Classement thématique série 1848–1945:
2. RELATIONS BILATÈRALES
2.24. VATICAN
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 14, doc. 18
volume linkBern 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1553#194* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 17 | |
Dossier title | Scanziani, Pietro, Rom, Mitarbeiter der Schweiz. Depeschenagentur (1943–1945) | |
File reference archive | A.15.48.11 |
dodis.ch/47204
C’est avec un grand retard - dû à notre action journalière en faveur des Suisses du «Mezzogiorno»2 et d’autres régions menacées dans leur existence - que je viens vous accuser réception et vous remercier de votre lettre du 26 février3 concernant l’activité du correspondant de l’AgenceTélégraphique Suisse à Rome. La question traitée dans votre lettre est - je le répète - une de celles qui concernent de très près notre politique étrangère.
S.E. le Cardinal Maglione, Secrétaire d’Etat de Sa Sainteté, m’a parlé maintenant, à cinq reprises de suite, des dégâts causés par les dépêches du correspondant romain de l’A.T.S.
A ce propos, je crois devoir, pour une fois, vous expliquer l’état actuel des rapports entre la Légation et le Saint-Siège. Ceux-ci sont, vous le savez, exceptionnellement favorables à notre Pays. Il y a peu de jours où l’«OsservatoreRomano», organe officiel de la Secrétairerie d’Etat, ne donne pas, sous une rubrique ou une autre, un écho, un article, une information sur notre Pays qui, souvent même idéalisé, ne répond pas à ce que nous souhaiterions voir écrire sur la Suisse, sur sa mission, sur ses efforts de défense, de conservation, de progrès, une note telle que le meilleur agent de presse ne saurait obtenir dans les journaux d’un de nos pays voisins.
Personnellement, je suis en rapports aussi étroits avec la Secrétairerie d’Etat que ne le peut être un Ministre accrédité près le Saint-Siège apostolique. Ceci n’est aucunement dû à un mérite quelconque, mais à un enchaînement heureux de circonstances. Le Cardinal Secrétaire d’Etat Maglione, que j’ai connu à Berne il y a 23 ans4, m’a démontré une bienveillance particulière durant mon séjour à Paris et, ensuite, durant les années qu’il a passées à Rome comme Cardinal avant d’être appelé à être le Premier Ministre du Saint-Siège. Il a bien voulu - en dérogeant peut-être, dans une certaine mesure, aux traditions très strictes du Vatican -, continuer à me voir depuis son élévation au poste dirigeant de la politique du Saint-Siège. A titre tout à fait personnel - fait qu’il ne faut pas répéter - il est venu même une fois - contrairement à toutes les traditions du Vatican à l’égard d’un Chef de Mission près le Quirinal - me voir à la Légation. Il n’accepte, bien entendu, pas d’invitation, défendue par le protocole très strict établi par Pie XI. Mais il m’a concédé le privilège de le voir régulièrement, d’une manière tout à fait personnelle et inofficielle et - il faut bien pouvoir vous dire les choses confidentiellement comme elles le sont - il m’a répété qu’au Vatican j’étais «a casa mia». Ceci vous explique pourquoi je doive attacher un prix particulier aux communications que cet Ami grand et bienveillant de notre Pays se voit parfois amené à me faire. Or, dans ma dernière lettre5, je vous avais dit qu’il m’avait parlé trois fois de l’affaire Scanziani et que c’était trop. Depuis lors, les 4 et 6 mars, il m’en a reparlé. De plus, - fait aussi sans précédent vis-à-vis d’un chef de mission accrédité près d’une autre Puissance - il m’a adressé, le 1er de ce mois, la lettre quasi officielle dont j’annexe l’original6, avec une copie, et dont la froideur officielle souligne encore le poids qu’attache la Secrétairerie d’Etat à ce qu’il soit mis finalement fin aux fausses nouvelles transmises par le truchement du correspondant de notre Agence Télégraphique Suisse. Cette lettre constitue une réponse à un mot manuscrit et personnel indiquant ce qu’avait bien voulu faire M. le Conseiller fédéral Etter7 pour couper court à la diffusion des nouvelles tendancieuses considérées, à raison, comme préjudiciables par le Saint-Siège.
