Classement thématique série 1848–1945:
III. RELATIONS ÉCONOMIQUES INTERNATIONALES
III.2. LES ALLIÉS
III.2.2. NÉGOCIATIONS FINANCIÈRES AVEC LES ALLIÉS
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 15, doc. 125
volume linkBern 1992
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1000/1572#818* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1000/1572 73 | |
Dossier title | Finanzverhandlungen mit den Alliierten in Lissabon (1944–1945) | |
File reference archive | C.45.111.1 • Additional component: Grossbritannien |
dodis.ch/47729 Notice sur les négociations financières avec les Alliés1 COMPTE RENDU D’UNE SÉANCE DU COMITÉ DE L’ASSOCIATION SUISSE DES BANQUIERS, TENUE À BERNE LE 26 AVRIL 1944, POUR EXAMINER LE PROJET DE NOTE ALLIÉE SOUMIS À LA DÉLÉGATION FINANCIÈRE SUISSE À LISBONNE
Sont présents:
MM. R. La Roche - La Roche & Co. Bâle,
E. Barbey - Lombard Odier Genève,
R. Wittmer - Banque Cantonale Bâle,
P. Vieli - Crédit Suisse Zurich,
M. Brugger - Banque Commerciale Bâle,
H. Daeniker - Banque Cantonale Z[uri]ch,
O. Würgler - Banque Cantonale Berne,
C. Zölly - Banque fédérale Zurich,
H. Fischer - Argauische Ersparniskasse Aarau,
MM. Caflisch, Dunant, Jann, Secrétariat de l’A.S.B.,
MM. Kohli, Junod, Département Politique.
M. La Roche ouvre la séance et donne immédiatement la parole à M. Kohli pour qu’il expose le but de la discussion.
M. Kohli résume à grands traits l’évolution des discussions financières avec les Alliés depuis 1942 et arrive aux négociations actuelles qui se déroulent à Lisbonne, négociations au cours desquelles les délégués anglo-américains ont remis à nos représentants un projet de note résumant les opérations financières que nos partenaires tiennent pour «objectionable» et qu’ils estiment susceptibles de provoquer l’inclusion de leur auteur dans la liste noire. M. Kohli relève que nous avons chargé nos délégués d’insister au cours des discussions de Lisbonne sur le fait qu’un examen de cette note par les banques suisses préalablement à sa publication n’entendait nullement un engagement tant de la part du Gouvernement suisse que de la part de l’Association Suisse des Banquiers de respecter les conditions de cette note. Nos partenaires sont au courant de notre attitude. Le but de cette séance est d’examiner les exigences alliées et de voir quelles observations il convient d’adresser à notre délégation pour qu’elle les transmette à nos partenaires. Les négociations de Lisbonne ont en effet un caractère consultatif et ont pour but de donner aux banques suisses l’occasion de provoquer, si faire se peut, un adoucissement des exigences alliées. A la fin de son exposé, M. Kohli lit à l’assistance la déclaration de M. Bliss concernant M. Nussbaumer, déclaration de laquelle il ressort que la personne même de M. Nussbaumer n’a jamais été mise en cause au cours des pourparlers auxquels l’affaire Pirelli a donné lieu.
M. La Roche, estime qu’il convient de fixer avant tout si l’assistance est prête à entrer en matière et, partant, à discuter les exigences alliées ou si elle préfère se refuser à toute discussion.
Après une discussion assez vive au cours de laquelle M. Brugger fait valoir son indignation à l’égard de cette note dont il estime qu’elle force la capitulation des banques suisses, qu’elle est une atteinte directe à notre neutralité, qu’elle oblige en somme les banques suisses à cesser toute activité internationale et qu’elle est enfin farcie de dispositions dont le sens n’est pas clair, les assistants se rallient à l’idée que la meilleure politique consiste à discuter cette note avec nos partenaires sans que cela éveille l’impression auprès d’eux que cette discussion comporte un accord implicite quelconque quant à la façon de procéder des Alliés.
Au cours de la discussion, M. Kohli fit remarquer que les banques suisses pourraient fort bien déclarer ne pas pouvoir entrer en matière et qu’il ne fallait pas perdre de vue que les Anglais se sentiraient ainsi les mains complètement libres et pourraient, le cas échéant, frapper immédiatement une ou deux grosses banques suisses en les mettant sur la liste noire, ce qui ne laisserait pas d’avoir d’assez lourdes conséquences.
