Également: Déclaration de M. le Conseiller fédéral J.-P. Delamuraz, Délégué de la Suisse, à l'occasion du débat général de la réunion ministérielle de décembre 1990 du cycle de l'Uruguay du GATT.
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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1990, doc. 57
volume linkBern 2021
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2010A#1999/250#1856* | |
Dossier title | GATT, vol. 27, November-Dezember (1990–1990) | |
File reference archive | C.41.103.3(002) |
Archive | Archives of Contemporary History, Zurich |
Archival classification | CH-AfZ NL Franz A Blankart 4(V) |
Dossier title | Verhandlungsdossier Uruguay-Runde (1-8) 1990-1991. Enthält u. a. Dokumente Brüsseler Abkommen (1990–1991) |
File reference archive | 2.2 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2010A#1999/250#1845* | |
Dossier title | GATT, vol. 16, Dezember 1989 Januar 1990 (1989–1990) | |
File reference archive | C.41.103.3(002) |
dodis.ch/54822Rapport de la Division du commerce mondial–GATT du DFEP1
Cycle de l’Uruguay: Conférence ministérielle du 3–7 décembre 1990 à Bruxelles
1. Appréciation générale
La réunion ministérielle de Bruxelles n’a pas abouti. Le cycle de l’Uruguay reste néanmoins en vie. L’espoir demeure que cette négociation, qui dure depuis plus de quatre ans, puisse être conclue d’ici deux mois par un paquet de résultats substantiels. Cela grâce à quelques progrès importants accomplis à Bruxelles dans les secteurs non-agricoles et en dépit de l’impossibilité d’y réaliser la percée décisive.
Parallèlement aux négociations, s’est tenu un débat général au cours duquel le Chef de la Délégation suisse, M. le Conseiller fédéral Delamuraz (CFD) est intervenu pour souligner l’importance d’aboutir, notamment sur le front des règles, des nouveaux sujets, de l’accès au marché et de l’agriculture. Il a également proposé que la relation entre l’environnement et le commerce fasse dorénavant partie des travaux du GATT. Ses collègues de l’AELE l’ont appuyé sur ce point.
Que s’est-il passé à Bruxelles? Dès avant la réunion ministérielle, la négociation d’ensemble était bloquée sur le dossier agricole.2 Les États-Unis et les pays agro-exportateurs du groupe de CAIRNS refusaient d’entrer en négociation, jugeant l’offre communautaire trop faible. Cette situation ne s’est pas fondamentalement modifiée tout au long de la semaine bruxelloise.
En effet, le Conseil des ministres de la CE, qui a siégé plusieurs fois durant la Conférence, n’a pas autorisé la Commission à dépasser le mandat de négociation reflété dans l’offre agricole communautaire.3 Toute modification de la politique agricole commune lui paraissait pour l’instant inacceptable. Il apparaissait dès lors difficile de modifier fondamentalement les paramètres de la négociation, cela même si la CE a accepté jeudi d’entrer en matière sur des engagements spécifiques dans les trois volets de la négociation agricole (réduction du soutien interne, réduction des subventions à l’exportation et amélioration de l’accès au marché, ces deux derniers volets n’ayant joué qu’un rôle insignifiant dans l’offre de la CE). Bruxelles a ainsi conduit au moins à une percée méthodologique dans le secteur agricole. Pour les États-Unis et le groupe de Cairns, il s’agissait pourtant là d’un progrès insuffisant. Celui-ci n’aurait pas, en effet, entraîné obligatoirement a lui tout seul une réforme de la politique agricole commune de la CE (PAC). C’est pourquoi les agro-exportateurs ont rejeté la poursuite de la négociation durant la nuit de jeudi à vendredi.
La tendance est claire: la négociation ne pourra aboutir sans un accord substantiel sur le dossier agricole. Ce que Montréal, en décembre 1989, a déjà esquissé, Bruxelles le confirme: le Round reste l’otage du dossier agricole.
À Bruxelles, la CE a montré, sous l’influence prédominante de la France, son unité dans le refus des pressions politiques et médiatiques des États-Unis et du Groupe de CAIRNS. Elle portera toutefois aux yeux de beaucoup, avec le Japon et la Corée, la responsabilité de l’échec bruxellois. En insistant dès la première heure à la fois sur la nécessite d’entrer en négociation sur les trois volets du dossier agricole et sur celle de négocier des règles du GATT claires et précises, permettant de tenir compte des facteurs non économiques de l’agriculture, la Suisse a réussi à défendre sa position, sans se laisser placer sur le banc des accusés. Sa position deviendra néanmoins beaucoup plus délicate et plus exposée lorsque la négociation s’attaquera au «détail», c’est-à-dire notamment aux engagements chiffrés de réduction du soutien. Cette négociation aura lieu à Genève dans les deux mois qui viennent.