Depuis l’envoi de cette mission8, le Cardinal Secrétaire d’Etat m’a reparlé, les 4 et 6 mars, de l’action de M. Scanziani. Vous connaissez son opinion sur ce journaliste par mes précédents rapports, ainsi que son avis qu’il s’agit de quelqu’un dont une propagande étrangère intéressée se sert pour gêner l’action pacificatrice du Saint-Siège. Pour ma part, je n’ai naturellement pas dissimulé au Cardinal, au cours de quatre conversations successives, que j’avais été moimême enclin à considérer avec indulgence les incartades dont il s’agit, étant donné, d’abord et surtout, l’avis charitablement exprimé par M. le Conseiller fédéral Motta à l’égard de M. Scanziani lors de la venue de ce dernier de Milan à Rome; avis qui, toujours sur le conseil de M. Motta, m’avait amené à chercher un travail d’informations supplémentaires à M. Scanziani, en essayant de mettre à profit ses informations pour la Légation, jusqu’au moment où - pour être tout à fait précis le 10 juin 1940 - j’ai dû, en présence du Conseiller de la Légation, lui dire que certains aspects de son action avaient l’apparence d’être inspirés d’une propagande du dehors.
Au regard de ceci, le Cardinal était plus précis. Il m’a dit textuellement: «In questi casi, si dà una buona mancia e si allontana quelli ehe fanno delle difficoltà». J’ai pu lui répondre que cette proposition aussi avait été faite, en dernier lieu, par le soussigné.
A propos des dépêches diffusées par l’A.T.S. que vous connaissez, S.E. le Cardinal Maglione m’a dit qu’elles avaient fait des dégâts non seulement à Rome et en Suisse, mais aussi en France. Qu’il ne cessait de recevoir des dépêches de France où il était question de la nouvelle transmise de Rome par l’A.T.S. Il a ajouté qu’en ce moment critique il fallait lutter non seulement contre les difficultés de toutes sortes, mais contre P«insidia» d’adversaires qui se servaient d’instruments dociles, mais qu’il regrettait que cet instrument ait été trouvé dans l’AgenceTélégraphique Suisse.
Or, de deux choses l’une: Ou bien l’AgenceTélégraphique Suisse, n’ayant aucune attache officielle, change de nom et s’appelle dorénavant l’agence «Concordia» ou «Alpina»9 ou quelque chose de cet acabit, ou bien qu’elle change ses méthodes à Rome et son collaborateur. J’estime vraiment que le moment de faire des sentimentalités est passé. Un des seuls appuis que nous avons aujourd’hui dans le monde se trouve dans le Vatican. L’indisposer, sans aucun profit pour nous et au seul avantage d’une propagande étrangère qui veut passer les nouvelles qui lui conviennent, est un mal fait au Pays. C’est pourquoi j’avais cru pouvoir proposer que le Commandement de l’Armée prenne la mesure de mettre sous une censure sévère les dépêches de Rome du correspondant de l’A.T.S. qui, depuis le 10 juin dernier - j’ai pu m’en féliciter vis-à-vis du Cardinal - n’a aucun contact avec la Légation du pays dont l’Agence invoque le nom.
Le Département m’écrit que cela n’est pas possible. Je demande instamment qu’alors d’autres mesures soient prises pour assurer, en tout état de cause - il faut éviter que pour une sixième fois le Premier Ministre du Saint-Siège me reparle de l’Agence - un assainissement dans le sens d’une censure effective ou d’un éloignement de Rome à Milan, à Madrid ou ailleurs, du correspondant actuel de l’A.T.S.10.
