Classement thématique série 1848–1945:
III. RELATIONS ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES
III.2. LES ALLIÉS
III.2.3. NÉGOCIATIONS ÉCONOMIQUES AVEC LES ALLIÉS À BERNE EN FÉVRIER ET MARS 1945
Également: Inquiétude de l’ASB face à une enquête sur les avoirs étrangers. Annexe de 20.2.1945 (CH-BAR#E2801#1967/77#66*).
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 15, doc. 372
volume linkBern 1992
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1000/1572#12* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1000/1572 3 | |
Dossier title | Alliierte Verhandlungen mit der Schweiz; Vorbereitungen der Verhandlungen bis zur Ankunft der Alliierten Delegation (Korrespondenz vom 26.01.1945 bis und mit 20.02.1945) (1945–1945) | |
File reference archive | C.41.111.1 |
dodis.ch/47976
Procès-verbal de la quatrième séance financière entre la Délégation alliée et la Commission financière suisse1
Début de la séance: 10 h. 30.
Sont présents:
Du côté anglo-américano-français: MM. Currie, Schmidt, Ostrow, Bliss, Sullivan, Bloch et Vaidie.
Du côté suisse: MM. Gautier, Rappard, Reinhardt, Nussbaumer, Fuchss, Lachenal et Junod.
La séance est consacrée aujourd’hui à l’examen des problèmes que soulève l’application en Suisse de la Résolution VI de Bretton Woods.
M. Blisssuggère que l’on discute d’abord les propositions suisses et ensuite que l’on examine les questions sur lesquelles aucune proposition n’a encore été formulée.a. Problème des billets:
La Délégation alliée s’étant étonnée que les mesures projetées à l’égard des billets étrangers ne s’appliquent qu’aux billets sterling, dollar et francs français, M. Gautier signale que les autorités fédérales ont pris langue avec le Chargé d’affaires d’Italie en Suisse, qui a laissé entendre qu’une interdiction du trafic des billets italiens ne serait pas accueillie très favorablement à Rome pour des raisons assez faciles à comprendre.
M. Gautieraborde ensuite la question des porteurs de bonne foi qui seront lésés par les mesures envisagées et demande si la Délégation alliée est prête à examiner une solution du problème.
M. Schmidtrelève qu’en ce qui regarde les Etats-Unis, toutes dispositions ont été prises pour empêcher le trafic des billets dollar à l’étranger. Les autorités américaines ne reconnaissent pas de trafic. D’ailleurs, les porteurs de bonne foi ont eu l’occasion de renvoyer les billets qu’ils détenaient aux Etats-Unis il y a quelque temps déjà. Dès lors, il ne voit pas pourquoi les autorités américaines feraient une exception à leur politique en faveur de la Suisse. Tout au plus pourrait-on envisager de revenir sur la question après que la Suisse aura pris des mesures et que les Américains auront pu se convaincre qu’elles sont efficaces.
M. Blissne s’est pas prononcé sur la question. Quant à
M. Bloch, il a relevé que, en ce qui regarde les réfugiés porteurs de billets français, le problème n’est plus très aigu, puisque le Gouvernement français vient d’autoriser ceux-ci à rentrer au pays avec le même montant en billets que celui qu’ils transportaient à leur sortie de France.b. Application de la licence 50
M. Blissconstate qu’il s’agit là d’une question qui intéresse avant tout le Gouvernement américain et le Gouvernement suisse. Cette affaire sera donc discutée entre les représentants de l’un et de l’autre au cours d’un lunch qui doit avoir lieu aujourd’hui même. Dès lors, la seule question d’intérêt général que soulève l’application de la licence 50, c’est l’organisation en Suisse d’une enquête sur les avoirs étrangers, seule mesure susceptible de donner une valeur quelconque à la ségrégation que l’on veut opérer aux Etats-Unis. Pour M. Bliss le contrôle des avoirs ennemis repose sur deux piliers: le blocage de ces avoirs et la détermination de leur importance. Le premier pas est fait, à quand l’enquête?
M. Rappard croit savoir que le Gouvernement fédéral a l’intention de procéder à une enquête, mais qu’il le fera de sa propre initiative.
