Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.1 LE RETOUR DE LA SUISSE À LA NEUTRALITÉ INTÉGRALE
Également: Texte de l’aide-mémoire britannique répondant au mémorandum sur la neutralité de la Suisse au sein de la SdN. Annexe de 5.5.1938, dodis.ch/53805
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 287
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1554#7* | |
Dossier title | Mémorandum sur la neutralité de la Suisse au sein de la S.d.N. (1938–1938) | |
File reference archive | E.12.20.a |
dodis.ch/46547
Pour faire suite à ma conversation téléphonique de cet après-midi2 avec le Département politique, j’ai l’honneur de vous faire parvenir sous ce pli, le texte de l’aide-mémoire que Lord Halifax m’a remis tout à l’heure lors de notre entretien au Foreign Office.
En ce moment même me parvient par express votre lettre du 4 mai3 par laquelle vous avez l’obligeance de me communiquer le rapport du 3 mai4 de mon collègue de Paris.
La question de l’existence ou de la non-existence d’un projet britannique de résolution s’explique, à mon avis, de la façon suivante:
Le document dont le Ministre Arnal a donné connaissance à mon collègue et qu’il appelait le projet britannique de résolution, n’est certainement pas autre chose que le texte de l’aide-mémoire qui m’a été remis par Lord Halifax. En effet, Lord Halifax lui-même m’a assuré qu’il n’existait pas de projet de résolution, ne serait-ce que pour la raison que le Foreign Office voudrait tenir compte de l’aversion qu’a le Conseil de la Société des Nations pour cette façon de lui apporter des résolutions au moment de l’ouverture de la session ou peu de temps avant, en lui demandant d’acquiescer. Les projets de texte doivent être faits suivant les instructions du Conseil lorsqu’il aura pu discuter l’affaire en question. Il se peut qu’il donnera cette instruction à la délégation britannique qui rédigera alors son texte, et ceci sur la base des arguments expliqués dans l’aide-mémoire ci-annexé.
Le soi-disant désaccord entre Londres et Paris ne consiste certainement que dans le malentendu de M. Arnal qui a appelé «résolution» ce qui était vraiment l’aide-mémoire.
Ainsi que je le disais dans ma lettre du 2 mai5, la discussion, au cours de l’entrevue anglo-française, au sujet de la neutralité de la Suisse, n’aurait pris que quelques instants. Il est donc à supposer que chacune des parties apportait un projet de réponse au mémorandum du Conseil fédéral qui était rédigé par les deux Ministères d’un commun accord. Puis, pendant les quelques instants de discussion, il a probablement été décidé que le Foreign Office me remettrait une réponse de la teneur convenue. Je ne sais pas si de son côté le Quai d’Orsay a remis par écrit un aide-mémoire correspondant à mon collègue6, ou si celui-ci a simplement été informé verbalement par le Gouvernement français. Dans ce dernier cas, on aurait laissé au Foreign Office le soin de nous fixer de façon plus précise sur les intentions des deux Gouvernements.
Pour vous rassurer, j’ajoute qu’au cours de ma conversation avec Lord Halifax (et vis-à-vis du Foreign Office en général), je n’ai naturellement pas dit un mot de ce que vous êtes déjà renseigné, par l’intermédiaire de votre Légation en France, du contenu du document anglais. En effet, on aurait été surpris ici de s’apercevoir que le Ministère français donnait connaissance d’un document du Foreign Office, avant même que ce document ne soit parvenu à sa destination. Le retard de la remise s’explique par le désir de Lord Halifax de me le communiquer personnellement.
De votre lettre du 4 mai, je vois que le chiffre 2 du rapport de M. le Ministre Stucki éveille en vous des inquiétudes. J’ai relevé ce point après que Lord Halifax m’eut lu l’aide-mémoire. Je lui ai dit notamment que les deux passages:
«In these circumstances His Majesty’s Government are, for their part, ready to recognise the complete neutrality of Switzerland as being compatible with her membership of the League, on the understanding that Switzerland, for her part, will not by reason of her special position seek to place obstacles in the way of any collective measures which the members of the League may in the future agree to take in pursuance of their obligations under the Covenant. » et:
«His Majesty’s Government understand from this statement that the Swiss Government will always be ready to facilitate the functioning of the League of Nations and its constituent bodies on Swiss territory. »
passages qui parlent des effets que pourrait avoir le retour à la neutralité intégrale sur le fonctionnement et le siège des organes de la S.d.N., demandent encore à être éclaircis. J’ai relevé qu’il ne faudra pas prévoir de notre part, en cas de mesures belliqueuses, un consentement à des actions collectives sur territoire suisse ou quelque chose de cette nature, sur quoi Lord Halifax m’a répondu qu’il n’interprétait pas lesdites clauses dans un sens pareil, mais comprenait seulement que les autres Etats membres ne seront pas empêchés de prendre les mesures qu’ils jugeront nécessaires7.
