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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 13, doc. 95
volume linkBern 1991
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1558#5* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1558 1 | |
Dossier title | Beziehungen mit Russland, Verschiedenes (1938–1939) | |
File reference archive | B.15 • Additional component: Russland: Anerkennung Sowjet-Russlands |
dodis.ch/46852
REPRISE DES RELATIONS DIPLOMATIQUES AVEC LA RUSSIE2
I. Aspect économique3.
En 1919, puis, à la suite de l’affaire Vorovsky, en 1923, la Suisse et l’U.R.S.S. ont pris l’une contre l’autre des mesures de boycott économique, mais ces mesures ont été rapportées en application de la déclaration commune du Ministre de Suisse et de l’Ambassadeur de l’U.R.S.S. à Berlin. Depuis douze ans, les relations commerciales ont donc été rétablies entre les deux Etats. Bien que basées sur le système des compensations ou le monopole du commerce extérieur en U.R.S.S., elles se soldent chaque année par une balance commerciale fortement active en faveur de PU.R.S.S..
[...]4
Les échanges entre les deux pays pourraient-ils être fortement activés par une reprise des relations diplomatiques? Les experts répondent négativement, car les échanges commerciaux ne sont pas affaire de bon vouloir réciproque, mais de besoins économiques. Une mission diplomatique - ou même commerciale - ne saurait influencer la capacité d’absorption d’un Etat. Or la capacité d’absorption de la Russie est très faible: malgré ses 166 millions d’habitants, le total de ses importations n’atteint pas la moitié des importations totales de la Suisse.
Importations suisses en 1937: Fr.s. 2238 500000.–
Importations russes en 1937: Fr.s. 1099 829100.–
(Rouble à 0,82 - 1 341 255 000).
En 1937, à l’apogée du «Front populaire», la France, alliée de l’U.R.S.S., lui a vendu pour R. 28,3 millions de marchandises, soit Fr.s. 22,2 millions (à la Suisse: 245,3 millions).
Ces chiffres montrent que, même si l’établissement de relations politiques meilleures avec l’U.R.S.S. favorise dans une certaine mesure les échanges commerciaux entre les deux pays, cela ne peut être dans une proportion susceptible d’influer sérieusement sur le volume de nos exportations (en 1937: 1286,1 million). Ils permettent de juger la valeur du sophisme politique qui tend à représenter la reprise de relations diplomatiques avec l’U.R.S.S. comme un moyen efficace de mettre fin au chômage.
II. Aspect politique.
La révolution de 1917 et le régime bolchéviste en Russie ont coûté fort cher à la Suisse. Les dommages enregistrés par la «Secrusse», auxquels le Conseil fédéral s’est engagé à songer lorsqu’il envisagerait de reprendre des relations normales avec la Russie, atteignent près d’un milliard et demi de francs suisses (1 476700000), auxquels s’ajoutent Fr.s. 3,5 millions d’avances consenties par la Confédération pour venir en aide aux victimes suisses de la révolution. Six mille compatriotes ont dû être rapatriés. Il en reste encore un millier en Russie (dont 560 doubles nationaux), 250 d’entre eux ne subsistent que grâce aux secours que nous leur envoyons. Comme aucun Etat n’a jamais pu obtenir la moindre indemnité de la Russie pour les pertes de révolution, tout espoir de les récupérer, en si faible partie que ce soit, doit aujourd’hui être abandonné.
Ce ne sont d’ailleurs pas ces pertes, si lourdes soient-elles, ni même les actes contraires au droit des gens commis à notre préjudice, tels que le pillage de notre Légation à Pétrograd et l’assassinat de notre chancelier, qui ont causé la rupture entre la Suisse et l’U.R.S.S.. Cette rupture a pour cause l’activité révolutionnaire déployée, au moment de la grève générale de 1918, par les agents diplomatiques, non officiellement reconnus, mais bénéficiant néanmoins des immunités accordées aux représentants étrangers, que le Gouvernement de 1’U.R.S.S. avait envoyés à Berne pour y négocier l’établissement de relations normales entre les deux Etats.
La Suisse désire entretenir des relations amicales avec tous les pays. Sa politique de stricte neutralité le lui recommande. S’il est manifestement exagéré de dire, comme l’a fait M. Humbert-Droz dans sa question du 24 mars5, que «le refus de rétablir avec l’Union soviétique des relations diplomatiques normales enlève à notre politique extérieure son caractère de stricte neutralité», il n’est pas contestable qu’il y aurait avantage à pouvoir mettre de côté un différend qui date de vingt ans. Pour pouvoir le faire, il faudrait, pourtant, que les motifs de la rupture de 1918 appartiennent vraiment au passé et qu’il y eût quelque certitude que le Gouvernement soviétique ne cherchera plus à intervenir dans notre politique intérieure par les méthodes qui ont obligé le Conseil fédéral à expulser la mission Bersine. Cette certitude est malheureusement loin d’exister.
Le congrès tenu, ce printemps, à Moscou par le parti communiste russe a démontré à nouveau les étroits rapports existant entre le Gouvernement soviétique et la IIIe Internationale. Il y a été affirmé que PU.R.S.S. ne renonçait nullement à poursuivre ses plans de révolution mondiale. Son action sur le parti communiste suisse n’est pas contestable. Il n’a donc pas cesse d’intervenir dans notre politique intérieure. L’assassinat sur notre territoire d’un agent bolchéviste par la Guépéou date de 19376. L’affaire vient à peine de se terminer par la condamnation de comparses. Est-ce réellement le moment d’admettre au bénéfice des immunités diplomatiques des agents soviétiques qui ne pourraient, sans renier le programme de leur Gouvernement, rester complètement à l’écart d’agissements contre lesquels nous devons lutter? Une réconciliation faite dans ces conditions ne porte-t-elle pas en elle-même le germe d’une nouvelle rupture, qui aurait des inconvénients beaucoup plus graves que le statu quo?
