Von den USA auferlegtes System zur Kontrolle der Exporte in die kommunistischen Staaten. Amerikanische Vorstösse gegenüber Bern: schweizerische Antwort und Haltung zur erneuten Offensive der USA, die Schweiz in den strategischen Block der USA zu integrieren.
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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 18, doc. 25
volume linkZürich/Locarno/Genève 2001
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1967/113#157* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1967/113 13 | |
Dossier title | Ost-West-Handel: Lieferung exportverbotener Güter nach Osteuropa auf dem Wege über die Schweiz. Ueberwachung der Ein- und Ausfuhr (1949–1951) | |
File reference archive | A.14.62.3.0.Uch |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2802#1967/78#275* | |
Old classification | CH-BAR E 2802(-)1967/78 12 | |
Dossier title | U.S.A. (1946–1952) | |
File reference archive | E. |
dodis.ch/7202
Le Chef de la Division des Affaires politiques du Département politique, A. Zehnder, au Chef du Département politique, M. Petitpierre12
COMMERCE OUEST-EST
I. Considérations générales.
Les Etats-Unis n’ont pas tardé à se rendre compte que le Pacte de l’Atlantique ne serait qu’une absurdité si, après l’avoir péniblement conçu, ils continuaient, avec l’Europe occidentale, à armer l’Union Soviétique. Ils ne voulaient pas, d’autre part, que l’aide Marshall puisse favoriser, même indirectement, l’exportation vers l’Union Soviétique et ses satellites de produits pouvant servir à la guerre. Ils élaborèrent donc, à la fin de l’année dernière, un système d’interdiction d’exportation, de l’Ouest vers l’Est, des produits d’intérêt stratégique.3
Ce système est simple. Il comprend, à défaut d’un blocus général jugé impossible à l’heure qu’il est, deux listes4 de marchandises dont l’exportation est subordonnée à une licence. Cette licence est refusée si l’acheteur est un pays de l’Est. La première de ces listes (liste A, dite «liste de sécurité») énumère tous les produits dont il est urgent, selon Washington, d’arrêter l’exportation; il s’agit du matériel de guerre proprement dit. La seconde liste (liste B) comprend les produits dont les Etats-Unis sont disposés à tolérer l’exportation un certain temps encore.
Les Etats-Unis ont certes été conscients de certaines des difficultés auxquelles ils allaient se heurter lorsqu’ils demanderaient aux pays de l’Europe occidentale d’appliquer les deux listes d’interdiction. Ils semblent néanmoins avoir cru au début à un résultat rapide et s’être imaginés qu’un échec de leur système ne serait imputable qu’au peu d’empressement des pays de l’Europe occidentale. C’est ce qui expliquerait le ton assez impératif de leurs premières démarches où ils laissèrent clairement entendre qu’ils considéreraient comme un geste inamical le fait de continuer l’exportation des produits incriminés.
Certaines des difficultés auxquelles les Etats-Unis se sont heurtés sont communes à tous les pays de l’Europe occidentale, alors que d’autres sont propres à certains de ces pays.
C’est ainsi qu’il s’est d’emblée avéré impossible d’appliquer le système américain avec rigueur tant que des accords bilatéraux lieraient des pays de l’Europe occidentale avec des pays de l’Est.
D’autre part, certains produits d’intérêt stratégique indéniable présentent, pour le commerce extérieur de plusieurs pays, un intérêt économique traditionnel si important que ces pays ne sauraient sans autre en interdire l’exportation. Il n’est qu’à citer le cas de la Grande-Bretagne qui s’est déjà réservé le droit de ne limiter que quantitativement et non d’interdire complètement l’exportation des bateaux-citernes, des navires et des coques de bateaux.
Les mesures d’interdiction d’exportation risquent également de léser sérieusement les intérêts des pays qui les approuvent, si elles ne sont pas appliquées uniformément et simultanément par tous les pays de l’Europe occidentale. Ceci explique une certaine retenue chez ces pays qui n’entendent agir que si tous agissent.
La réexportation et le transit, qui représentent une faille dans le système d’interdiction, risquent eux aussi de léser indirectement plus d’un pays et ne sont pas sans les préoccuper.
Enfin, une certaine publicité malencontreusement donnée aux intentions américaines n’a certes pas été de nature à faciliter aux pays de l’Europe occidentale la décision que les Etats-Unis attendaient d’eux.
