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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 1, doc. 14
volume linkBern 1990
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Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
Segnatura | CH-BAR#E21#1000/131#43* | |
Titolo dossier | Flüchtlinge und Deserteure aus den Aufständen in Italien (1848–1849) | |
Riferimento archivio | 11.2.1.1.2 |
dodis.ch/41013
Le Gouvernement sarde a cru devoir dans sa note du 23 janvier courant2 exprimer au Conseil fédéral sa surprise et sa douleur en apprenant que cette autorité se départissant des habitudes de bienveillance et d’hospitalité qui distinguent la nation suisse, a pris à l’égard des réfugiés lombards des mesures qui par leur sévérité paraissent dépasser la ligne d’une stricte et consciencieuse neutralité. La note mentionnée à laquelle le Conseil fédéral suisse a l’honneur de répondre par la présente, ajoute que plus les liens qui unissaient la Sardaigne et la Suisse se sont resserrés par le développement d’institutions libérales, plus aussi le Gouvernement sarde avait des motifs d’espérer que des émigrés qui sont ses frères trouveraient en Suisse cette généreuse hospitalité à laquelle ils se recommandaient à la fois par leur qualité d’italiens et par le titre toujours sacré du malheur. En rappelant encore les sentiments douloureux que ces procédés ont causés au Gouvernement sarde, la note exprime l’espoir que le Conseil fédéral voudra bien faire adoucir autant que possible la sévérité des mesures qui ont été ordonnées à l’égard des émigrés italiens.
C’est avec un sentiment de satisfaction que le Conseil fédéral a appris d’abord par la note de V. E. que la manière dont les ressortissants sardes ont été traités n’est l’objet d’aucune plainte, et il pourrait sans manquer aux égards qu’on doit à un Etat ami, demander de quel droit on peut intervenir officiellement et par voie diplomatique en faveur de ressortissants d’un tiers Etat. Le Conseil fédéral pourrait ensuite se borner à déclarer purement et simplement que les mesures dont il s’agit ne dépendaient pas de sa décision, mais qu’elles ont dû être prises en exécution consciencieuse d’un arrêté de l’autorité fédérale suprême3 à laquelle seule il a un compte à rendre. Il préfère toutefois entrer en matière sur cet objet, parce que d’un côté il rend hommage aux motifs généreux qui ont dicté la note de V. E. et que, de l’autre côté, il ne saurait accepter en silence un jugement injuste qu’un gouvernement ami prononce sur sa conduite et communique officiellement.
Oui, M. le Ministre, les titres du malheur sont sacrés comme vous le dites, mais non moins sacrées sont les obligations que le malheureux persécuté a envers celui qui l’accueille. V. E. a trouvé bon de ne pas mentionner ce côté de la question. Permettez au Conseil fédéral d’examiner l’objet dans ces deux faces, et de rappeler en quelques mots la conduite observée par la Suisse à l’égard des émigrés italiens et réciproquement la conduite que ces derniers ont tenue envers la Suisse.
Comme V. E. se plaît à rendre justice aux procédés antérieurs de la Suisse à l’égard des émigrés, il ne peut être question ici que du passé le plus récent. Durant toute la guerre et tout particulièrement après la journée de Custozza, si fatale à l’indépendance de l’Italie, des masses de réfugiés italiens traversèrent la Suisse. Non seulement ils trouvèrent partout un libre asile, mais encore il se forma ici et là des comités suisses pour assister les plus pauvres, tandis que nombre des riches lombards se détournaient sans pitié à la vue de l’infortune de leurs compatriotes. Naturellement le plus grand nombre des réfugiés se rendirent dans le canton du Tessin et y firent un séjour prolongé. S’ils s’y étaient comportés ainsi qu’ils en avaient le devoir, ils pourraient séjourner dans le Tessin encore à l’heure qu’il est. Si tenant compte de leur conduite par laquelle la neutralité suisse a été hautement compromise, on les eût entièrement renvoyés de la Suisse, il n’y aurait eu là rien d’inhumain. Il n’en a pas été ainsi, mais les mesures ordonnées par l’autorité fédérale suprême se bornent à ceci que les réfugiés ne sont plus tolérés dans les deux cantons frontières. Or tout le reste de la Suisse leur est encore ouvert aujourd’hui. Le Conseil fédéral ne saurait dès lors nullement reconnaître que par ces mesures la ligne d’une stricte et consciencieuse neutralité ait été dépassée; loin de là il a la conviction qu’on s’en est tenu aux mesures les plus indispensables et les plus nécessaires.