J’ai dit à ce propos que M. Motta se mettra personnellement en rapport avec lui à Genève et se fera un plaisir d’arranger une entrevue préalable à la discussion au sein du Conseil. Mon interlocuteur, de son côté, se réjouit de s’entretenir avec vous.
Le Secrétaire d’Etat, au cours de notre conversation, a souligné deux points surtout:
1° que la Grande-Bretagne constate expressément la position exceptionnelle et toute spéciale de la Suisse comme Etat neutre, ceci pour empêcher les autres Etats membres d’invoquer la concession faite à la Suisse comme précédent applicable à d’autres Etats.
2° que la Grande-Bretagne agit et agira à Genève, dans cette affaire, en accord pleinement raisonné avec la France.
Je voudrais encore revenir sur votre dépêche du 2 mai où vous voulez bien exprimer votre opinion au sujet des commentaires de la presse anglaise et de la suggestion de Sir George Warner de rectifier certaines erreurs. Je suis heureux de voir que vous partagez mon avis tendant à m’abstenir actuellement d’une rectification. Je ne voudrais toutefois pas manquer de mentionner que je n’ai, quant à moi, nullement l’impression qu’il existe à Londres, dans les milieux du journalisme, de la mauvaise volonté à l’égard de notre pays et de notre Gouvernement. J’espère que ce n’est pas moi qui ait fait naître cette impression par des observations faites dans mes dépêches, car, à l’exception peut-être de l’éternel Mr. Dell, je ne saurais indiquer des correspondants auxquels je voudrais prêter des intentions de ce genre. En revanche, en ce qui concerne l’ignorance de l’histoire, de la politique et de la situation spéciale de notre pays, on la trouve en effet plus souvent qu’il ne serait désirable.
Dans cet ordre d’idées, j’aimerais également relever que je ne prête décidément pas au Foreign Office, dans toute cette affaire, une intention quelconque de nous causer des difficultés ou de vouloir nous cacher quelque chose pour nous surprendre ensuite à Genève. C’est pour cette raison que j’ai tenu, au commencement de cette dépêche, à vous dire comment, selon moi, le mystère de la «résolution» s’explique. Il me semblait au contraire, pendant mes conversations, que bien qu’au Foreign Office le retour à la neutralité intégrale ait quelque peu déconcerté au début, le problème a, par la suite, été étudié avec bienveillance et on était sans aucun doute prêt à nous aider.
Je dirai d’emblée que les deux conditions mentionnées plus haut se basent sur un accord franco-britannique et ne doivent pas être interprétées comme difficulté venant du Foreign Office individuellement. Elles sont d’ailleurs tout à fait compréhensibles, autant qu’il est compréhensible aussi que, de notre part, nous voulons être clairement fixés sur leur portée.
- 1
- Lettre: E 2001 (D) 4/1. Neutralité.↩
- 2
- Ce téléphone orientait le Département politique sur le contenu de l’aide-mémoire britannique, reproduit en annexe.↩
- 3
- Cf. No 284.↩
- 4
- Cf. No 281.↩
- 5
- Cf. No 269, note 3 et E 2200 London 53/1.↩
- 6
- Dans les papiers de la Légation de Suisse à Paris, on trouve seulement une copie de l’aidemémoire anglais.↩
- 7
- A ce sujet, il existe également une notice de Ch. V. Jenner, annexée à la lettre de Paravicini, concernant un entretien avec de Margerie, Secrétaire à l’Ambassade de France à Londres, disant: Margerie sagt, dass die Befürchtungen, die man in Bern bezüglich der Genfer Klausel im Neutralitätsmemorandum hegt, keineswegs gerechtfertigt seien. Es handle sich bei dieser Klausel und bei derjenigen über die Massnahmen des Völkerbundes mehr um eine Sicherung gegenüber den Gelüsten anderer Staaten, sich die Neutralitätsstellung der Schweiz anzueignen. Natürlich dürfte der natürliche Gang der Genfer Geschäfte auch nicht gehemmt werden so z. B. eben, dass es nicht im Belieben der schweizerischen Regierung liege, gewissen Delegierten des Völkerbundes aus Neutralitätsgründen die Reise nach Genf zu verwehren, etc.↩
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