Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
II.21. ROUMANIE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 15, doc. 79
volume linkBern 1992
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#212* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 105 | |
Dossier title | Bukarest, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 11 (1943–1944) |
dodis.ch/47683
Au cours de l’année 1943, le gouvernement roumain, sous l’impulsion de son premier ministre, avait apporté plus d’un tempérament aux rigueurs de l’antisémitisme officiel, tel que le pratiquait, à ses débuts, le régime autoritaire du maréchal Antonesco.
En même temps que s’effondrait sa foi dans la victoire du Reich, le président du Conseil comprenait que les excès sanglants de 1940 et de 1941 pèseraient un jour de tout leur poids dans la balance des nations unies. Il s’efforçât d’alléger le passif et d’augmenter l’actif de la Roumanie en vue du règlement de comptes.
Encouragé dans cette politique par la nonciature, par diverses légations qui n’avaient pas cessé de réclamer pour leurs ressortissants et protégés une complète égalité de traitement sans distinction de race ou de religion, par les délégués du Comité international de la Croix-Rouge et par une bonne partie de l’opinion publique, M. Mihai Antonesco s’est toujours heurté à la réaction des représentants du Reich, dont l’influence sur le personnel administratif demeure très forte.
Depuis quelque temps, les Allemands redoublent d’efforts pour ramener le cabinet de Bucarest à l’antisémitisme intégral.
Le «Führer» des «Volksdeutsche», Andreas Schmidt, a ouvert cette campagne en prononçant à l’occasion de la nouvelle année un discours qui n’était pas autre chose qu’un appel au meurtre de tous les Juifs de Roumanie.
Plus récemment, les Allemands ont usé de tous les moyens dont ils disposent pour paralyser le rapatriement des Juifs déportés en Transnistrie. Cette opération avait été décidée par le gouvernement roumain, d’entente avec la délégation du C.I.C.R., ainsi qu’avec la Société roumaine de la Croix-Rouge. Elle devait être le prélude d’une émigration vers la Palestine. La tournure prise par les événements militaires la rendaient d’autant plus urgente que les déportés demeurés dans des régions où refluent des troupes allemandes en retraite couraient et courent encore le risque d’être massacrés en masse par les S.S.
Ces derniers jours enfin, des arrestations ont été opérées à Bucarest parmi les dirigeants de la communauté israélite. De l’aveu même du premier ministre, c’est la légation d’Allemagne qui en a pris l’initiative, par une démarche directe auprès de la préfecture de police.
M. von Killinger se serait flatté, dit-on, d’apporter au maréchal Antonesco des preuves irréfutables contre les personnages arrêtés. Il les accuse d’être communistes, d’avoir aidé un certain nombre de coreligionnaires polonais à franchir clandestinement la frontière roumaine et de distribuer aux déportés de Transnistrie des secours provenant de transactions faites en bourse noire.
Le premier de ces griefs est fantaisiste. Les deux autres contiennent une part de vérité. Outre les sommes employées par la Croix-Rouge internationale à l’assistance des déportés, somme dont le cabinet de Bucarest connaît parfaitement l’origine et l’affectation, il est probable que des subsides fournis par des organisations juives de l’étranger ont été changés en monnaie roumaine et répartis aux intéressés par des méthodes illégales, mais d’un usage courant en Roumanie. Les Allemands s’apprêtent à invoquer ce «crime» pour obtenir des poursuites contre les «coupables» et empêcher ainsi le sauvetage des infortunés qui ont survécu aux persécutions et aux progroms de ces dernières années.
Il pourrait en résulter soit une nouvelle tension dans les rapports germanoroumains, soit un affaiblissement de la situation - en apparence assez forte - du premier ministre, soit encore l’obligation, pour M. Mihai Antonesco, de renoncer à une partie au moins des décisions qu’il avait prises en vue de réparer dans la mesure du possible les erreurs et les fautes du passé.
Les intrigues en cours préoccupent à juste titre la délégation du Comité international de la Croix-Rouge, qui risque de voir s’effondrer le résultat de ses patients efforts. C’est ainsi que, pour ne citer qu’un exemple, l’arrestation de M. Enzer, homme de confiance des organisations juives de Turquie et du Proche-Orient, seul négociateur agréé par les autorités britanniques pour les questions relatives à rémigration de Juifs roumains en Palestine, compromet gravement cette émigration, que favorisent pourtant le cabinet de Bucarest et la Croix-Rouge roumaine2.