dodis.ch/41406

Le Conseil fédéral à l’Envoyé extraordinaire de Suisse à Turin, A. Tourte1

Nous avons successivement reçu vos télégrammes datés de Turin le 17, 7 heures 30 minutes2 et du 18,5 heures 20 minutes du soir3, qui nous annoncent le premier que Cialdini a coupé Lamoricière d’Ancône, que celui-ci n’a plus que huit mille hommes; que dès leur arrivée, le Gouvernement sarde vous remettra douze cents Suisses faits prisonniers et qu’il désire qu’ils ne rentrent pas par la Savoie. Enfin, qu’ils veulent garder provisoirement Schmid et Segesser. Par le second télégramme, vous nous informez que la flotte sarde est devant Ancône, Cialdini aussi, Lamoricière à Macerata, que Fanti envoie un corps d’armée de Foligno sur Montalto, que lui-même marche directement de Foligno à Macerata et que Lamoricière coupé, attend la bataille à Macerata.

Nous vous confirmons nos télégrammes de hier 18 et aujourd’hui 194, par lesquels nous vous avons chargé de répondre au Gouvernement sarde que, pour le cas où il ait des Suisses à renvoyer dans leur pays, qu’il les fasse remettre directement à Locarno où à Magadino à la gendarmerie tessinoise, en donnant avis quelques jours auparavant si le nombre dépasse douze; qu’on les recevra sous réserve de renvoyer tous ceux qui ne seraient pas reconnus pour des nationaux suisses et qu’une vérification et un triage préalable devraient être opérés par l’autorité sarde.

Notre dépêche électrique d’aujourd’hui porte: «Ne pouvant admettre que les 1200 prisonniers sont tous Suisses, nous vous chargeons d’insister auprès du Gouvernement sarde sur un triage, et pour qu’il ne soit instradé à notre frontière que des individus reconnus suisses, en faisant passer ailleurs les individus étrangers. Si vous coopériez au triage, réservez toujours le renvoi des individus reconnus ici comme étrangers à la Suisse.»

Nous ne saurions trop insister sur cette vérification et ce triage préalables ainsi que sur la réserve expresse de renvoi des individus dont la nationalité étrangère ne serait constatée qu’après leur arrivée en Suisse, afin d’éviter par là que les individus de cette catégorie tombent à la charge de la Confédération comme de véritables heimathloses, puisqu’en règle générale ces individus perdent leur droit de patrie en prenant du service militaire à l’étranger. Nous devons, par le même motif, et pour éviter qu’on ne taxe généralement en Italie de «Suisses» tous individus qui ont fait partie des régiments étrangers à Rome, insister pour que le Gouvernement sarde fasse passer par un autre pays que par la Suisse tous ces étrangers autrichiens, allemands ou de toute autre nation.

Enfin nous avons communiqué votre télégramme du 17 et la réponse que nous y avons faite au Conseil d’Etat du canton du Tessin5, en le priant de désigner un commissaire pour recevoir les prisonniers qui seront amenés à Locarno ou à Magadino6, lequel devra faire dresser une liste exacte de ces ex-militaires et les expédier dans leurs foyers par le Bernardin ou par le Saint-Gothard.7