Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 20, doc. 85
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1970/217#4423* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1970/217 207 | |
Dossier title | Vermögenswerte von Peron und seinen Anhängern in der Schweiz (1955–1957) | |
File reference archive | B.41.21.Uch • Additional component: Argentinien |
dodis.ch/11139
Le Département politique fédéral a l’honneur de se référer aux deux lettres que le Ministre d’Argentine à Berne a adressées les 42 et 19 juin 19563 au Chef du Département politique pour demander, d’ordre de son Gouvernement, le blocage des avoirs que les anciens dirigeants argentins auraient pu éventuellement déposer auprès d’établissements bancaires suisses. Ces démarches ont fait suite à diverses décisions de la «Junte Nationale de Récupération Patrimoniale». Cet organisme prononça, le 17 mai de cette année, le séquestre général, puis la confiscation de tous les biens appartenant à certaines catégories de personnes et de sociétés, nommément désignées.
Le Conseil fédéral n’a pas manqué d’examiner avec le plus grand soin les divers problèmes que pose la requête des autorités argentines. A ce sujet il a dû prendre en particulière considération le fait que le Gouvernement argentin lui demande de procéder à l’exécution en Suisse de mesures administratives argentines qui visent à l’abolition – ou tout au moins à la restriction – de la propriété privée des personnes et sociétés nommément désignées. De telles mesures ne rentrant pas dans le cadre des dispositions constitutionnelles et législatives de la Confédération et des Cantons, le Conseil fédéral ne saurait envisager la possibilité d’une collaboration des autorités suisses pour assister le Gouvernement argentin dans l’exécution de ces mesures.
De plus, il y a lieu de relever que selon la loi suisse, les banques et autres établissements similaires sont tenus au secret à l’égard des dépôts qui leur ont été confiés (art. 47 de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d’épargne). Ce n’est que dans des circonstances bien déterminées, qui sont énumérées par les codes de procédure fédéraux et cantonaux, que l’obligation de témoigner en justice peut primer le devoir de garder le secret. Au nombre des cas prévus ne figure pas l’exécution d’une mesure administrative étrangère. Un tel état de choses ne pourrait être modifié que par voie de législation. Or, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, dont il est fait en Suisse une application très stricte, les autorités exécutives fédérales et cantonales ne peuvent pas intervenir dans un domaine qui est ainsi du ressort du pouvoir législatif. Le Conseil fédéral se trouve donc, à son vif regret, dans l’impossibilité juridique de donner suite à la demande des autorités argentines, aussi bien en ce qui concerne le blocage que la recherche des avoirs appartenant aux personnes désignées par la «Junte Nationale de Récupération Patrimoniale».
Dans la lettre qu’il a remise le 4 juin 19564, le Ministre d’Argentine avait annoncé par ailleurs que des commissions rogatoires seraient ultérieurement adressées par la voie et selon les formalités usuelles, aux fins de confirmer les démarches accomplies sur le plan diplomatique. Les autorités suisses compétentes ne manqueront pas d’examiner avec tout le soin voulu les demandes d’entraide judiciaire qui leur seront présentées. Dans cette éventualité, le Conseil fédéral a cependant jugé utile de prier le Département politique d’appeler d’ores et déjà l’attention de la Légation d’Argentine sur le fait qu’en matière pénale les demandes d’entraide judiciaire intéressant les deux pays doivent être examinées conformément à la convention d’extradition des criminels entre la Suisse et l’Argentine du 21 novembre 19065. Aux termes de cet accord international, l’entraide judiciaire pénale ne peut être réclamée par l’un des deux Etats contractants que pour les infractions qui auraient elles-mêmes justifié une mesure d’extradition. En matière civile, en revanche, il n’existe entre la Suisse et la République argentine aucun traité sur l’exécution des jugements ni aucune déclaration de réciprocité. Dans ces conditions, la législation suisse est seule déterminante en ce qui concerne l’exécution en Suisse d’un jugement argentin en matière civile. C’est donc sur cette base que les autorités suisses compétentes examineront, avec toute l’attention voulue, les demandes d’entraide judiciaire dont elles seraient saisies de la part des tribunaux civils argentins. En attendant, le Département politique ne peut que transmettre la requête de la «Junte Nationale de Récupération Patrimoniale» annexés à la note du 19 juin 19566 aux services responsables de l’Administration fédérale qui examineront dans quelle mesure ce document pourrait être assimilé à une commission rogatoire régulière et quelle suite lui être réservée.
Le Département politique voudrait enfin attirer l’attention de la Légation d’Argentine sur le fait que les autorités argentines pourraient, le cas échéant, communiquer directement aux établissements bancaires suisses – qui, d’après elles, détiendraient des avoirs au nom des personnes récemment expropriées – leur intention de faire valoir leurs droits en justice. Les autorités suisses, quant à elles, ne possèdent aucune information sur les établissements entrant en ligne de compte à cet égard.
- 1
- Note (Copie): E 2001(E)1970/217/207.↩
- 2
- Cf. la note de R. A. Molina à M. Petitpierre du 4 juin 1956, non reproduite.↩
- 3
- Cf. la note confidentielle de R. A. Molina à M. Petitpierre du 19 juin 1956, non reproduite.↩
- 4
- Cf. note 1.↩
- 5
- Cf. la Convention d’extradition des criminels entre la Suisse et la République argentine du 21 novembre 1906, RS, vol. 12, pp. 65–71.↩
- 6
- Cf. note 2.↩
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Argentina (General) Argentina (Politics)