M. Curriedemande si cette enquête portera uniquement sur les avoirs bloqués ou sur tous les avoirs étrangers.
M. Rappard: elle sera probablement encyclopédique, c’est-à-dire, dans l’idée de l’orateur, qu’elle s’appliquera à tous les avoirs étrangers.
M. Schmidts’étant enquis si les noms des propriétaires ennemis seraient divulgués, M. Rappard laisse entendre que les autorités suisses n’ont pas l’intention de se laisser jouer.c. Problème de l’or
Pour M. Schmidt et ses collègues l’or allemand est par principe du looted gold. Dans ces conditions, la possibilité que la Banque Nationale veut se réserver de pouvoir encore acheter de l’or allemand à concurrence des besoins de francs suisses de la Reichsbank en Suisse enlève toute valeur pratique aux restrictions que notre institut d’émission a déjà imposées à sa politique de l’or. M. Schmidt suggère que la Banque Nationale suspende complètement ses achats d’or allemand.
M. Rappardrelève qu’avant de poursuivre la discussion, il serait utile de préciser ce que les Alliés entendent par «looted gold».
M. Schmidtexplique qu’à son sens doit être réputé looted gold tout or que les Allemands ont pris ou acheté dans les pays occupés.
M. Blissprécise que la politique des Alliés à l’égard de l’or tend à prévenir toute sortie d’or d’Allemagne, de façon que, quand les Alliés seront à Berlin, ils puissent mettre la main sur le stock d’or de la Reichsbank et le distribuer aux pays occupés pillés à titre de dédommagement. Cette explication n’est évidemment pas une définition du looted gold lequel est, dans l’idée de M. Bliss, tout or qui a fait l’objet d’un «act of dispossession».
M. Rappardsoulève alors la question de savoir si l’or autrichien et tchèque doit être réputé looted gold. Aucun des interlocuteurs alliés ne se prononce clairement sur ce point. A en croire M. Bliss, l’or tchèque et l’or autrichien entrent dans la définition alliée de Looted Gold.
M. Bloch intervient pour relever que l’argument développé par M. Gautier, comme quoi les Allemands, vu le blocage de leurs avoirs, ne nous fourniront plus d’or, est extrêmement fort, à condition bien entendu que le blocage de l’or allemand soit effectif.
M. Gautierrétorque que le blocage aura probablement pour effet d’interrompre pratiquement nos rapports économiques avec l’Allemagne. Il n’est pas exclu, toutefois, que les Allemands continuent à nous offrir de l’or pour acquitter certaines de leurs obligations en Suisse (paiement de revenus, Stillhalte, etc., etc.). Il est évidemment difficile de refuser à la Reichsbank de reprendre l’or qu’elle est prête à offrir en invoquant l’argument de M. Bliss selon quoi cet or doit rester en Allemagne à la disposition des Alliés. On ne peut pas attendre de la Banque Nationale Suisse qu’elle se fasse le champion de la politique alliée à l’égard de l’or allemand.
M. Schmidtrelève alors que si la Suisse persiste à reprendre de l’or allemand, elle risque fort de ne pouvoir Pécouler dans le monde, vu l’engagement pris par les Nations Unies de ne pas accepter d’or provenant de pays qui n’ont pas rompu avec l’Axe, sans s’être assurées qu’il ne s’agit pas d’or volé.
M. Gautierrépond que la Suisse a fait tout ce qu’elle pouvait pour éviter qu’on ne lui vende de l’or volé. D’ailleurs, la Banque Nationale dispose de très forts montants d’or aux Etats-Unis qui lui suffiront largement à financer ses importations d’après-guerre. En outre, la Suisse a intérêt à recevoir de l’or allemand, autant que celui-ci serve à payer les engagements de l’Allemagne envers notre pays. Enfin, la question de savoir ce qu’on entend par «looted gold» n’est absolument pas éclaircie. La convention de La Haye de 1907 précise ce qu’on doit entendre par biens pillés, et dans cette définition le produit de réquisition n’est pas considéré comme du pillage. Il semble que la délégation aille plus loin dans ses revendications: il faudrait savoir jusqu’où.
M. Rappardrelève que ni le Gouvernement américain, ni le Gouvernement britannique n’ont dénoncé la convention de La Haye et que, dans ces conditions, la Suisse est en droit d’admettre que les définitions contenues dans cette convention lient également ces deux Gouvernements.
