite de ces télégrammes et dans le but d’apaiser un peu les esprits que le
Ministre de l’Outre-mer s’est rendu il y a quelques jours en Angola, accompagné de plusieurs fonctionnaires supérieurs du Ministère. Le déplacement du
Ministre Lopes Alves s’est fait dans des conditions vraiment exceptionnelles à cause de son état de santé. Le professeur qui le soignait avait adressé une lettre au Ministre des Affaires étrangères4 pour l’informer du grave danger auquel s’exposait son patient avec ce déplacement. Malgré cela, le Ministre de l’Outre-mer est parti avec sa femme entre autres et son médecin personnel. On avait parlé avec persistance, comme vous le savez, d’un remaniement au sein du Conseil des Ministres, mais il paraît qu’on hésite beaucoup en haut lieu à effectuer n’importe quel changement.
A ce propos, qu’il me soit permis incidemment de mentionner encore une fois les divergences qui partagent les membres du Conseil des Ministres. Il y a les «durs», ceux qui insistent pour faire bloc autour de la personne de Salazar, décidés à ne point lâcher ou fléchir, et ceux qui prônent une politique plus conciliante tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Comme je l’ai déjà relevé, il semble que la ligne des «durs» ait des chances de l’emporter.
D’autre part, des bruits courent au sujet des provinces de l’outre-mer, avec lesquelles on envisagerait de créer une espèce de confédération avec la métropole, à l’instar de ce qu’a entrepris de Gaulle en fondant la Communauté française. Il ne s’agit toutefois que de rumeurs difficiles à contrôler. En tout cas, le Ministre de l’Outre-mer, une fois fixé en Angola, jouit, d’après la Constitution portugaise même, de pouvoirs législatifs. Il n’est donc pas exclu qu’il soit amené à prendre des décisions de principe, surtout si l’on considère que les blancs de l’Angola ont clairement fait entendre au Ministre qu’il ne devait pas venir chez eux pour faire des discours, mais pour agir.
Les télégrammes précités définissent la situation en Angola comme désespérée et reprochent au Gouvernement central d’avoir trop négligé l’étude et la solution de problèmes urgents signalés depuis longtemps.
PS. (28 mars 1961) – Une deuxième liste mentionnant les noms des victimes vient d’être publiée. Elle comprend 45 blancs et 3 métis. Toujours pas de noms d’officiers ou de soldats portugais.
- 1
- Lettre politique: E 2300(-)1000/716/215.↩
- 2
- Cf. le rapport confidentiel et personnel de l’agent consulaire de Suisse à Luanda, R. Gottraux, à F. Brenni du 17 février 1961, E 2300(-)1000/716/215 (dodis.ch/15224).↩
- 4
- M. Mathias.↩
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