Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 15, doc. 410
volume linkBern 1992
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#232* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 115 | |
Dossier title | Casablanca, Konsularberichte, Band 2 (1931–1947) |
dodis.ch/48014 Le Consul de Suisse à Casablanca, G. Criblez, au Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, W. Stucki1
Par ma lettre du 14 janvier 19442,
j’avais déjà eu l’honneur d’attirer l’attention de Monsieur le Ministre Bonna sur le mouvement autonomiste marocain, exploité naguère encore par les Puissances de l’Axe contre la Puissance protectrice.
Ce mouvement, loin d’avoir été brisé par les mesures de répression prises à l’occasion des troubles qui éclatèrent dans certaines villes marocaines, à Rabat et à Fès en particulier, paraît prendre une nouvelle ampleur. C’est ainsi que le Sultan, au cours de sa récente tournée dans le Sud marocain (Marrakech et Saf) aurait récolté plus de marques d’animosité de la part des populations que de témoignages de considération et d’attachement.
Les indigènes, mécontents d’une succession de mauvaises récoltes, comme aussi de ne pouvoir se procurer les tissus, ustensiles et denrées alimentaires (thé vert, sucre) auxquels ils sont accoutumés depuis des générations manifestent de plus en plus leur mauvaise humeur, deviennent irrespectueux, voire insolents. La perte de prestige infligée aux Français par leur défaite de 1940 n’est pas compensée par les succès récents et actuels des armes françaises. Ce prestige paraît aller aux Anglo-Saxons, aux Américains plus spécialement, qui ne feraient rien pour décourager les nationalistes musulmans dans leurs menées contre la domination française en Afrique du Nord, en général, au Maroc en particulier.
Des ordres confidentiels viendraient d’être donnés aux services français de contrôle et de police en vue de rendre progressivement plus sévères les sanctions administratives ou autres prises à l’encontre des indigènes. La mesure serait bien tardive, selon certaines appréciations autorisées. On craint qu’il faille, à la fin de la guerre, une répression plus brutale.
Je me permets de vous remettre ci-joint le texte d’un écrit3 en langue française distribué clandestinement au Maroc par les autonomistes. Cet écrit, qui doit être, dans l’esprit de ses auteurs, une critique objective des réformes récemment promulguées en Zone française dans les domaines de la Justice, de l’Administration générale, de l’enseignement et du paysannat indigènes constitue bien plus un dénigrement systématique de l’œuvre française au Maroc. Celle-ci, de l’avis d’étrangers peu suspects de sympathie à l’égard de la France, a été admirable dans la plupart des domaines, et les populations indigènes en ont largement bénéficié. A la faveur des circonstances, une poignée de meneurs, fanatiques ou intéressés, suivis par les soi-disant intellectuels marocains (instituteurs, étudiants des médersas), risquent de compromettre dangereusement l’œuvre de Lyautey.
- 1
- Lettre: E 2300 Casablanca/2.↩
- 2
- Cette lettre avait le contenu suivant: Bien que je n’aie pas qualité pour rédiger des communications de caractère politique, j’estime devoir vous signaler la campagne menée par de hautes personnalités musulmanes du Maroc en vue d’obtenir la suppression du protectorat français sur ce pays. Une très forte pression est exercée présentement sur le Sultan par le Parti de l’indépendance et nombre de personnalités religieuses ou politiques, y compris, si mes renseignement sont exacts, Si Tami el Glaoui, pacha de Marrakech, dont l’influence reste grande dans tout le Sud marocain. La défaite de la France, puis l’incohérence de la politique française de relèvement a singulièrement diminué le prestige de la nation protectrice aux yeux des Marocains. Les manœuvres communistes, d’une part, les consessions faites aux Juifs, d’autre part, indisposent les milieux musulmans. Et l’on insinue que la Grande-Bretagne, à qui la guerre actuelle a révélé toute l’importance du Maroc pour la sauvegarde de ses communications - l’aviation ayant sensiblement diminué la valeur stratégique de Gibraltar - soutiendrait les visées autonomistes des Marocains. Il semble que S.M. Chérifienne ne pourrait pas résister à la pression dont il est l’objet sans perdre lui-même la confiance et la sympathie de ses sujets. Aussi devrait-on s’attendre à ce que le protectorat français au Maroc soit bientôt remis en question. En réponse à cette lettre, Bonna avait écrit le 17 février 1944 à G. Criblez: Vous observez au début de votre lettre que vous n’avez pas qualité pour rédiger des communications de caractère politique. Nous croyons devoir vous faire remarquer à ce sujet qu’il s’agit là, à notre avis, d’une conception erronée des fonctions consulaires. Nous vous serons, au contraire, très reconnaissants de tous les renseignements de nature politique que vous serez, à l’occasion, en mesure de nous fournir, en usant, bien entendu, de la prudence qui s’impose (courrier convoyé sûr, etc.). Normalement, les Consulats doivent adresser leurs rapports politiques, en original ou tout au moins en copie, à la Légation préposée; dans les conditions actuelles, cette règle ne s’applique évidemment pas à votre Consulat, puisque vous ne dépendez plus de Vichy. (E 2300Casablanca/2).↩
- 3
- Non reproduit.↩
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