M. Schmidtdésirerait savoir quelles mesures la Suisse se propose de prendre pour identifier l’or pillé.
M. Gautierdit qu’il est difficile de prendre des mesures aussi longtemps que nous ignorons s’il y a de l’or pillé en Suisse et qu’aucune plainte ne nous a été présentée. Nous attendons avec intérêt des précisions de la part des Alliés à ce sujet.
M. Schmidt cite alors le cas d’un wagon d’or italien qui serait passé en Suisse l’automne dernier.
M. Gautierrésume à grands traits l’historique de ce convoi d’or et explique que cette livraison devait servir de remboursement partiel d’un emprunt consenti à l’Italie par la Suisse2.M. Nussbaumer, à son tour, expose qu’autant qu’il le sache, les opérations d’or faites par des particuliers en Suisse sont extrêmement minimes. Il y a certes des gens qui possèdent de l’or chez eux, mais en général il ne s’agit pas de quantités énormes.
M. Schmidtsuggère que, si une enquête est faite, l’on décrète que tous les montants supérieurs à une somme donnée devraient être annoncés. Cette somme devrait être fixée assez bas pour que les gens ne soient pas tentés de se taire.
M. Rapparddéclare que dans les milieux auxquels il appartient les gens ne possèdent pas d’or en général, car ils ont estimé par patriotisme qu’il serait inélégant de constituer des réserves en vue d’une invasion éventuelle de la Suisse.
M. Bliss, répondant à une remarque de M. Gautier, fait part de l’étonnement des Gouvernements anglais et américain à l’égard du silence que la Suisse a observé envers l’aide-mémoire allié concernant l’or. Tant qu’aucune réponse ne sera parvenue, positive ou négative, ce silence sera un obstacle à la signature d’un agreement financier3.
M. Gautierrétorque que le blocage aura probablement pour effet d’interrompre pratiquement nos rapports économiques avec l’Allemagne. Il n’est pas exclu, toutefois, que les Allemands continuent à nous offrir de l’or pour acquitter certaines de leurs obligations en Suisse (paiement de revenus, Stillhalte, etc. etc.). Il est évidemment difficile de refuser à la Reichsbank de reprendre l’or qu’elle est prête à offrir en invoquant l’argument de M. Bliss selon quoi cet or doit rester en Allemagne à la disposition des Alliés. On ne peut pas attendre de la Banque Nationale Suisse qu’elle se fasse le champion de la politique alliée à l’égard de l’or allemand.
M. Schmidtrelève alors que si la Suisse persiste à reprendre de l’or allemand, elle risque fort de ne pouvoir Pécouler dans le monde, vu l’engagement pris par les Nations Unies de ne pas accepter d’or provenant de pays qui n’ont pas rompu avec l’Axe, sans s’être assurées qu’il ne s’agit pas d’or volé.
M. Gautierrépond que la Suisse a fait tout ce qu’elle pouvait pour éviter qu’on ne lui vende de l’or volé. D’ailleurs, la Banque Nationale dispose de très forts montants d’or aux Etats-Unis qui lui suffiront largement à financer ses importations d’après-guerre. En outre, la Suisse a intérêt à recevoir de l’or allemand, autant que celui-ci serve à payer les engagements de l’Allemagne envers notre pays. Enfin, la question de savoir ce qu’on entend par «looted gold» n’est absolument pas éclaircie. La convention de La Haye de 1907 précise ce qu’on doit entendre par biens pillés, et dans cette définition le produit de réquisition n’est pas considéré comme du pillage. Il semble que la délégation aille plus loin dans ses revendications: il faudrait savoir jusqu’où.
M. Rappardrelève que ni le Gouvernement américain, ni le Gouvernement britannique n’ont dénoncé la convention de La Haye et que, dans ces conditions, la Suisse est en droit d’admettre que les définitions contenues dans cette convention lient également ces deux Gouvernements.
M. Schmidtdésirerait savoir quelles mesures la Suisse se propose de prendre pour identifier l’or pillé.
M. Gautierdit qu’il est difficile de prendre des mesures aussi longtemps que nous ignorons s’il y a de l’or pillé en Suisse et qu’aucune plainte ne nous a été présentée. [...]
Tags