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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 6, doc. 159
volume linkBern 1981
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1501#3256* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1501 92a | |
Dossier title | Errichtung der SSS, I (1916–1918) | |
File reference archive | C.21.11.4 |
dodis.ch/43434 La Division des Affaires étrangères du Département politique au Ministre de Grande-Bretagne à Berne, E. Grant Duff1
Par note du 25 octobre dernier2, Votre Excellence a bien voulu faire savoir au Conseil fédéral que le Gouvernement de Sa Majesté avait été quelque peu surpris et déçu en apprenant que le Gouvernement allemand se proposait de suspendre la fourniture de charbon et de coke à certaines maisons suisses. La note fait observer que, lors des délibérations sur la création de la Société suisse de surveillance, puis sur les compensations à l’aide de marchandises arrivées en Suisse des pays des Alliés ou en transit par ces pays, il avait été affirmé du côté suisse qu’il n’était pas question d’accorder les compensations pour l’exportation du charbon en Suisse et que l’approvisionnement de la Suisse en charbon était assuré; c’est sur la foi de ces assurances qu’on avait admis l’arrangement proposé par le Gouvernement suisse, suivant lequel d’autres articles indispensables à l’industrie suisse seraient tirés d’Allemagne.
Votre Excellence fait remarquer, en outre, que lors des délibérations sur la création de la Société suisse de surveillance, le Chef du Département politique avait exprimé l’opinion que cette Société ne saurait admettre de la part des Gouvernements Alliés l’application aux maisons établies en Suisse, d’un traitement différent suivant leur nationalité, mais que tous les importateurs en Suisse bénéficieraient également des institutions créées par la Société. Les délégués des Gouvernements Alliés ont partagé cette manière de voir et les statuts de la S. S. S.3 ont été établis en conséquence.
Les Gouvernements Alliés, ajoute la note, auraient tant en ce qui concerne les arrangements sur le trafic d’échange qu’à l’égard des statuts de la S. S. S., adopté une tout autre attitude, s’ils avaient su que les articles à tirer d’Allemagne ne seraient fournis qu’aux maisons désignées par cet Etat.
En réponse à cette partie de la note, le Conseil fédéral, précisant les avis échangés au cours des négociations qui ont précédé la constitution de la S. S. S., prend la liberté d’attirer l’attention sur les deux points suivants:
Lors des délibérations sur l’échange des marchandises arrivées en Suisse des pays des Alliés ou en transit par ces pays, les délégués des Alliés exprimèrent la crainte que l’Allemagne n’exigeât de la Suisse des compensations pour la fourniture de charbon et que les compensations que la Suisse devrait alors consentir fussent hors de proportion avec les autorisations de réexportation qu’accorderaient les Gouvernements Alliés. Sur quoi le représentant du Conseil fédéral déclara à plus d’une reprise que le Gouvernement allemand n’avait jamais exigé de compensations d’aucune sorte pour autoriser l’exportation de charbon et que le Conseil fédéral était parfaitement tranquille au sujet de la continuation de cette fourniture de charbon.
Le Conseil fédéral constate qu’aucune demande quelconque de compensation spéciale pour la fourniture de charbon allemand n’a été formulée et que rien, à sa connaissance, ne fait prévoir une pareille demande de la part du Gouvernement allemand.
En second lieu, le Conseil fédéral reconnaît sans difficulté qu’il est exact que, lors des délibérations sur la fondation de la S. S. S., les délégués suisses se sont énergiquement prononcés en faveur de l’application d’un traitement égal à toutes les maisons domiciliées en Suisse, quelle que fût la nationalité des chefs, associés, sociétaires ou actionnaires. Ce principe, autant du moins qu’il s’agit des maisons enregistrées avant le 1er juillet 1914, a été admis à l’article 3 du Règlement intérieur4 de la S. S. S. Mais le Conseil fédéral ne saisit pas le rapport de ce fait avec le prétendu refus du Gouvernement allemand de fournir du charbon à des maisons suisses. Il ne connaît pas un seul cas où une maison domiciliée en Suisse se soit vue dans l’impossibilité, en raison de la nationalité étrangère de ses chefs, associés, sociétaires ou actionnaires de se procurer du charbon allemand et, autant qu’il a pu se renseigner, rien ne l’incline à croire que la question de nationalité ait joué un rôle quelconque dans les fournitures de charbon.
Votre Excellence demande ensuite au Conseil fédéral si, dans le cas où les informations concernant le refus du Gouvernement allemand de livrer du charbon seraient exactes, il compte souffrir de cette manière d’agir, et Elle exprime la conviction qu’il fera toutes les démarches possibles pour prévenir une si fâcheuse éventualité.