En ce qui concerne les difficultés propres à certains pays seulement, il suffit de citer le cas de la Suède5 et de la Suisse qui, pratiquant un système de non discrimination, entendent demeurer libres de faire du commerce avec tous les pays du monde.
C’est à ces diverses difficultés que s’est achoppé jusqu’ici «le Groupe consultatif sur le commerce Est-Ouest» de l’OECE. A lire les rapports de ce Groupe, un certain résultat aurait déjà été obtenu. Cela semble bien être le cas pour l’Italie, qui a mis en vigueur les deux listes américaines, et pour la Grande-Bretagne et la France qui ont établi – mais pas encore appliqué – une liste commune, à vrai dire passablement plus restreinte que les listes américaines. Mais pour les autres pays, la plupart des mesures d’interdiction dont ils ont fait état devant le Groupe sont antérieures aux projets américains et ne touchent en général qu’au domaine du matériel de guerre proprement dit.
II. Historique.
C’est au mois de décembre 1948 que le Ministre des Etats-Unis à Berne fit la première démarche6. Il est intéressant de noter qu’il nous demanda d’emblée de ne pas répondre par un non formel auquel, réalisant parfaitement le caractère délicat de sa démarche, il semblait presque s’attendre. Nous nous sommes contentés, tout en déclarant vouloir étudier la proposition américaine, de faire les réserves les plus expresses en nous basant sur notre politique traditionnelle de neutralité.
Des démarches semblables7 furent faites à cette époque par les Etats-Unis à Londres, Paris, Bruxelles, La Haye, Rome, Copenhague, Oslo et Stockholm.
La délégation économique permanente se réunit peu après la démarche du Ministre des Etats-Unis à Berne. Elle fut d’avis que nous ne saurions, pour des raisons de principe évidentes, discuter avec les Américains sur la base de leurs deux listes. De toute façon, la plupart des produits qui y figurent, à l’exception du matériel de guerre proprement dit, constitue justement la base de nos accords économiques avec les pays de l’Est. En revanche, nous pourrions agir sur le plan du matériel de guerre proprement dit, aucun pays de l’Est n’en ayant acheté chez nous jusqu’ici. La délégation estima donc que l’on ne devrait pas opposer un non catégorique aux Américains, mais que l’on pourrait aller à leur rencontre par deux mesures autonomes. Il s’agirait tout d’abord d’élargir l’interdiction d’exportation d’armes et de matériel de guerre déjà existante, élargissement qui était de toute façon à l’étude à cette époque et qui permettrait d’arriver à une identité presque complète avec la liste américaine A. La seconde mesure consisterait à contrôler le commerce de transit de matières premières américaines à travers la Suisse, commerce qui semble préoccuper particulièrement les Etats-Unis.
C’est dans ce sens que nous avons répondu au Ministre des Etats-Unis lors de sa seconde démarche, à mi-janvier 19498. Au cours de cet entretien il nous fut possible de faire préciser à M. Vincent que la démarche américaine n’avait aucunement le caractère d’une intervention mais plutôt celui d’un simple échange de vues aux fins de préciser les positions de nos deux gouvernements.
Depuis lors, l’affaire a été essentiellement traitée sur le plan de l’OECE9. En effet, dès la fin de janvier 1949 des discussions eurent lieu, dans le cadre de cette organisation, à l’effet de procéder si possible à la rédaction d’une liste européenne commune ou tout au moins à l’établissement de listes nationales identiques entre elles. Les discussions s’engagèrent sur la base d’une liste franco-britannique tendant à mettre sous licence un certain nombre de produits dont l’exportation serait soit interdite soit quantitativement limitée. Notons qu’en établissant cette liste commune, la France et la Grande-Bretagne, friandes de l’aide Marshall, ont agi avec une hâte qui semble avoir eu pour but principal de se faire bien voir des Etats-Unis. Mais la France et la Grande-Bretagne soulignèrent en même temps qu’elles ne pourraient appliquer cette liste que pour autant que les autres pays européens prendraient des mesures semblables. Ces autres pays se trouvent ainsi en délicate posture, puisqu’ils ne peuvent refuser ou attaquer la liste franco-britannique sans risquer d’être rendus responsables de l’échec qui pourrait s’en suivre.
