dodis.ch/47818 L’Attaché militaire et de l’Air près la Légation de Suisse à
Vichy, R. de
Blonay, au Chef du Service de Renseignements et de Sécurité de l’Etat-Major Général de l’Armée,
R. Masson1
A mon retour de Suisse, j’ai eu l’occasion d’apprendre par M. le Ministre STUCKI qu’il avait vu d’une part le Général allemand von BRODOWSKI, Commandant à Clermont, et le Comité dirigeant régional des F.F.I. quelque part dans le Massif central. Ce dernier avait demandé à M. Stucki d’intervenir dans la mesure du possible pour éviter qu’il se passe à Vichy des incidents sanglants.
Dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24, tous les éléments allemands qui étaient restés à Vichy, soit en particulier la Gestapo, avaient quitté les lieux mais avaient été partiellement remplacés par des détachements de S.S. amenant du matériel. Il s’agissait de troupes qui venaient du Sud du Massif central, par Clermont-Ferrand et Thiers, ainsi que de Chateauroux. Au cours de l’aprèsmidi du jeudi, un autre détachement S.S. assez important est venu cantonner à Vichy.
D’ordre de mon Ministre, j’ai pris contact avec son Commandant, le Colonel KRÄMER, pour lui offrir le cas échéant l’entremise de la Légation de Suisse. Cet officier m’a alors prié d’annoncer sa visite à M. Stucki pour le lendemain matin, soit vendredi le 25 août. Il n’est effectivement venu que le lendemain après-midi ainsi que deux médecins allemands qui venaient demander la sauvegarde de grands blessés victimes d’un engagement très sanglant qui avait eu lieu à Thiers entre S.S. et F.F.I.
Le Ministre de Suisse s’est déclaré d’accord de prendre sous sa protection les blessés qui répondraient nettement aux caractéristiques de «grands blessés» suivant la Convention de La Haye.
Au cours de la nuit du 25 au 26 août, la colonne du Colonel Krämer qui stationnait en partie devant certains de nos bureaux, a été alerté vers minuit. Elle a déchargé pêle-mêle en pleine rue et au bord des trottoirs, une quantité de matériel lourd comprenant aussi bien des munitions que des vivres, des groupes électrogènes, etc. etc.
La colonne est ensuite partie en direction de Moulins en laissant dans un désordre indescriptible une très grande quantité de matériel parmi lequel se trouvaient même des voitures et des camions hors d’usage. Au cours d’un engagement entre Allemands, il y a eu quatre morts.
Dès l’aube la population de Vichy, à commencer par la police, s’est livrée à un pillage irraisonné et l’on voyait des quantités de gens partir avec des objets d’aucune utilité pour eux.
Entre-temps, on avait appris qu’une colonne allemande semblait s’avancer sur Vichy en provenance de Clermont-Ferrand. Le Ministre Stucki que j’accompagnais, s’est porté à sa rencontre afin d’éviter si possible qu’elle ne passe par Vichy.
Au cours de l’après-midi il y a eu une séance mémorable à la Légation de Suisse, sous la présidence de M. Stucki, réunissant les dirigeants F.F.I. désirant s’emparer de Vichy et certains éléments de l’ancien gouvernement qui détenaient jusqu’à ce jour le pouvoir. Dès ce moment Vichy était considéré comme libéré et ce fut un pavoisement général.
Un peu plus tard on signala l’approche d’une colonne allemande, ce qui fit disparaître tous les drapeaux encore beaucoup plus vite qu’on les avait mis. Il s’agissait toutefois là d’un «bobard» comme il en courut des dizaines.
Au cours de la soirée du samedi 26 août, M. Stucki avait pris contact téléphoniquement avec les services du Général OTTENBACH à Clermont, qui semblaient désirer son entremise en vue d’une capitulation éventuelle.
Comme entre-temps les communications téléphoniques avaient été interrompues entre les deux villes, il ne parvint aucune réponse du Commandant allemand. Dans ces conditions, M. Stucki me chargea au cours du dimanche après-midi 27 août, de me rendre à Clermont-Ferrand pour prendre contact avec les troupes allemandes. Vous trouverez en annexe mon rapport2 concernant cette mission qui je crois s’avéra utile puisque les Allemands évitèrent de passer par Vichy.
Le lundi 28 août, M. Stucki fixa alors le départ de la Légation pour la Suisse au mercredi 30, mais me chargea précédemment de me rendre à Lyon pour voir les possibilités de passage. Vous prendrez en annexe connaissance de mon rapport3 concernant ce voyage dont la conclusion fut que notre départ sera retardé pour un certain temps.