Unterhaltung mit dem amerikanischen Unterstaatssekretär im Wirtschaftsministerium, Thorp, zur Frage des Marshall-Planes und der Angelegenheit der schweizerischen «Interhandel», welche von den Amerikanern als deutsch angesehen wird und deren Guthaben in den USA beschlagnahmt wurden. Juristische und taktische Argumente der Schweiz. Notwendigkeit eines Kompromisses.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 18, doc. 6
volume linkZürich/Locarno/Genève 2001
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1967/61#119* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1967/61 77 | |
Dossier title | Avoirs allemands (1947–1949) | |
File reference archive | 37 |
dodis.ch/4722 Le Chef du Département politique, M. Petitpierre, au Délégué du Conseil fédéral pour les missions spéciales, W. Stucki1
J’ai eu mardi dernier, le 26 juillet, un long entretien avec M. Thorp, Sous-Secrétaire d’Etat américain aux Affaires économiques. Après nous être entretenus assez longuement du Plan Marshall et de la participation de la Suisse à l’Organisation Européenne de Coopération Economique nous avons abordé l’accord de Washington.
Il est inutile que je vous donne des renseignements sur les faits que vous connaissez et sur lesquels il n’y a pas de contestation.
Sur l’affaire «Interhandel»2, M. Thorp considère que pour bien comprendre ce litige il faut remonter très en arrière dans l’histoire de l’accord de Washington. Dès le début, il y a eu un désaccord fondamental, peut-être inconscient, entre les négociateurs suisses et les négociateurs américains. Ce désaccord repose sur les conceptions différentes qu’on a, dans les deux pays, de l’importance des «corporations» intermédiaires entre un placement de fonds et ceux qui en retirent le bénéfice.
Les Etats-Unis mettent l’accent sur le placement même. Ils estiment que les avoirs d’«Interhandel» en Amérique sont à considérer comme avoirs allemands aux Etats-Unis et ne tombent pas sous le coup de l’accord de Washington. Les Suisses, au contraire, considèrent qu’il faut partir du fait que l’entreprise intéressée au placement est en Suisse, de sorte que les avoirs d’«Interhandel», même ceux se trouvant aux Etats-Unis, doivent être traités comme des avoirs allemands en Suisse, relevant de l’accord de Washington.
J’ai fait valoir qu’il s’agissait avant tout d’une question de fait et qu’il n’était pas admissible que l’on considère arbitrairement aux Etats-Unis comme allemands des intérêts qui, en réalité, étaient suisses. J’ai souligné l’obligation pour notre pays de défendre, même indépendamment de l’accord de Washington, des intérêts suisses dans un Etat étranger. En outre, j’ai insisté sur l’intérêt qu’il y aurait pour les deux pays à chercher une solution [à l’]amiable dans une affaire qui présentait un double aspect, politique et juridique. A défaut d’accord, j’ai rappelé que nous étions décidés à soumettre l’affaire à l’arbitrage prévu dans l’accord de Washington. Faisant allusion aux interpellations dont je serais probablement l’objet devant les Chambres fédérales3, j’ai indiqué que je répondrais dans ce sens aux interpellateurs.
Nous avons discuté la valeur des intérêts d’«Interhandel» aux Etats-Unis. J’ai articulé le chiffre de 110’000’000 de dollars. M. Thorp m’a répondu qu’il avait entendu parler, il y a plus d’une année, d’une valeur de 90 à 100’000’000 de dollars, mais qu’actuellement on estimait la valeur des intérêts suisses de 40 à 60’000’000 de dollars.
M. Thorp m’a déclaré encore qu’il n’avait jamais compris pourquoi la Suisse ne voulait pas régler les autres questions en relation avec l’accord de Washington, aussi longtemps que l’affaire «Interhandel» resterait en suspens4. J’ai répondu qu’à notre avis un règlement devrait intervenir sur toutes les questions en discussion et que nous ne voulions pas souscrire à un compromis en laissant de côté des questions sur lesquelles il serait difficile de revenir ultérieurement. J’ai précisé que si sur un point spécial une entente n’était pas possible, nous devions le constater au moment de la conclusion d’un compromis général et décider à ce moment-là de soumettre ce point à l’arbitrage.
M. Thorp m’a assuré qu’il partageait mon avis sur l’opportunité de trouver un compromis dans l’affaire «Interhandel» et m’a affirmé que, dès son retour à Washington, il chercherait à agir dans ce sens.
J’ai ensuite demandé à M. Thorp de bien vouloir recommander aux autres pays avec lesquels nous avons des conflits de séquestre de se prêter à des négociations directes avec la Suisse pour l’examen et, si possible, la solution pratique de ces conflits. J’ai indiqué comme pays à côté de la France et de la Grande-Bretagne, qui se sont déjà déclarées disposées à négocier, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège5. J’ai souligné qu’il y aurait lieu d’attirer leur attention sur le fait qu’il n’y aurait pas de règlement général des conflits de séquestre, mais qu’il était préférable de chercher à résoudre chacun de ceux-ci sur le plan pratique.
M. Thorp a fait observer qu’il lui serait plus facile d’intervenir si nous avions réglé tous les cas en suspens avec les Etats-Unis. Mais son Gouvernement désire se montrer serviable et il examinera quelles démarches il pourrait faire auprès des Gouvernements des pays que je lui ai signalés. J’ai précisé que nous ne demandions pas une pression mais une simple recommandation de la part des Etats-Unis.
Avant de prendre congé, M. Thorp m’a déclaré qu’il était déprimant de voir combien d’énergie il fallait dépenser pour liquider les affaires du passé alors que l’on devrait pouvoir concentrer toutes ses forces sur les problèmes du présent et de l’avenir. J’ai abondé dans ce sens en lui déclarant que j’espérais que les problèmes en relation avec l’accord de Washington pourraient trouver une solution aussi rapidement que possible, notre opinion publique était de plus en plus hostile à cet accord.
Cet entretien, qui a duré 1 1/4 h., a été très amical. J’espère qu’il n’aura pas été inutile et qu’il facilitera le règlement de quelques-unes des questions encore en suspens.
- 1
- Lettre (Copie): E 2800(-)1967/61/77.↩
- 2
- Sur l’affaire Interhandel, qui relève de la problématique plus générale des conflits de séquestre, cf. DDS, vol. 17, doc. 76, dodis.ch/5640 et la notice de M. Petitpierre sur son entretien avec R. C. Patterson du 4 mars 1952, E 2800(-)1990/106/20 (dodis.ch/7232).↩
- 3
- Sur ces interpellations, cf. la notice de M. Petitpierre sur son entretien avec J. C. Vincent du 11 juillet 1949, ibid. (dodis.ch/4353).↩
- 4
- A ce propos, cf. la notice de L. Jacot à E. Nobs du 1er juillet 1949, E 6100(A)-/25/17 (dodis.ch/8674) et la lettre de M. Petitpierre à W. Stucki du 26 juin 1950, E 2800(-)1967/61/77 (dodis.ch/8675).↩
- 5
- Sur ces conflits, cf. PVCF No 292 du 10 février 1950, E 1004.1(-)-/1/514 (dodis.ch/7175) et PVCF No 258 du 2 février 1951, E 1004.1(-)-/1/526 (dodis.ch/7920).↩
Tags
Swiss financial market United States of America (USA) (Economy) Organisation for Economic Co-operation and Development (OEEC–OECD)