Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 409
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#484* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 231 | |
Dossier title | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 32 (1938–1938) |
dodis.ch/46669
La séance de la Chambre des Communes, dont vous connaîtrez, au moment de recevoir ce rapport, tous les détails par la presse, a en effet été un événement unique depuis le 3 août 1914. Je me dispenserai de vous décrire le spectacle émotionnant qu’elle offrait.
Il faut cependant relever certains points qui sont spécialement importants.
1. Alors que Mr. Chamberlain reçut, en entrant à la Chambre, une ovation non seulement du parti gouvernemental mais aussi, ce qui est tout à fait inusité, des galeries publiques, l’Opposition s’est tenue ostensiblement à l’écart. Elle a gardé cette attitude pendant toute la durée de la déclaration, jusqu’au moment où le Premier Ministre a annoncé le revirement qui s’était produit dans la situation entre une heure de la nuit précédente et le moment de son discours, revirement dû à son initiative personnelle.
Ainsi, on a dû constater que malgré la gravité de l’heure, il n’existait pas d’effort de la part de tous les partis pour créer un aspect d’unité nationale. Au contraire, cette rentrée du Parlement restait sous le signe des deux partis en opposition, gouvernemental et antigouvernemental, comme en temps ordinaire.
2. Mr. Chamberlain, en parlant toujours avec beaucoup de précision, montrait des signes de fatigue, ce qui n’est pas étonnant; par moment, on pouvait même remarquer de l’émotion.
Le tempérament des politiciens responsables britanniques, et Mr. Chamberlain en est le prototype, est l’opposé du tempérament du Führer. Mr. Chamberlain se garde d’insister sur ses propres mérites et il est dès lors enclin à rester plutôt au-dessous de la ligne pour être certain de ne pas la dépasser. On peut donc prendre au pied de la lettre tout ce qu’il a dit et en conclure tout d’abord qu’il a parlé par moment à M. Hitler, tant à Berchtesgaden qu’à Godesberg, sur un ton que celui-ci n’avait certainement entendu de personne jusqu’ici, Mr. Chamberlain nous a fait comprendre que lorsqu’il usa de termes spécialement forts, l’entretien était devenu étonnamment amical.
3. Ce qui est intéressant pour nous autres Suisses, c’est le passage où Mr. Chamberlain relate la partie de l’entrevue où il est resté en tête à tête avec M. Hitler avant de partir de Godesberg: «Il me répéta avec une sérieuse franchise ce qu’il avait déjà dit à Berchtesgaden, notamment que ceci (Tchécoslovaquie) était sa dernière ambition territoriale en Europe et qu’il n’avait aucun désir d’inclure dans le Reich des populations d’autres races que de la race allemande».
Bien que cette deuxième partie de la phrase ne soit pas faite pour nous rassurer spécialement, il est néanmoins réconfortant de savoir que la présente ambition territoriale est la dernière en Europe. Nous pouvons être reconnaissants à Mr. Chamberlain d’avoir proclamer cette constatation devant le Parlement britannique et d’avoir ainsi cloué M. Hitler à ses propres paroles à ce sujet; car nous savons que par le passé le Führer a fait toute une série de déclarations soi-disant définitives, sur lesquelles il est revenu après prétextant un changement de situation (entre autres l’Autriche).
4. D’après comme les choses se présentent maintenant, le sentiment général, hier matin et même encore pendant que Mr. Chamberlain parlait, était que nous étions à quelques heures de la guerre générale et il n’a pas été exagéré. Mr. Chamberlain lui-même a été franchement pessimiste dans son court discours radiodiffusé, mardi soir à huit heures et ce n’est que grâce à sa ténacité pendant la nuit et jusqu’au matin du 28 que la situation a été sauvée. La réponse de Sig. Mussolini n’est arrivée qu’à la fin du discours, juste à temps pour permettre au Premier Ministre d’annoncer en terminant qu’une fois encore la catastrophe était évitée.
5. Ayant été témoin de l’émotion, je dois dire qu’il est impossible d’imaginer une session parlementaire plus dramatique. A l’ouverture des débats tout le monde était évidemment convaincu qu’en sortant de la Chambre vers la fin de l’après-midi la guerre aurait commencé. La dépression générale était ostensible même sur les bancs du Gouvernement et chez Mr. Chamberlain lui-même, car il ne savait pas encore ce qu’il résulterait de son dernier effort. A la fin du débat, en un instant, l’atmosphère changea complètement et en sortant du Parlement le revirement de l’aspect semblait déjà s’être communiqué à la foule.
6. Pendant que Mr. Chamberlain parlait, les travaux de mise en défense de la métropole contre les attaques aériennes continuent fiévreusement, placement de canons dans les parcs, construction de tranchées dans les squares, etc. Encore aujourd’hui on travaille dans le square en face de la Légation. L’exode de la ville vers la campagne et des étrangers vers le Continent a continué pendant toute la journée d’hier avec une pression qui embarrassait les administrations des chemins de fer.
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Sudeten Crisis and Munich Agreement (1938)