dodis.ch/47249
Le Ministre de Suisse à Bucarest, R. de Week, à la Division du Commerce du Département de l’Economie publique
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Confidentiel
Bucarest, 23 juin 1941
Votre lettre du 29 mai dernier2, relative à d’éventuelles modifications des accords de commerce et de paiements actuellement en vigueur entre la Suisse et la Roumanie, est parvenue à la Légation alors que je me trouvais en Suisse. Toutefois, M. Ebrard m’en a donné connaissance à Zurich, en y ajoutant des recommandations verbales qui ont retenu toute mon attention. Dès mon retour à Bucarest, je me suis assuré que, dans ses conversations avec les personnalités roumaines compétentes, mon remplaçant intérimaire s’était toujours inspiré de vos instructions3.
Il m’a paru néanmoins utile d’exposer sommairement les vues du Gouvernement fédéral à M. Christu, Ministre plénipotentiaire, ancien Ministre du Commerce extérieur et Directeur des services économiques au Ministère Royal des Affaires étrangères. Au cours de l’entrevue que j’ai eue avec lui le 21 de ce mois, je me suis borné à lui dire qu’une négociation dans la capitale roumaine, à une date que les circonstances ne permettaient pas de fixer avec précision, me paraissait préférable à des pourparlers qui auraient lieu à Berne. J’ai fait allusion au fait que les délégations envoyées en Suisse par le Gouvernement roumain n’étaient pas toujours munies de pouvoirs assez étendus pour arriver rapidement à des résultats positifs, tandis que, lorsque nos délégués pouvaient se rendre en Roumanie, il leur était loisible de recourir aux instances les plus élevées pour trancher les difficultés que les négociateurs désignés n’étaient pas toujours en mesure de résoudre.
En outre, j’ai indiqué que, pour nous, l’objet des conversations futures serait moins une modification de structure dans les accords en vigueur qu’un examen approfondi des moyens à mettre en œuvre pour en améliorer le fonctionnement.
De plus, tenant compte des recommandations qui m’avaient été faites tant par M. Ebrard que par M. le Conseiller fédéral Pilet-Golaz lui-même, j’ai confirmé notre désir de traiter directement avec le cabinet de Bucarest en évitant, dans toute la mesure du possible, l’intervention de tiers4. Je n’ai pas manqué d’insister sur l’importance que présentent actuellement pour nous les livraisons roumaines en matière de carburants liquides et, particulièrement, d’huiles minérales. Enfin, j’ai cru pouvoir laisser entendre que nous nous efforcerions, avant d’entamer une négociation avec Bucarest, de déblayer le terrain dans l’autre direction, en vue d’obtenir, s’il se peut, que la tierce puissance à laquelle je fais allusion renonce à intervenir directement dans le débat.
M. Christu a pris bonne note de ces indications. Toutefois, prévoyant que la Roumanie entrerait en guerre quelques heures plus tard, il ne m’a pas caché que la mise au point définitive du projet dont je lui parlais ne pourrait guère être examinée utilement avant quelques semaines. Je note cependant avec satisfaction qu’il n’a formulé aucune objection contre notre manière de voir5.