Grâce aux travaux du «Groupe consultatif sur le commerce Est-Ouest» la situation a quelque peu évolué, depuis le début de l’année, en ce sens que les pays de l’Europe occidentale ont sérieusement examiné les mesures qu’ils pourraient prendre. Ces études ont fait l’objet de déclarations devant le Groupe consultatif mais n’ont pas encore passé sur le plan des réalisations. Il n’est toutefois pas exclu que les pays les plus intéressés à l’aide Marshall soient bientôt obligés de passer aux réalisations. Nous serions en ce cas l’objet de nouvelles et plus fortes pressions venant cette fois-ci des pays de l’Europe occidentale qui ne pourraient admettre d’avoir à prendre des mesures d’interdiction sans que nous en fassions autant.
III. Notre attitude.
Nous avons toujours gardé, en ce qui concerne les travaux de l’OECE, la plus prudente réserve. Les autres pays tenaient cependant beaucoup à notre présence. Au mois de septembre, lorsque nous fîmes comprendre qu’en somme toutes ces discussions ne nous regardaient pas, tant l’Ambassadeur de France que le Ministre de Grande-Bretagne, les deux par ordre de leur gouvernement, insistèrent pour que nous envoyions un délégué10. Nous nous sommes entendus finalement sur l’envoi d’un observateur, après que M. Snow eût accepté, par écrit, la thèse suisse à savoir que quels que soient les résultats des délibérations à Paris la Suisse n’en prendrait connaissance qu’à titre d’information. Nous avons néanmoins renoncé par la suite à envoyer régulièrement un observateur aux réunions du Groupe consultatif, non sans demander cependant à l’OECE d’être tenus au courant, à titre confidentiel, de l’évolution de la question et des débats du Groupe. Nous n’entendions pas que l’on tentât de profiter de notre présence pour nous intéresser, d’une façon ou d’une autre, à une action commune.
Notre attitude, à l’heure actuelle, peut être résumée comme suit:
1. Prudence à l’égard de l’OECE, afin d’éviter que notre participation aux discussions concernant les interdictions d’exportation vers l’Est puisse être exploitée par les Etats-Unis. Maintien, néanmoins, d’un contact étroit afin d’être toujours bien informés des décisions prises à Paris.
2. En ce qui concerne le matériel de guerre proprement dit, nous ne saurions de toute façon faire plus que ce que nous avons déjà fait. Nous venons en effet de reviser entièrement, de notre propre chef, notre législation en la matière, par la prorogation en mars 1949 de l’arrêté du Conseil fédéral interdisant l’exportation d’armes, de munitions et d’explosifs et par l’élargissement simultané de la liste du matériel de guerre soumis au contrôle de la Confédération tant en ce qui concerne la fabrication et l’importation de ce matériel que son exportation et son transit11.
3. Pour les autres produits, nous ne pouvons renoncer à la liberté de notre commerce. Il est exclu d’introduire actuellement un système de licences d’exportation.
4. Néanmoins, en ce qui concerne la réexportation, nous avons accepté, depuis mars 1949, de fournir à la Légation des Etats-Unis à Berne des déclarations émanant des maisons suisses important des produits stratégiques des Etats-Unis. Ces déclarations spécifient si ces produits sont destinés ou non à être réexportés. La Division du Commerce, qui s’en occupe, ne joue là qu’un rôle de boîte aux lettres et ne contrôle pas ces déclarations ni n’en répond. Mais on évite ainsi que les Etats-Unis n’entrent en relation directe avec ces maisons et procèdent sur notre territoire à des investigations inadmissibles.
5. Nous ne pouvons, en revanche, rien faire en ce qui concerne la réexportation des produits qui ne sont pas achetés aux Etats-Unis et qui, tout en étant offerts à l’Est par des maisons suisses, n’entrent pas sur notre territoire ou n’y pénètrent que dans les ports francs pour être ensuite réexpédiés vers l’Est.
IV. Décisions à prendre.
A l’heure actuelle, les missions diplomatiques américaine et britannique s’adressent, pour les renseignements concernant les produits stratégiques, à la Division du Commerce. Mais depuis peu elles paraissent vouloir faire agir leurs attachés militaires. C’est ainsi que le Colonel Bracher a reçu récemment la visite de l’attaché militaire américain12 au sujet de la réexportation de graphite artificiel.13 De son côté, la délégation française à l’OECE nous a demandé s’il ne serait pas préférable d’assurer à l’avenir les contacts aux fins d’information réciproque par l’intermédiaire de l’attaché militaire français à Berne et du Département militaire fédéral et non plus par la voie de notre délégation à Paris. Les Français ont motivé leur demande en disant qu’il s’agissait de plus en plus de questions techniques et qu’il serait peut-être préférable de les laisser traiter par des personnes professionnellement habituées à des contacts confidentiels… N’est-ce pas, plutôt, que l’on chercherait un interlocuteur plus conciliant que la Division du Commerce ou le Département politique?