Le Directeur général du GATT, Arthur Dunkel, qui a reçu le mandat (cf. déclaration de clôture, Annexe 2)4 de débloquer la crise agricole dans les semaines qui viennent ne pourra réussir que si la CE, mais aussi d’autres pays, sont prêts à améliorer substantiellement leurs offres. Ayant démontré qu’elle ne cède pas devant la pression médiatique dans un forum réunissant quelque 2000 négociateurs et plus de 1000 journalistes, la CE pourrait, selon certains de nos collègues français, assouplir sa position dans les semaines à venir puisqu’elle a renforcé sa position vis-à-vis du monde rural et qu’elle ne désire pas porter la responsabilité d’un échec définitif de la négociation. S’ajoute à cela que même les Français admettent en privé que la politique agricole commune de la CEE finira par devoir être réformée.
Il apparaît ainsi de plus en plus probable que si la négociation réussit dans les deux mois qui viennent – et elle doit réussir de l’avis unanime de tous les ministres présents à Bruxelles – le prix pour la Suisse a de fortes chances d’en être des réformes agricoles qui iront au-delà de son offre actuelle. Il nous faut de ce fait accélérer d’urgence le processus de réforme de notre politique agricole, processus que le Conseil fédéral a déjà entamé.5
Dans les quatorze autres domaines de la négociation, des travaux intenses ont permis de réaliser des progrès:
En matière d’accord sur les services, la Suisse, le Canada, le Japon et la Suède ont introduit une proposition d’annexe sectorielle sur les servics financiers.6 CFD [Conseiller fédéral Delamuraz] a lui-même présenté ce texte à la conférence mardi dernier. De plus, huit pays se sont joints à la Suisse et aux États-Unis pour soumettre des offres d’engagements initiaux de libéralisation concrète dans différents secteurs des services. Une négociation aura lieu à cet effet dès 1991, une fois que le Round sera terminé.
Dans le secteur des services, la principale difficulté était la suivante: sous la pression d’intérêts particularistes de différents secteurs (notamment transports et télécommunications), les États-Unis avaient diminué leurs ambitions. Ils voulaient réduire la portée de la clause de la nation la plus favorisée. Un tel affaiblissement leur aurait permis de conclure des accords bilatéraux sans faire bénéficier les autres parties à l’Accord général des libéralisations ainsi obtenues. Cela était inacceptable pour de nombreux pays de petite et moyenne dimension comme la Suisse. Un assouplissement de la position des États-Unis sur ce point est intervenu durant la dernière nuit et constitue un progrès important. La percée définitive sur les services n’a néanmoins pu être réalisée faute de progrès en matière agricole.
Dans la propriété intellectuelle, les travaux ont beaucoup progressé à Bruxelles. Il s’agit maintenant de préserver l’acquis favorable à la Suisse. Restent essentiellement les problèmes suivants à régler au niveau ministériel:
- – l’ancrage de l’accord sur la propriété intellectuelle dans le système du GATT: pour la Suisse et les autres pays industrialisés, cet ancrage est essentiel. Le résultat dépend toutefois des résultats agricoles.
- – la possibilité d’exclure de la brevetabilité des domaines de la technologie: avec d’autres pays industrialisés, la Suisse veut obtenir la protection obligatoire des produits pharmaceutiques dans une quarantaine de pays, ainsi que la protection des inventions dans les domaines de la biotechnologie et du génie génétique. L’exclusion des inventions contraires aux bonnes mœurs et à l’ordre public et la possibilité d’exclure les variétés végétales, mais de les protéger par un système sui generis sont suffisantes. Ce point vital pour la Suisse, comme exportateur et comme centre de recherches, ne pourra être réglé de manière satisfaisante pour elle qu’avec un résultat substantiel dans l’agriculture et les textiles.7
- – la durée des brevets: pour la Suisse et pour les autres pays industrialisés, il est nécessaire de fixer une durée de vingt ans. Les pays en développement, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ne feront cette concession que s’il y a un résultat agricole satisfaisant pour eux.
Dans les règles, Bruxelles a permis de conclure la négociation sur les règles d’origine et sur les inspections avant embarquement ainsi que de progresser dans les sauvegardes. Peu de progrès en revanche en matière de subventions et d’antidumping, où un processus de négociation a toutefois pu être lancé sous présidence suisse.