Et en retour de cette hospitalité qui ne fut jamais refusée, quelle a été la conduite des réfugiés? Sans parler d’une foule de collisions moins graves survenues aux frontières, d’offenses envers des fonctionnaires suisses et des soldats, le Conseil fédéral se permettra de rappeler à V. E. seulement deux des actes les plus flagrants. L’un est l’enlèvement par ruse et avec des armes cachées d’un bateau à vapeur destiné à entretenir des communications pacifiques et qui par suite de cet événement n’est pas encore rendu à la libre circulation. L’autre cas est l’invasion de la vallée d’Intelvi, entreprise qui a été accomplie durant la présence des commissaires fédéraux et de troupes dans le canton du Tessin, en dépit de toutes les défenses et de toutes les mesures de précaution.4 Ces faits sont flagrants, ils portent en eux la tendance haute et irrécusable que les réfugiés italiens ont abusé de l’hospitalité suisse et l’ont violée avec ingratitude.
A cette affaire viennent encore se rattacher les conséquences que la conduite des réfugiés a eues pour la Suisse. Pendant un long temps et au grand détriment du commerce et de l’industrie, toutes les communications avec la Lombardie ont été interrompues, des centaines de soldats, citoyens suisses, ont dû quitter leurs familles et leurs affaires, passer les Alpes dans la plus rude saison et faire le service pénible de la police à la frontière; et la caisse fédérale a eu à supporter des dépenses énormes. Telle est, Monsieur le Ministre, la reconnaissance que la Suisse hospitalière a recueillie de la part des émigrés italiens que vous jugez dignes de votre protection toute spéciale.
Malgré les tristes et nombreuses expériences que la Suisse a déjà faites à l’occasion de réfugiés politiques, elle continuera néanmoins à accorder comme du passé un asile aux malheureux persécutés, mais elle leur imposera comme condition irrémissible, de se comporter paisiblement sur le sol sacré de l’asile, et le Conseil fédéral veillera, avec toute l’énergie dont il est capable, à ce que cette condition soit remplie.
La Suisse n’entend pas se faire l’instrument de pouvoirs absolus tout aussi peu qu’elle veut être l’instrument de révolutions étrangères.
Enfin, le Conseil fédéral ne peut s’empêcher d’appeler l’attention de V. E. sur la note du 12 novembre 1848, qui a été remise au Directoire par le Ministre-résident de Sardaigne près la Confédération.5 Dans cette note le Gouvernement sarde exprime de vifs regrets de ce que les républicains lombards avaient récemment entrepris, et cela en Suisse, un mouvement insurrectionnel contre la Valteline; venant ensuite à parler des conséquences fâcheuses de tentatives semblables elle s’exprime entre autres comme suit:
«Le soussigné a par conséquent reçu l’ordre de son Gouvernement d’appeler sur cet important objet l’attention du haut Directoire fédéral, ne doutant pas que le pouvoir suprême de la Confédération prendra toutes les mesures afin que des tentatives dans le genre de celle dont il s’agit ne puissent plus s’organiser sur les frontières de la Suisse. Le Gouvernement sarde compte d’autant plus sur son concours pour les prévenir et les empêcher de se former sur son territoire, que toute tentative de ce genre en affaiblissant la cause italienne, ne pourrait que produire du désordre et des inconvénients pour la Suisse elle-même.»
C’est ainsi que parlait alors le Gouvernement sarde. Déjà avant d’avoir reçu cette note, le Directoire connaissant son devoir et consultant les intérêts du pays, recourut au seul moyen sûr de réprimer des entreprises armées à la frontière, savoir d’interner les réfugiés.6 Deux mois se sont écoulés depuis lors et le Gouvernement sarde qui désirait alors vivement qu’on prît toutes les mesures en vue de comprimer les mouvements des réfugiés lombards, blâme sévèrement la mesure qui consiste à les interner purement et simplement.
Le Conseil fédéral avoue ne pouvoir concilier les deux notes du 12 novembre dernier et du 23 janvier courant, et il ne peut s’expliquer une contradiction de cette nature que par un changement de personnes7 et de manière de voir. Mais, que dans d’autres Etats les idées varient, que les partis aient le dessus ou tombent, que les ministères changent, ce n’est point là pour la Suisse un motif pour s’écarter de la voie que lui prescrivent le devoir et l’honneur ainsi que l’intérêt bien entendu de ses citoyens. Elle doit se faire à elle-même sa politique dont les bases fondamentales sont: la même justice envers tous.
Le Conseil fédéral ne doutant pas que V. E., après toutes ces considérations ne revienne à une autre manière de voir, [...].8
- 1
- Note (Minute): E 21/43.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Du 27 novembre 1848, Cf. No l, annexe.↩
- 4
- l’enlèvement du Verbano le 30 octobre et l’invasion du Val d’Intelvile 25 octobre 1848, cf. la correspondance entre les Commissaires fédéraux au Tessin et le Directoire fédéral (D 931).↩
- 5
- E 2/339.↩
- 6
- Cf. la circulaire du Directoire fédéral aux cantons du 4 novembre 1848, non reproduite.↩
- 7
- L’arrivée au pouvoir le 16 décembre 1848 du nouveau ministère, présidé par V. Gioberti, et qui succédait au ministère C. Alfieri.↩
- 8
- Publiée dans FF 1848/49 I, p. 288–294.↩
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