La discussion ayant été décidée, on en passa à l’examen des divers points de la note [du 18 avril, non reproduite]'.I. Ad préambule
Le troisième paragraphe qui a trait à la définition du terme «ennemi» donne lieu à vive réaction. L’opinion unanime est qu’il est impossible d’admettre comme ennemies des personnes physiques et morales installées en Suisse même lorsqu’il s’agit de filiales de sociétés ayant leur siège principal en pays ennemi ou occupé. Il serait d’ailleurs contraire aux principes de l’égalité des droits d’admettre une différenciation quelconque entre des personnes physiques et morales installées en Suisse. Les décisions alliées ne peuvent donc être acceptées.
En ce qui concerne la rétroactivité des dispositions, notamment des éventuelles modifications ultérieures, les assistants insistent sur le fait qu’il faut obtenir une assurance de non rétroactivité.
L’ASB est d’avis qu’il convient de marquer son étonnement au sujet du paragraphe 5 que les Alliés prévoient bien l’inclusion des banques suisses sur la liste noire mais n’aient point envisagé de procédure concernant la radiation des maisons portées sur la liste noire sans motifs justifiables.II. Examen des différents points
Chiffre 1. Commerce des billets anglais-américains.
Le Comité de l’ASB tient d’emblée à préciser que les Alliés ne sauraient exiger de la part des banques qu’elles cessent toute activité sur les billets anglais et américains en Suisse même. C’est là une ingérence de leur part absolument intolérable.
M. Jaberg résume cela en disant: «Qu’on nous laisse faire chez nous ce que nous voulons».
M. Zölly se demande si l’on ne pourrait pas décréter officiellement une interdiction d’importer et d’exporter des billets de banque de façon générale.
M. Barbey précise que l’exigence alliée porte uniquement sur les billets américains et anglais et qu’il ne faut point aller au-delà des désirs alliés. D’autre part, il y a un certain danger à prendre des mesures officielles dans ce domaine car cette première concession pourrait nous entraîner loin si l’on en juge par la politique anglo-américaine envers les banques. Il est convenu que les banques se garderont de participer à l’importation ou à l’exportation de billets angloaméricains à l’exception des cas de voyage et l’on décide d’informer la délégation dans ce sens.
Chiffre 2. Avances sur des avoirs bloqués dans les Nations Unies.
M. Barbey constate que l’interdiction envisagée est inadmissible quand il s’agit d’avancer des fonds sur des titres et avoirs appartenant à un client suisse. Tout au plus pourrait-on admettre une interdiction de telles avances en faveur d’ennemis des Alliés. Il est convenu de télégraphier dans ce sens à Lisbonne.
Chiffres 3 et 4. Ouvertures de nouveaux comptes en faveur d’ennemis.
L’ASB ne peut que refuser purement et simplement les exigences de ces deux alinéas dont l’application équivaudrait à paralyser à brève échéance l’activité internationale des banques.
Chiffre 5 (abcd). Opérations sur titres «enemy» et «non enemy».
M. Caflisch remarque d’emblée qu’il convient de réserver envers les Alliés les dispositions des divers accords de clearing et autres accords que la Suisse a conclus avec l’étranger dans ce domaine. Il faut d’autre part obtenir une exception absolue en faveur des titres de propriété suisse. Ces exceptions étant faites, il reste la question de l’entrée en matière.
M. Zölly se demande si l’on ne pourrait pas décréter une interdiction officielle d’importer des titres en Suisse.
M. Caflisch voit une autre solution dans la création d’une nouvelle annexe aux affidavits existants qui attesterait que les titres sont en Suisse depuis une date ultérieure à la publication de la note anglo-américaine.
M. Jaberg propose de suggérer à nos partenaires une rédaction générale du texte, lequel se bornerait à préciser que les banques suisses qui favorisent l’importation de titres pour le compte d’ennemis des Alliés courent le risque d’être incluses dans la liste noire. Il conviendrait cependant d’obtenir une exception en faveur des titres payables en Suisse car là l’obligation légale existe d’assurer le service de leurs intérêts et leur remboursement au risque, en cas de refus, d’encourir un procès. Le comité se rallie à cette idée.
Chiffre 5 (e). Activité des banques suisses comme domiciles de paiements.
L’exigence alliée est incompréhensible. En effet, on ne comprend pas très bien l’intérêt que les Alliés ont à interdire aux banques suisses d’agir en qualité d’agents payeurs pour les titres étrangers. Si, par exemple, une banque assure le service des intérêts de titres allemands, cela suppose qu’elle a obtenu du débiteur des devises qui, pour se les procurer, s’est en quelque sorte appauvri, ce qui est tout bénéfice pour les Alliés.
Chiffre 6. Crédits commerciaux.
Les assistants prennent note des commentaires de la Délégation selon lesquels les Alliés ne se refuseraient pas à l’octroi de crédits commerciaux si les fonds sont préalablement déposés en Suisse.
