Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
22. Turquie
22.1. Traité de commerce et clearing
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 10, doc. 212
volume linkBern 1982
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001C#1000/1533#4004* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 171 | |
Titolo dossier | Devisen Türkei (1930–1935) | |
Riferimento archivio | C.42.5 • Componente aggiuntiva: Türkei |
dodis.ch/45754
Ce n’est pas sans un grave souci pour l’avenir de nos relations commerciales turco-suisses que j’ai constaté par les statistiques que vous m’avez envoyées sur les neuf premiers mois de 1932 la chute verticale de notre commerce (2000000 de francs de ventes suisses et 2300000 francs de ventes turques).
A mes rapports des 19 mai2 et 28 juin3 derniers, qui vous demandaient votre avis sur la conclusion éventuelle d’un accord de clearing, vous aviez bien voulu me faire savoir qu’un accord de ce genre ne pourrait se faire que sur la base de celui que vous avez conclu le 27 avril 1932 avec la Yougoslavie4. Je vous avais laissé entrevoir que lorsque je me trouverai à Ankara, j’avais l’intention d’entretenir de ce sujet le Ministre de l’Economie Nationale. Vous m’aviez en outre informé que vous appliquiez déjà dans une certaine mesure des compensations avec la Turquie au moyen du contingentement des tapis d’Orient5.
A ce moment-là du reste, ce Ministre, Mustafa SerefBey, qui s’était engagé dans une politique outranciére de restriction des importations, ne représentait pas pour nous un espoir positif. Heureusement, en raison des plaintes du commerce et de l’industrie turcs, le Gouvernement s’est rendu compte que le Ministre avait exagéré, et c’est dans ces conditions qu’il a été, en automne, remplacé par Mahmud Celai Bey, Directeur Général du plus grand des instituts financiers turcs, la Banque d’Affaires, dont il a conduit la barque avec beaucoup d’intelligence et d’esprit libéral.
Votre lettre du 16 septembre6 me rappelait qu’il ne fallait pas perdre de vue que l’on devait chercher tous les moyens susceptibles de remédier à l’état actuel de la balance commerciale entre la Suisse et la Turquie. C’est dans ces conditions que j’ai profité de ma présence à Ankara, où je négocie divers traités7 pour le Département Politique, pour vouer un soin spécial à nos affaires commerciales avec la Turquie. Connaissant déjà Celai Bey, je n’ai pas hésité à lui demander directement une audience, qu’il m’a accordée hier.
En raison de l’état précaire de notre horlogerie, j’ai tout d’abord tenu à faire peser mes démarches en faveur de cette industrie et, vu son caractère technique, j’ai fait venir à Ankara, à ses frais, notre compatriote M. Bernard Ziegler, agent général de la Zénith, le plus grand de tous les importateurs, en lequel j’ai la plus absolue confiance, et que j’ai dès lors choisi pour me conseiller en matière d’horlogerie. Pour plus de sûreté, j’avais obtenu d’avance l’autorisation du Ministre de l’Economie Nationale, d’être accompagné de cet expert.
Au début de notre entretien, j’ai dit à Celai Bey qu’en raison des mesures drastiques de contingentement et de prohibition prises par la Turquie, et indépendamment de la crise mondiale, notre commerce ne marchait plus. Chargé de la protection des intérêts suisses, je me voyais dans l’obligation d’attirer son attention sur cet état de choses en faisant appel à sa compréhension des affaires pour y porter remède dans la mesure du possible. Alors que les importations suisses étaient soumises en Turquie à des entraves sans nombre, la Suisse n’avait jusqu’ici soumis les importations turques qu’à un seul contingentement, celui des tapis8
. Il était faux de croire que tous les articles suisses étaient des articles de luxe. L’industrie horlogère était inconnue en Turquie, de sorte qu’il ne pouvait s’agir d’une concurrence quelconque aux industries turques naissantes. La Turquie avait frappé d’interdiction le fromage suisse en le considérant comme article de luxe et en alléguant que le fromage turc était suffisant pour la population. Je pouvais employer ce même argument vis-à-vis d’un certain nombre d’articles de production turque. Personne ne pouvait prétendre que les raisins secs, les figues, les noisettes et les tapis, que la Suisse achetait en grandes quantités, de même que les tabacs turcs, constituaient des nécessités essentielles pour la population suisse. Je devais dès lors, moi aussi, les considérer comme articles de luxe susceptibles de négociation.
[...]9J’abordai ensuite la question du clearing. Je fis tout d’abord remarquer que, comme la Suisse ne connaissait pas de mesures restrictives d’exportation de devises, un accord de ce genre pourrait, au premier abord, ne pas sembler nécessaire, puisque les ventes suisses, inférieures aux turques, pouvaient toujours être compensées par les ventes turques qui étaient supérieures. Cependant dis-je, il fallait prévoir l’avenir, puisque mon but était de développer le mouvement des échanges. Un accord de clearing éliminerait dès lors tout souci sur la question des devises, et donnerait aux échanges plus d’élasticité, quelle que puisse être la balance commerciale entre les deux pays. Je remis à Celai Bey le texte de l’accord entre la Suisse et la Yougoslavie10 qui devait, à vos yeux, constituer le modèle d’un accord éventuel turco-suisse.
