dodis.ch/47364 Le Gérant du Consulat de Suisse à Paris, R. Naville, à la Division des Affaires étrangères du Département politique1
J’ai l’honneur de vous exposer ce qui suit:
Depuis un certain temps, la propagande allemande déploie une activité assez intense pour tenter de décider les travailleurs français et les travailleurs étrangers vivant en France occupée, à aller travailler en Allemagne. Des articles publiés dans la presse et des affiches exhibées dans les endroits publics vantent les avantages qui sont offerts, au point de vue pécunier, social et même professionnel, aux ouvriers étrangers en Allemagne. Selon les renseignements qui sont en ma possession, environ 145 000 ouvriers venant de zone libre et de zone occupée, travailleraient actuellement en Allemagne sur la base d’un «contrat librement consenti». Le nombre des ouvriers belges s’élèverait à 265 000.
Il ne m’a malheureusement pas été possible de savoir combien de ressortissants suisses domiciliés en zone occupée se sont engagés pour aller travailler en Allemagne. Mes services ont été appelés à délivrer à une vingtaine d’entre eux les certificats dont la Légation vous avait entretenu dans son dernier rapport de gestion2, certificats attestant que rien ne s’opposait, du côté suisse, à ce que les intéressés acceptent l’emploi qui leur a été offert en Allemagne. Ce document aurait, en effet, été réclamé par les autorités allemandes.
Dans le cas où l’appel de ces autorités ne trouverait pas parmi la population de la zone occupée l’écho qu’elles en attendent, il n’est pas impossible qu’elles emploient des moyens de pression plus effectifs en vue d’augmenter, notamment, l’apport de la main-d’œuvre française.
J’ajoute qu’un de nos compatriotes m’a récemment prétendu qu’une autorité allemande lui aurait affirmé qu’il existerait un accord entre la Suisse et l’Allemagne, selon lequel l’envoi dans ce pays de travailleurs suisses ne serait pas autorisé. Ignorant absolument l’existence d’un tel accord, je vous serais très obligé de vouloir bien me renseigner à ce sujet3.