Si la présence d’une mission diplomatique soviétique à Berne n’aurait, en pratique, que des inconvénients pour la Suisse, l’envoi d’une mission diplomatique suisse à Moscou n’aurait guère d’utilité. Les intérêts qu’elle aurait à défendre seraient extrêmement restreints. Elle n’y réussirait même pas, car la situation faite au corps diplomatique en Russie ne lui concède que fort peu de moyens et d’information. L’échange de Légation entre Berne et Moscou n’aurait, en définitive, pour nous que la valeur d’un geste consacrant la réconciliation. Ce serait, à tous points de vue, un geste extrêmement coûteux.
Un tel geste prêterait, en outre, en Allemagne et en Italie, à de fausses interprétations. Au moment où la France et la Grande-Bretagne concluent une alliance défensive avec l’U.R.S.S., il serait extrêmement difficile de persuader nos voisins que la reprise des relations diplomatiques entre la Suisse et l’U.R.S.S. n’a aucun lien avec la politique des grandes Puissances et ferait naître des doutes sur notre volonté inébranlable de neutralité. En Suisse même, quelques fanatiques n’en seraient pas fâchés. Les journaux de M. Nicole, d’ailleurs parfaitement conséquent avec lui-même, le montrent clairement. Mais la position qu’ils prennent - et qui n’échappe pas à l’étranger - accentue le risque d’une interprétation inexacte et dangereuse d’une liquidation du différend russo-suisse. A cet égard déjà, la sagesse commande de remettre cette liquidation à un moment plus favorable.
La question de savoir si cette liquidation pourrait être préparée est assez délicate. En matière de réconciliation, les demi-mesures ne sont guère à recommander; elles peuvent faire plus de mal que de bien. Si l’on n’est pas décidé à aller jusqu’au bout, mieux vaut rester sur la réserve. Cela n’empêche pas de chercher à éliminer toute tension. A cet égard, le nécessaire a été fait de part et d’autre. Dans l’ordre économique, des délégations commerciales suisses et soviétiques se rencontrent chaque fois que cela est nécessaire. Dans l’ordre diplomatique, nos agents ont pour instructions de ne pas faire grise mine à leurs collègues soviétiques: sans les rechercher, ils ont avec eux des relations correctes. Sur le terrain de la Société des Nations, nous réglons avec obligeance tout ce qui concerne la venue et le séjour en Suisse des délégués de PU.R.S.S.. Aucun heurt ne s’est jamais produit. Du côté soviétique, l’attitude relativement conciliante et les paroles aimables de M. Litvinoff dans l’affaire de la neutralité suisse marquent la même volonté de ne pas aggraver la tension. Il est clair que, sauf incident, nous continuerons dans cette voie. Elle conduit plus sûrement au but que celle qui consiste à ameuter périodiquement l’opinion au sujet des relations entre la Suisse et PU.R.S.S..
Une étape pourrait être marquée par l’établissement de communications directes entre le Département politique et le Commissariat des Affaires étrangères à Moscou, chaque fois que cela est nécessaire et notamment pour ce qui concerne la gestion des conventions collectives auxquelles la Suisse et l’U.R.S.S. participent. Ces communications directes seraient une simplification et n’auraient aucun inconvénient pratique. Pour éviter une possible rebuffade et des interprétations tendancieuses, il serait préférable de présenter cette méthode plus normale comme une simplification plutôt que comme une étape vers la reprise des relations diplomatiques.
- 1
- Rapport politique (Copie): E 2001 (D) 9/1. Paraphe: RURU.↩
- 2
- Le 17 mai, la Fédération suisse des ouvriers sur métaux et horlogers avait soumis à l’approbation du Département de l’Economie publique, avant publication, un texte du professeur Fritz Marbach intitulé Der Handel der Schweiz mit Russland: Bericht über das handelspolitische Verhältnis zu Russland und über die handelspolitische Bedeutung der de jure Anerkennung der USSR. Le 2 juin, le Secrétaire général du DEP, E. Péquignot, présenta au Chef du Département un rapport par lequel, sans s’opposer à cette publication, il suggérait plusieurs modifications (E 7800 1/33).↩
- 3
- Cf. No 53.↩
- 4
- Für die Tabelle vgl. dodis.ch/46852. Pour le tableau, cf. dodis.ch/46852. For the table, cf. dodis.ch/46852. Per la tabella, cf. dodis.ch/46852.↩
- 5
- Cf. E 1001 1/ EPD 1.1 - 30.VI 1939, E 1004.1 1/384, No839 et E 2001 (D) 9/1.Cf. aussi No 74, note 3.↩
- 6
- Ignace Reiss, agent de l'Internationale communiste rallié au mouvement dirigé par LéonTrotsky, a été assassiné à Chamblandes (commune de Pully). Cf. l’annexe au No 126 ainsi que E 2001 (D) 1/20 et E 2001 (D) 3/36.↩
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Russia (Economy) Resumption of diplomatic Relations with the USSR (1946)