L’OECE a, d’autre part, exprimé récemment le désir de recevoir, si possible, des informations sur les points suivants:
a) quantité de matériel «stratégique» actuellement susceptible d’être exporté vers les pays de l’Est;
b) quantité de matériel «stratégique» susceptible d’être exporté à l’avenir dans le cadre des accords qui pourraient être conclus avec les pays de l’Est.
Bien que les renseignements demandés ne soient pas secrets, nous ne voyons pas pour quelle raison nous devrions donner suite à la demande de l’OECE. Il suffirait, peut-être, de dire que nous n’exportons pas de matériel de guerre proprement dit vers les pays de l’Est, mais que nous continuerons à exporter certaines catégories de machines et de produits chimiques dans le cadre des contingents convenus, car, à leur défaut, tout le commerce avec l’Est s’arrêterait et nos accords sur les nationalisations14 ne pourraient plus être exécutés.
Quoiqu’il en soit, nous pouvons déduire de ce qui précède qu’il va y avoir une nouvelle offensive aux fins d’intégration de la Suisse dans le système du blocus stratégique américain. Pour le moment nous ne craignons pas de mesures de rétorsion de la part de Washington. C’est tout au plus si quelquesunes de nos commandes militaires pourraient en souffrir.
Si le Conseil fédéral partage l’avis exprimé dans cette notice, celle-ci pourrait tenir lieu d’instructions.
- 1
- Cette notice est rédigée par E. Vallotton.↩
- 2
- (Copie): E 2001(E)1967/113/13. Paraphe: BT.↩
- 3
- Cf. DDS, vol. 17, doc. 109, dodis.ch/3981(dodis.ch/3981).↩
- 4
- Pour les listes datées du 1er avril 1948, cf. E 2001(E)1967/113/390.Pour les listes suivantes, cf. DDS, vol. 18, doc. 105, note 2.↩
- 5
- Pour les consultations entre la Suède et la Suisse sur la question du commerce Ouest- Est, cf. DDS, vol. 18, doc. 86.↩
- 6
- Cf. la notice d’A. Zehnder à M. Petitpierre du 16 décembre 1948, E 2001(E)1967/113/390 (dodis.ch/4217).↩
- 7
- Cf. le Résumé des réponses de nos légations au sujet des demandes formulées par les Etats-Unis d’Amérique auprès de certains pays européens de ne pas exporter un certain nombre de marchandises vers l’URSS et ses satellites de O. Exchaquet du 28 décembre 1948, E 2802(-)1967/78/12.↩
- 8
- Cf. les notices d’A. Zehnder à M. Petitpierre du 12, 13 et 18 janvier 1949, E 2802(-)1967/ 78/12 et du 11 février 1949, E 2001(E)1967/113/390 (dodis.ch/8814).↩
- 9
- Cf. E 2802(-)1967/78/12.↩
- 10
- Cf. la lettre confidentielle de T. M. Snow à A. Zehnder du 7 octobre 1949, E 2802(-)1967/ 78/12.↩
- 11
- Cf. RO, 1949, pp. 323–327 et PVCF No 641 du 28 mars 1949, E 1004.1(-)-/1/503 (dodis.ch/6460). Pour un survol de la législation en matière d’exportations d’armes et de matériel de guerre, cf. DDS, vol. 17, doc. 109, dodis.ch/3981, note 6, et ibid., No 123.↩
- 12
- Il s’agit en réalité du deuxième secrétaire de la Légation américaine à Berne, Charles H. Owsley.↩
- 13
- Cf. la notice secrète Ein- und Ausfuhr von Graphit de H. Bracher du 21 novembre 1949, E 2802(-)1967/78/12.↩
- 14
- Sur les nationalisations, cf. DDS, vol. 17, doc. 16, dodis.ch/51, doc. 64, dodis.ch/4462, doc. 86, dodis.ch/5160, doc. 93, dodis.ch/5381, doc. 132, dodis.ch/4761 et DDS, vol. 18, doc. 66 et doc. 108.↩
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