Au cours de ma dernière audience, le Cardinal Secrétaire d’Etat ne m’a pas caché que l’article de P«OsservatoreRomano» «Verità», représentant la manière de voir du Saint-Père lui-même, et reproduit intégralement dans la «Liberté» de Fribourg du 3 ou du 4, avait été dû surtout aux nouvelles tendancieuses dont nous nous plaignions. Or, faut-il apporter un élément de contrastes dans nos rapports avec la seule grande Puissance qui nous donne un appui inconditionnel, pour favoriser une propagande étrangère? Je vous ai déjà dit que, d’après notre Agent de presse même, la principale source d’informations de M. Scanziani sur les choses vaticanes était un nommé Ottino, ancien collaborateur de l’«OsservatoreRomano», chassé de ses fonctions pour indignité, d’après les paroles mêmes du Cardinal Secrétaire d’Etat, et qui a déversé sa bile dans l’organe du trop notoire Farinacci11, agent de l’Allemagne et farouche ennemi de notre Pays.
Je répète que le Cardinal m’a dit qu’en m’adressant sa lettre, à votre intention, il avait voulu marquer la réaction du Saint-Siège à l’égard des élucubrations fantaisistes de l’AgenceTélégraphique Suisse sur la base de ses dépêches de Rome. On peut donc dire désormais au dirigeant de l’Agence que le Vatican, par ses représentants les plus hauts, a pris position contre une propagande néfaste, et qu’il faut porter remède à une situation préjudiciable aux intérêts de notre Pays12.
- 1
- Lettre: E 2001 (D) 3/17. Saint-Siège.↩
- 2
- Cf. dodis.ch/47200.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- En 1918, Monseigneur L. Maglione avait été envoyé en Suisse comme Représentant officieux du Saint-Siège; en 1920, après la reprise des relations officielles entre Berne et le Vatican, il était devenu le premier nonce apostolique dans la Confédération.↩
- 5
- Du 18 février. Non reproduit.↩
- 6
- Non reproduit.↩
- 7
- Celui-ci s’était plaint de l’attitude du correspondant romain de l’A TS auprès du directeur de l’agence, R. Lüdi. Cf. sa notice, datée du 2 février 1941. Non reproduit.↩
- 9
- Pilet-Golaz a ajouté dans la marge: A?; voulant rappeler le risque de confusion avec la loge maçonnique du même nom.↩
- 11
- Le Regime Fascista de Crémone.↩
- 12
- Le 18 mars, le Département politique répond ce qui suit au Ministre Ruegger: Vous savez combien nous déplorons les incartades de M. Scanziani et l’effet qu’elles ont produit au Vatican. Nous partageons votre avis qu’il importe de les empêcher de se renouveler et nous ferons tout ce qui dépendra de nous pour y arriver. Nous devons constater, cependant, que, depuis l’entrevue que M. le Conseiller fédéral Etter a eue à ce sujet avec M. Lüdi, l’Agence télégraphique a tenu sa promesse de soumettre à un contrôle spécial les nouvelles de son correspondant de Rome relatives au Saint-Siège et qu’il n’a rien été publié en Suisse dont la Secrétairerie d’Etat aurait eu à se plaindre. Il nous paraît dès lors difficile d’insister pour que soient prises des mesures plus sévères que celles qui nous ont été promises et qui se sont montrées jusqu’ici efficaces. Si un nouvel incident venait à surgir, nous serions en posture d’exiger que M. Scanziani soit éloigné de Rome et nous ne manquerions pas de le faire, mais nous croyons pouvoir espérer que les choses n’en viendront pas à ce point. Malgré la difficulté que nous avons à nous entendre, sur bien des points, avec la Direction de l’Agencetélégraphique suisse, nous avons, en effet, l’impression que notre point de vue au sujet de l’activité de M. Scanziani est enfin partagé par M. Lüdi lui-même (E 2001 (D) 3/17).↩
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