Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
A. AVEC LES ÉTATS LIMITROPHES
1. Allemagne
1.1. Affaires politiques et militaires
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 13, doc. 240
volume linkBern 1991
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E1001#1000/6#72* | |
Old classification | CH-BAR E 1001(-)1000/6 72 | |
Dossier title | Anträge des Eidg. Politischen Departementes Januar - Mai 1940 (1940–1940) | |
File reference archive | 1.2 |
dodis.ch/46997
RÉSUMÉ D’ENTRETIEN PERSONNEL DE M. ET Mme H. VALLOTTON AVEC M. LE SECRÉTAIRE D’ÉTAT BARON VON WEIZSÄCKER, À BERLIN, À L’AUSWÄRTIGES AMT, LE 12 FÉVRIER 1940.
Note préliminaire.
M. et Mme Vallotton sont en relations personnelles avec M. le Baron de Weizsäcker, qui est très lié avec le frère de Madame Vallotton. De passage à Berlin, M. et Mme Vallotton lui ont rendu une visite personnelle, pour lui exprimer leur vive sympathie à l’occasion du décès de son fils, jeune officier tombé en Pologne le premier jour de la campagne.
Cet entretien à bâtons rompus a touché certains points importants que M. Vallotton a considéré comme de son devoir de consigner d’une manière aussi exacte que possible à l’intention du Conseil fédéral et du Général. Ce, à titre confidentiel.
- M. de W. exprime son chagrin du décès de M. Motta, doyen des Ministres des Affaires Etrangères. Il regrette une fois de plus que la presse suisse se mêle constamment des affaires de l’Allemagne pour lui donner du «Lektionen». Il a lu avec plaisir l’appel du Général Guisan sur la réserve à observer (cet appel est reproduit dans un grand journal allemand que M. de W. avait sur sa table).
- Me Vallotton rappelle que la presse suisse est absolument indépendante, qu’elle ne se fait pas défaut de critiquer vertement les membres du Gouvernement eux-mêmes, les partis, les hommes politiques.
- M. de W.: Oui, mais ce sont là choses d’ordre intérieur. Les attaques contre l’Allemagne sont d’ordre extérieur. Pourquoi le faire? Pourquoi ne pas les laisser de côté? L’Allemagne n’a pourtant aucune intention désagréable à l’égard de la Suisse.
- Me V.: Je n’en ai jamais douté. Mais je suis heureux de vous l’entendre dire.
- M. de W.: Y a-t-il vraiment en Suisse des personnes qui croient que l’Allemagne veut attaquer votre pays?
- Me Vallotton: Je manquerais à la franchise que je dois à Votre Excellence si je le niais. L’inquiétude s’est manifestée parfois dans certains milieux en Suisse que, suivant les éventualités, l’armée ne cherche à effectuer un mouvement tournant par la Suisse.
- M. de W. (qui sourit): Mais cela n’existe pas! Nous avons plusieurs raisons sérieuses pour laisser intacte la Suisse. Raisons économiques. Raisons militaires aussi. Je ne suis pas un soldat mais l’armée m’a toujours dit que l’Allemagne avait un intérêt manifeste à ce que l’armée suisse prolonge notre aile gauche. Et pourquoi passer par la Suisse? Votre armée est solide, nous le savons. Pour tourner la France de ce côté? Mais nous savons que ce n’est pas possible. Et il y a aussi des raisons d’ordre politique: l’Allemagne a tout intérêt à ce que les Etats neutres restent neutres partout où cela est possible.
- Me V.: Je suis très heureux de vous entendre. M’autorisez-vous, Excellence, à rapporter cet entretien?
- M. de W.: Oui, certainement, dans des conversations, car j’ai exprimé non seulement ma conviction, mais l’opinion de mon Chef d’Etat qui est très nette à ce sujet. Mais que votre presse ne complique pas ma tâche, alors que je ne souhaite que d’excellentes relations entre nos deux pays!
- Me V.: La Börsenzeitung s’occupe ces jours derniers de feuilles de choux qui paraissent en Suisse et dont je ne connais même pas le titre! Il est regrettable par ailleurs que les cartes vendues en Allemagne persistent à parler de régions allemandes, de régions françaises ou italiennes de la Suisse. Car il n’y a qu’une seule Suisse, que des Suisses et non pas des Suisses divisés en Suisses français, Suisses allemands, Suisses italiens.
- M. de W.: Mais les Suisses français marcheraient-ils contre la France?
- Me V.: Sans aucun doute, si, contre toute attente, la France songeait à envahir le pays.
- M. de W.: Permettez-moi de marquer ma surprise à ce sujet. Je ne l’aurais pas cru.
- Me V.: J’affirme de la manière la plus catégorique que cela est exact. Je l’affirme comme officier. Notre ennemi serait notre agresseur, quel qu’il soit. Et nous nous battrons contre lui jusqu’au bout. Ce n’est pas là une opinion personnelle que j’exprime. C’est l’opinion et la volonté de tous mes camarades, du premier officier au dernier soldat.
(M. de W. paraît attacher à ce passage de notre entretien une importance très particulière et ne le cache d’ailleurs pas.)
L’entretien fut très cordial et détendu. Je pense que la Suisse a, en la personnalité considérable de M. de W., un précieux ami.
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