Le Conseil fédéral a l’honneur de donner sur ce point au Gouvernement de Sa Majesté les éclaircissements suivants.
Persuadé que probablement par les nouvelles inexactes parues dans les journaux suisses, le Gouvernement de Sa Majesté avait pu être induit en erreur, le Conseil fédéral a reconnu l’utilité de provoquer une enquête sur l’état actuel de l’approvisionnement de la Suisse en charbon. Cette enquête était d’autant plus justifiée que le Gouvernement allemand n’a jamais officiellement informé le Conseil fédéral qu’il eût interdit, et dans quelle mesure il aurait interdit, la fourniture de charbon à des maisons établies en Suisse.
Il résulte de cette enquête que les informations répandues par des journaux suisses sur le refus de livrer du charbon allemand étaient en partie fausses, en partie exagérées, et que dès lors les données sur lesquelles se fonde la note du Gouvernement de Sa Majesté ne sont que partiellement conformes aux faits réels. Il n’est pas exact, par exemple, que le charbon ait été coupé aux fabriques bâloises de produits chimiques qui fournissaient des couleurs d’aniline à l’Angleterre et qu’elles soient ainsi condamnées à suspendre leur exploitation. Interrogé à ce sujet, l’un des trois établissements en question déclare qu’il a reçu une fois de source privée l’avis qu’il n’était plus possible de lui livrer du charbon, mais que depuis lors, il lui en a été expédié de nouveau par ses fournisseurs allemands. Les deux autres établissements n’ont été informés ni officiellement ni autrement qu’ils ne pourraient plus recevoir de charbon d’Allemagne. Tous trois déclarent qu’ils sont approvisionnés de charbon pour longtemps, deux d’entr’eux pour une année au moins, le troisième pour un an et demi à deux ans.
Il est exact, en revanche, que tout un groupe d’établissements qui fabriquent exclusivement ou principalement du matériel de guerre, spécialement des munitions, pour les armées des Alliés ont appris qu’aussi longtemps que durerait cette fabrication, ils ne pourraient plus recevoir de charbon d’Allemagne. Mais parmi ces exploitations, il y en a d’abord un certain nombre qui n’ont pas besoin de charbon; à d’autres, il en faut si peu que, suivant leurs déclarations, ils ne se trouveront sûrement pas dans l’embarras, pouvant en tout temps se procurer euxmêmes le nécessaire; un troisième groupe, enfin, est pourvu de charbon pour très longtemps. Ainsi, un nombre relativement très restreint d’exploitations éprouveront prochainement des difficultés à se procurer du charbon.
Le Conseil fédéral a d’ailleurs de très sérieuses objections à faire de cette catégorie de refus de livraison l’objet d’une réclamation auprès du Gouvernement allemand, car il s’agit d’une mesure prise par ce dernier qui a son pendant du côté des Gouvernements Alliés dans l’interdiction rigoureuse d’employer du cuivre pour la fabrication de munitions de guerre destinées aux Puissances centrales (voir art. 12, dernier alinéa, du Règlement intérieur de la S. S. S.).
D’un autre côté, le Conseil fédéral a considéré de tout temps comme de son devoir d’aider de tout son possible l’industrie suisse à se procurer les matières premières qui lui sont indispensables. Il ne perdra pas de vue cette tâche, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en charbon et il serait heureux qu’on lui laissât en toute confiance le soin de la remplir. Peut-être faudra-t-il faire venir du charbon d’Amérique pour certains établissements; il n’est pas probable que cette importation prenne des proportions capables, comme paraît l’admettre la note du Gouvernement de Sa Majesté, de compromettre le succès de la Société suisse de surveillance ou de lui créer de sérieuses difficultés. Le Conseil fédéral prend la liberté de faire remarquer que jusqu’ici l’approvisionnement de la Suisse en charbon s’est effectué, somme toute, d’une manière absolument normale. L’importation s’est élevée:
en septembre à
en octobre à294 038 tonnes
255 141 tonnes
en novembre (jusqu’au 24 inclus) à 232 778 tonnes soit, en moyenne, à 9243 tonnes par jour. En 1912, la moyenne journalière avait été de 8737 tonnes et en 1913 de 9199,5 tonnes.
Comme rien ne fait prévoir que cet état de choses doive se modifier prochainement d’une manière sensible, le Conseil fédéral ne saurait admettre que pour le moment l’approvisionnement de la Suisse en charbon soit aucunement menacé.
Il aime à croire que les explications qui précèdent suffiront à éclairer le Gouvernement de Sa Majesté et à le tranquilliser.
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Economic and financial negotiations with the Allies (World War I)