Il m’était revenu voici quelques jours, qu’un cryptographe occupé depuis l’année dernière à faire la traduction de dépêches chiffrées russes pour le service de renseignements de l’Etat-Major Général, après ne s’être guère étonné tout d’abord du travail dont il était chargé, en était arrivé à la conviction que le résultat de ses recherches était communiqué à l’attaché militaire allemand. La lecture qu’il fit, d’autre part, de dépêches adressées par cet officier à l’E.M.G. allemand lui révéla que ce dernier était tenu au courant, avec une certaine régularité, des renseignements qui parvenaient à notre Etat-Major sur les opérations militaires de France ou d’Angleterre.
Je me suis mis en rapport avec ce cryptographe du nom de Langie. A cette occasion il m’a remis un résumé de ses observations2. Je le joins aux présentes. Mieux que toutes autres appréciations il vous permettra de juger de l’affaire.
Mais il y a plus.
Samedi dernier, M. l’Ambassadeur de France s’est rendu auprès de Monsieur le Président de la Confédération en même temps que l’attaché militaire français me demandait une audience. Tous deux venaient nous exposer chacun de son côté, qu’ils avaient été informés, de source suisse et absolument sûre, ont-ils affirmé, que les légations d’Allemagne et d’Autriche reçoivent communication des rapports quotidiens élaborés par notre Etat-Major. M.le Colonel Pageot précisait, disant qu’entre autres il s’agissait des rapports résumant les renseignements recueillis par nos postes de la frontière N. O. et S. E.
Je juge inutile d’insister sur la gravité de ces communications. Aussi bien celles qui nous sont venues de l’Ambassade de France que celles qui nous ont été faites par M. Langie dénotent de la part de notre E.M.G. une méconnaissance de nos obligations de neutres qui me paraît exiger la plus prompte et la plus énergique intervention.
C’est pourquoi, en vous transmettant ces renseignements, je viens vous prier de bien vouloir ordonner les mesures propres à remettre les choses en l’état. Je vous serais fort obligé de me faire savoir ce que vous avez décidé.