En ce qui regarde le chiffre 7 qui a trait aux crédits à l’exportation, M. Speich relève qu’il convient de réserver des crédits en vue de livraisons pour l’aprèsguerre pour lesquelles les documents exigés par les Anglo-Britanniques ne sauraient être octroyés.
N.B. Au cours d’une conférence chez M. Hotz, du 27 avril, ce problème a été examiné par les membres de la délégation permanente du Conseil fédéral aux accords commerciaux. M. Hornberger a relevé que les exigences alliées étaient inadmissibles car, prises au pied de la lettre, elles supposaient, par exemple, l’interdiction de toute avance sur des avoirs de clearing ou toute ouverture d’accréditif chaque fois que les fonds ne sont pas déposés en Suisse, soit dans la majeure partie des cas. Il a été convenu que nous télégraphierions pour faire immédiatement les réserves nécessaires.
En ce qui regarde le chiffre 8, octroi de nouveaux crédits en faveur d’ennemis des Alliés, le comité déclare ne pas vouloir accepter cette exigence et décide de la refuser purement et simplement.
Le point 9 qui a trait au remboursement de crédits octroyés à des ennemis des Alliés provoque une assez vive réaction de la part de l’assistance. Cette exigence alliée est inacceptable, elle est même ridicule. Il est en effet dans l’intérêt même de nos partenaires que les crédits accordés à leurs ennemis soient maintenus car pour assurer leur service lesdits ennemis doivent se procurer des devises alors que, en cas de dénonciation, ils s’empresseraient de les rembourser en monnaie bloquée. A titre d’exemple, il est fait allusion aux crédits qui tombent sous le «Stillhalte» et dont le service se fait hors clearing soit en devises. Ces crédits doivent être renouvelés le 31 mai 1944. Si, pour déférer au vœu allié, les créanciers suisses acceptaient de les dénoncer, cette mesure aurait pratiquement pour effet un remboursement en Sperrmarks et libérerait pour l’Allemagne des devises qu’elle réservait au service de ses crédits, devises dont elle pourrait ensuite user pour le plus grand avantage de son économie2.
Au point 10, les Alliés prévoient une interdiction des opérations en devises, notamment des arbitrages. Sur ce point, les banques se rallient aux remarques de la délégation qui avait déjà relevé l’impossibilité d’admettre les exigences de nos partenaires. Regardant plus particulièrement le chiffre c, l’ASB ne peut se rallier à l’opinion de la délégation qui estime cette exigence inoffensive.
M. Barbey estime qu’il est impossible d’empêcher une banque suisse de rembourser en francs suisses le compte qu’un de ses clients entretient en monnaie étrangère auprès d’un correspondant étranger. Le comité se déclare tout au plus prêt à concéder la liquidation en livres et en dollars des comptes qui sont gérés dans ces monnaies.
L’exception B du chiffre 10 concernant les opérations des Gouvernements ennemis donne lieu à la remarque que les opérations des Légations étrangères en Suisse devraient également faire exception aux interdictions envisagées.
M. Jaberg relève d’autre part que le droit de traiter avec des banques centrales étrangères devrait également être étendu aux banques privées et ne pas rester l’apanage exclusif de la Banque Nationale.III. Conclusions
a) ad camouflage. Les assistants sont d’avis que, dans ce domaine, il convient de réserver les arrangements déjà en vigueur et ouvertement conclus. C’est d’ailleurs l’opinion de la délégation à laquelle le comité se rallie.
b) M. Kohli laisse percer une certaine crainte à l’idée que les représentants anglais et américains en Suisse trancheront les cas épineux. Si l’on en juge par la carence totale dont ils ont fait preuve dans la façon de tenir leur Gouvernement au courant des mesures prises en Suisse en matière financière, on peut s’attendre à une incompétence totale de leur part dont les effets pourraient être néfastes pour l’activité bancaire suisse.
En fin de séance, le comité est tombé d’accord sur le fait qu’il s’agissait de gagner le plus de temps possible. A cet effet, il a été proposé de discuter avec les Alliés une adaptation des principes de la Convention-affidavits A aux exigences dont la note anglo-britannique [sic] se fait l’écho étant bien entendu, toutefois, que cette adaptation ne pourrait se faire que dans le cadre de la politique poursuivie par les banques suisses. L’examen de ce problème pourrait permettre de nouveaux échanges de vues dont la préparation repousserait d’autant la publication de la note. Il est entendu que le Département Politique télégraphiera à Lisbonne pour faire part à notre délégation des décisions et remarques faites au cours de cette séance.
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