Sans exprimer d’opinion, le Ministre me promit d’étudier attentivement les documents que je lui avais remis pour y réfléchir. De mon côté, je lui déclarai que je remettrai un double de tous ces documents au Sous-Secrétaire d’Etat des Affaires Etrangères, afin qu’il n’ignore pas la démarche que j’avais entreprise dans l’intérêt de nos relations réciproques.
En ce qui concerne les trois premiers tableaux sur les statistiques, Celai Bey me dit qu’il devait faire une réserve, attendu que les statistiques turques accusaient des chiffres différents, moins favorables pour la Turquie. Je n’hésitai pas à parler alors très franchement de la manière suivante: Le service suisse des statistiques fonctionnait comme un chronomètre, et il était organisé de telle façon qu’il ne saurait jamais s’y glisser la moindre erreur. La Suisse n’était un pays que de 4 millions d’habitants où la consommation était dès lors limitée. Située au centre de l’Europe et n’ayant pas de ports elle-même, une partie des produits turcs étaient souvent achetés, non pas directement en Turquie, mais bien dans des ports-francs, donc finalement consommés par la Suisse et payés par elle. Cependant ces produits étaient passés au crédit des statistiques des pays des ports d’importation, comme Trieste, Marseille, Hambourg, etc. En outre il était, en toute bonne foi, impossible de comparer notre vieille organisation suisse avec la toute jeune organisation turque. Tous les pays acceptaient les statistiques suisses comme absolument véridiques et je ne doutais pas que la Turquie ferait de même. Si la Turquie n’admettait pas les chiffres des balances commerciales, malgré les raisons ci-dessus exposées, je ne voyais pas comment il serait possible de s’entendre.
J’attends un rendez vous de Menemenli Numan Bey, Sous-Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères, pour lui remettre les documents ci-dessus décrits et lui exposer la situation. Il a été longtemps à la Légation de Turquie à Berne et est très favorable à notre pays.
Maintenant que M. Bernard Ziegler a une entrée au Ministère de l’Economie Nationale, il s’est arrangé à rendre demain une visite au directeur des affaires commerciales, NakiBey, pour le travailler de son mieux et lui donner toutes explications complémentaires qu’il pourrait désirer. Il en sera de même chaque fois que des mesures nouvelles seraient prises, lorsqu’elles seraient de nature à nuire à l’importation des montres et des fournitures.
Vous m’obligeriez, Monsieur le Directeur, en voulant bien étudier la situation que je vous ai décrite et me dire si mon initiative, et la façon dont j’ai procédé, reçoivent votre approbation. Je vous serais reconnaissant d’examiner en même temps, si la Turquie ne devait pas nous appliquer un régime plus libéral, la possibilité de soumettre à un contingentement, outre les tapis, les articles sur lesquels le système du contingentement pourrait être appliqué à la Turquie comme articles de luxe: raisins secs, figues, noisettes, tabac. Je sais bien que pour les noisettes, elles sont en partie nécessaires à l’industrie des chocolats, mais je me dis que la Turquie n’est pas le seul pays producteur. Il serait bon que ces quatre articles fussent frappés dès maintenant de contingentement, pour me servir d’arme indispensable, et même si vous ne deviez appliquer ce contingentement que sur une très petite échelle. Il me faut absolument des armes en mains pour négocier, et mon collègue hongrois, qui négocie pour obtenir l’importation de chevaux, m’a dit que la Hongrie avait même placé ces produits sur sa liste de prohibitions. Ici, c’est la seule façon de pouvoir arriver à quelque chose. Parmi les quelques produits que je viens de citer, le plus vulnérable pour la Turquie est celui des raisins secs, et c’est toujours celui dont tous les pays se servent pour faire pression, car sans pression, point de salut.
M. Ziegler m’a dit que même si, par impossible, l’importation de toute l’horlogerie suisse redevenait libre, elle resterait toujours inférieure au chiffre de la vente de tapis turcs en Suisse. Peut-être y aurait-il lieu dès lors d’examiner, pour les tapis, un contingentement moins libéral, de façon à peser davantage sur la Turquie.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (C)3/171.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- Non retrouvé.↩
- 4
- 1932, vol.48, pp.225-227.↩
- 5
- Introduit par l’arrêté du Conseil fédéral du 3 juin 1932 (RO, 1932, vol.48, pp.289-291).↩
- 6
- Non retrouvé.↩
- 7
- Il s’agit du Traité d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale et de la Convention réglant les rapports judiciaires en matière civile et commerciale entre la Suisse et la Turquie, signés le 1er juin 1933 (FF, 1933, vol. II, pp. 26-42).↩
- 8
- l.Cf. n.4 ci-dessus.↩
- 9
- H. Martin expose ensuite les difficultés que l’industrie horlogère suisse rencontre pour introduire ses produits en Turquie.↩
- 10
- Cf. n.3.↩
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