Dans l’accès au marché, Bruxelles a permis un accord de principe sur le démantèlement tarifaire pour le secteur des produits pharmaceutiques. Le climat morose de la conférence n’a pas permis de progrès significatifs dans le secteur des produits tropicaux. De plus, le paquet tarifaire d’ensemble actuellement sur la table est encore très modeste, notamment à cause du manque de progrès dans l’agriculture.
Dans les textiles, les consultations ministérielles ont permis de jauger la marge de manœuvre de chaque participant. Cette négociation pourra aboutir rapidement, dès qu’il y aura déblocage sur l’agriculture. Elle permettra la réintégration de ce secteur dans le GATT.8
Ne pouvant réaliser la percée agricole, le Président uruguayen Gros-Espiell a annoncé le vendredi à 14 heures la prolongation de la négociation. Dès avant la fin de l’année, le directeur général Dunkel mènera des consultations pour tenter le déblocage agricole, de manière à permettre une intensification, dès janvier, du processus de négociation dans tous les domaines. Cette négociation aura lieu au niveau des hauts fonctionnaires. Une clôture du Round en février est ainsi envisageable. Il n’a pas été décidé si cette clôture requerrait une nouvelle réunion ministérielle.
Dans tous les domaines de la négociation et a tous les niveaux, la Suisse a joué un rôle particulièrement actif et constructif.
2. Débat général
Le débat général fut marqué par le fait que chacun, y compris les pays d’Europe de l’Est et les PVD, s’attache à reconnaître les mérites de l’ouverture au commerce mondial, des réformes économiques libérales, du respect des signaux du marché. Si ces déclarations paraissent contraster avec les résultats atteints réellement, il ne faut pas y voir d’hypocrisie, mais plus probablement la difficulté de faire coïncider le caractère national des réformes et des politiques mises en œuvre avec la coopération internationale dans laquelle elles doivent s’encadrer.
Bien que des délégations majeures comme la CE et l’Inde se soient montrées sur la défensive, l’immense majorité des participants soulignèrent leur volonté d’aboutir dans tous les domaines, et à Bruxelles encore. Il faut se réjouir de ces prises de position qui sont conformes, en fait, à l’ardeur montrée par tant de participants qui contribuèrent aux travaux de ces quatre dernières années.
Il est donc certain, en ce sens, que le terreau existe pour qu’une coopération fertile en matière d’échanges, conforme aux conditions de cette fin de siècle, se mette en place. Il n’en reste pas moins que les réticences de certains, la précipitation des autres, et le très réel fossé qui sépare les pays les plus pauvres du reste de la planète, ont constitué cette fois encore un obstacle qui ne put être franchi que partiellement.
[...]9
- 1
- CH-BAR#E2010A#1999/250#1856*(787.0.3). Ce rapport est rédigé, comme indiqué dans une annotation dans le facsimilé, «sur la base des contributions des membres de la délegation suisse». La délégation suisse est dirigée par le Chef du DFEP, le Conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz, secondé par le Directeur de l’Office fédéral des affaires économiques extérieures, le Secrétaire d’État Franz Blankart et le Délégué du Conseil fédéral aux accords commerciaux, l’Ambassadeur David de Pury, de l’OFAEE. Jean-Claude Piot ou Hans Popp de l’Office fédéral de l’agriculture sont prévus comme conseillers du chef de la délégation pour les questions agricoles. L’Ambassadeur William Rossier et le Ministre Rudolf Ramsauer, respectivement Chef et Chef adjoint de la Mission suisse auprès de l’AELE et du GATT à Genève, ainsi que Luzius Wasescha et Nicolas Imboden, respectivement Chef et Chef adjoint de la Division du commerce mondiale–GATT à l’OFAEE, sont les adjoints du chef de la délégation. Ce rapport est très probablement de leur fait. Pour la liste complète de la délégation, cf. le PVCF No 2537 du 26 novembre 1990, dodis.ch/54813.↩
- 2
- Sur le dossier agricole, cf. DDS 1990, doc. 36, dodis.ch/54935, ainsi que la compilation dodis.ch/C1810.↩
- 3
- Sur la position de la CE, cf. dodis.ch/55370.↩
- 4
- Pour la version complète du document, cf. le facsimilé dodis.ch/54822.↩
- 5
- Pour les discussions sur les réformes de la politique agricole suisse, cf. DDS 1990, doc. 36, dodis.ch/54935 et la compilation dodis.ch/C1810.↩
- 6
- Cf. dodis.ch/54810 et dodis.ch/56730.↩
- 7
- Sur l’importance de la question des brevets, cf. la prise de position du 2 octobre 1990 de la Société suisse des industries chimiques, dodis.ch/54891.↩
- 8
- Cf. dodis.ch/56715.↩
- 9
- Pour la version complète du document, cf. le facsimilé dodis.ch/54822.↩