Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.1 LE RETOUR DE LA SUISSE À LA NEUTRALITÉ INTÉGRALE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 270
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2200.41-04#1000/1681#80* | |
Dossier title | Neutralité Suisse. Tome II (1938–1938) | |
File reference archive | 1.H.2 |
dodis.ch/46530
Ainsi que M. Bonna vous l’a téléphoné le 20 avril, le résultat encourageant de la conversation que vous avez eue avec M. Massigli2 et des sondages opérés à Genève nous a amenés à demander l’inscription à l’ordre du jour provisoire du prochain Conseil de la Société des Nations de la question de la neutralité de la Suisse, bien que nous n’ayons pas encore reçu une réponse définitive de Londres à ce sujet3.
Nous avons admis, en effet, que, ainsi que M. Massigli vous l’a promis, nous pouvons compter sans réserve sur la bonne volonté de la France, que le Secrétaire général ne prendra pas l’initiative de faire surgir des questions auxquelles il nous serait difficile de répondre et que la position prise par le Gouvernement de M. Chamberlain doit nous assurer un concours bienveillant de la part de l’Angleterre. Nous avons reçu, d’autre part, des assurances spontanées au sujet d’un appui éventuel de la Suède et de la Belgique, sur lequel nous avons toujours pensé, d’ailleurs, pouvoir compter.
L’opération assez délicate que nous avons à réaliser semble donc s’ouvrir sous des auspices favorables, encore que des complications puissent surgir jusqu’à la dernière heure. Nous pouvons nous attendre à des manœuvres désagréables de la part de l’U.R.S.S., mais nous ne les redoutons pas particulièrement si le Gouvernement français reste ferme sur la position prise par M. Massigli à votre égard. La situation deviendrait, en revanche, assez difficile si un revirement devait se produire à Paris.
Il nous revient à ce propos que le Chef de Cabinet du Secrétaire général, M. Hoden, dont vous connaissez les tendances, aurait dit à un fonctionnaire suisse de la Section d’information que «Paris approuvait le projet suisse de mémorandum sous réserve des garanties nécessaires au fonctionnement de la Société des Nations». Il semblerait en résulter que, dans les milieux du Secrétariat qui ne nous sont pas favorables, on s’attend à voir la France formuler des réserves que M. Avenol lui-même paraît juger préférable de ne pas formuler.
Il nous semble, dans ces conditions, qu’il pourrait être utile que vous vous fissiez confirmer, si possible par M. Bonnet lui-même, que la France comprend la nécessité de notre attitude, se déclarera d’accord avec notre mémorandum sans formuler de réserves et ne soutiendra pas les difficultés qui pourraient être soulevées par ailleurs au sujet des «garanties nécessaires au fonctionnement de la Société des Nations».
Demander, en ce moment-ci et de façon théorique, de telles garanties serait nous obliger à déclarer, à un moment sans doute fort peu opportun, que la Société des Nations a toute liberté de travailler sur notre territoire à l’organisation de la paix, mais qu’évidemment, nous ne pourrions pas consentir à ce que des tâches en vue de la guerre fussent organisées sur notre sol. Il est clair, en effet, que, dans l’hypothèse d’une guerre contre l’un de nos voisins, l’étatmajor de l’armée adverse ne pourrait se placer sur notre territoire sans que notre neutralité fût mise en jeu. C’est le sentiment de ce qu’ont d’outré de telles hypothèses qui paraît avoir persuadé M. Avenol de l’inopportunité de les évoquer. Il serait déplorable que, par doctrinarisme, on empêchât le Conseil de la Société des Nations de régler une question qui doit être résolue si l’on veut éviter de voir se déclencher en Suisse un mouvement d’opposition à la Société des Nations dont les conséquences ne peuvent être entièrement calculées.
Nous vous serons très reconnaissants de bien vouloir nous tenir au courant de ce que vous aurez estimé pouvoir faire pour écarter ce danger.