Classement thématique série 1848–1945:
V. AFFAIRES MILITAIRES ET FAITS DE GUERRE
2. Mouvements et menaces sur les frontières, faits de guerre au sol
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 13, doc. 51
volume linkBern 1991
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E27#1000/721#13268* | |
Old classification | CH-BAR E 27(-)1000/721 2697 | |
Dossier title | Mobilmachungsmassnahmen im März 1939 [Deutscher Einmarsch in Böhmen und Mähren] (1939–1939) | |
File reference archive | 06.H.1 |
dodis.ch/46808
COMMUNICATION DE L’ATTACHÉ MILITAIRE FRANÇAIS
1) Le mercredi 22 mars, à 21 heures 45, alors que je me trouvais à mon bureau, je reçois un coup de téléphone du commandant Siméon, attaché militaire près l’ambassade de France à Berne, lequel me dit avoir une communication urgente à me faire. Je lui réponds que je suis prêt à la recevoir et le prie de passer sans retard à mon bureau.
2) A 22 heures, le commandant Siméon me transmet les deux communications suivantes qu’il me dit avoir reçues de l’Etat-major français par télégramme chiffré:
a) Devant l’inquiétude provoquée en Suisse par l’éventualité d’une violation ou d’une attaque du territoire helvétique de la part de l’Allemagne, l’ambassadeur de France a posé à Paris la question de l’attitude que la France adopterait au cas où la Suisse serait entraînée dans un conflit armé avec l’Allemagne. A cet effet, un agent de liaison de l’ambassade de France fut dépêché, le 19 au soir, à Paris.
Le Gouvernement français a répondu qu’il ne pouvait que confirmer la teneur des traités en vigueur, qui garantissent par un appui militaire la neutralité suisse. En cas d’agression de la Suisse ou de violation de la neutralité, même sous la forme d’une prise de gages, l’Armée française se trouverait immédiatement engagée2.
L’ambassadeur de France devant se rendre à Genève le jeudi 23.3.39 désire faire cette déclaration avant son départ. Il la confirmera officiellement à son retour à Berne au Département politique fédéral3.
L’attaché militaire française précise que la note ci-dessus n’a pas de caractère confidentiel ou secret. Le Gouvernement français compte naturellement que la Suisse, ce qui ne fait du reste aucun doute, sera la première à s’opposer par les armes à toute atteinte à sa neutralité. Monsieur Stucki, ministre de Suisse à Paris, aurait déjà fait une démarche dans le même sens à Paris et aurait reçu du Gouvernement français les assurances rappelées ci-dessus4.
b) Le commandant Siméon me remet le texte d’un message chiffré qu’il vient de recevoir de l’Etat-major français et dont la teneur est la suivante:
«Prière de me faire savoir de toute urgence si les ponts du Rhin sont en ce moment gardés par l’armée helvétique à Bâle».
3) Je réponds:
a) En ce qui concerne le message relatif à l’appui militaire de la France, que je le communiquerai jeudi matin à mon chef.
b) En ce qui concerne la demande de renseignements sur l’état de notre préparation dans la région frontière de Bâle: que notre conception de la neutralité et les devoirs que cette dernière nous impose, je ne suis pas en mesure de donner à un officier étranger des précisions qui relèvent de notre couverture-frontière. J’ajoute cependant qu’il est de notoriété publique que nos ponts sont surveillés à la fois par nos organes de douanes et des éléments de nos compagnies volontaires, ce que tout le monde connaît.
Le commandant Siméon me rend attentif au fait qu’il n’a jamais reçu de Paris une demande par t[élé]g[ramme et que ce message insolite pourrait refléter une situation critique à nos frontières du nord.
Je lui demande alors s’il croit que le t[élé]g[ramme de Paris a sa source dans le désir de l’Etat-major français d’être informé à titre documentaire (j’avais fait suivre aujourd’hui par mon S[ervice de] R/enseignements] une reconnaissance du Général Gamelin avec son état-major dans la région de St. Hippolyte) ou si cette demande était inspirée par la crainte d’un événement grave sur notre frontière nord.
Le commandant Siméon me dit qu’il n’est pas en mesure de préciser, que ma question lui paraît importante et qu’il va demander immédiatement des précisions à Paris. Je lui dis que, bien entendu, une telle démarche relève de sa seule initiative et qu’il ne m’appartient pas de provoquer des explications de ce genre.
Le commandant Siméon me quitte à 23 heures.
Resté seul dans mon bureau, je relis le t[élé]g[ramme de Paris, qui me laisse quelque peu perplexe, bien que mes fonctions m’aient habitué à recevoir sans émotions des nouvelles aussi sensationnelles.
Je me mets en communication téléphonique avec le colonel Hafner, lui dis en deux mots de quoi il s’agit et lui demande si notre frontière nord en général et les ponts en particulier sont gardés ou surveillés par des éléments de nos compagnies volontaires. Il me répond que nous avons le long de notre frontière un service de patrouilles et que les ponts sont surveillés.
Je me demande ensuite si je veux avertir le chef du Service de l’Etat-major général. Ce serait une manière de dégager ma responsabilité, quoi qu’il arrive. Cependant, me rendant compte que le télégramme de Paris ne contient aucun élément ne justifiant une décision de la part de mon chef, qu’en outre ce dernier ne peut pas réagir sur la base d’un renseignement d’un état-major étranger avec lequel nous ne sommes pas en état de collaboration, je décide de conserver le secret de cette affaire, me réservant d’en informer le chef [de V] E[tat]M[ajor]G[énéral jeudi matin 23 mars, à la première heure. Je décide en outre de passer la nuit à mon bureau pour être prêt à la moindre alerte.
Entre 0200 et 0300, je prends contact avec le commandement des gardesfrontières de Bâle, que je prie de se mettre en liaison avec tous les postes de douanes du secteur pour avoir la confirmation que rien d’anormal se passe à notre frontière.
A 0400, la direction des douanes de Bâleme téléphone qu’elle a eu la liaison avec tous ses postes et que tout est normal.
A 0420, téléphoné à la direction des douanes de Schaffhouse; donné même instruction qu’à Bâle.
A 0515, Schaffhouserend compte que tout est calme dans son secteur.
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