Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.5 RADIO - NATIONS
Également: Décision du Conseil fédéral dans cette affaire. Annexe de 4.2.1939
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 264
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1554#874* | |
Dossier title | Révision des arrangements concernant la «Radio-Nation»; Actes jusqu'à la dénonciation du contrat concernant la Radio-Nation par le CF du 23.1.1939 (1938–1939) | |
File reference archive | E.413.1.1 |
dodis.ch/46524 Notice du Chef de la Section de la Société des Nations du Département politique, C. Gorgé1 NOTICE PRÉLIMINAIRE CONCERNANT LES ACCORDS AVEC LA SOCIÉTÉ DES NATIONS RELATIFS À LA STATION RADIOTÉLÉGRAPHIQUE
L’accord conclu, le 21 mai 1930, entre le Conseil fédéral et le Secrétaire général de la Société des Nations contient un article 13 ainsi conçu:
«1. Le présent accord entrera en vigueur dès sa signature; il prendra fin à l’expiration d’une période de dix ans à compter du jour où le poste de transmission à ondes courtes sera ouvert officiellement à l’exploitation.
2. Si l’accord n’est pas dénoncé deux ans avant l’expiration de cette période de dix ans, il demeurera en vigueur aussi longtemps qu’il n’aura pas été dénoncé par l’une des parties moyennant préavis de deux ans. La dénonciation ne prendra toutefois effet, dans ce cas, qu’à la fin de l’exercice financier en cours.
3. A l’expiration du présent accord, un règlement interviendra en conformité des dispositions de la convention à conclure entre le Secrétaire général et la Radio-Suisse.»
Quant à la «convention» du même jour passée entre la «Radio-Suisse» et le Secrétaire général, elle stipule, à son article 25, qu’elle «aura la même durée que l’accord conclu entre le Gouvernement suisse et le Secrétaire général au sujet de la Radio-Nations. Une dénonciation de l’accord par l’une des deux parties emportera résiliation, pour la même date, de la présente convention».
Le poste de transmission à ondes courtes a été ouvert officiellement à l’exploitation le 2 février 1932. L’accord susvisé prendrait fin, dès lors, le 2 février 1942; il pourrait être dénoncé le 2 février 1940.
L’accord n’est évidemment pas compatible, dans son économie générale, avec la neutralité intégrale à laquelle la Suisse entend revenir. On ne pourrait guère admettre, en effet, qu’en cas de crise, le Secrétaire général pût, conformément à l’article 4, faire passer la «Radio-Nations» «sous la gestion exclusive de la Société des Nations». Si le «temps de crise» ne comprenait pas le «temps de guerre», on pourrait, à la rigueur et sous certaines conditions, s’accommoder peut-être de cette situation. Mais qu’en temps de guerre, la Société des Nations dispose sur notre territoire d’une station réservée à ses besoins exclusifs, cette possibilité paraît désormais exclue. Force nous est de revenir aux principes posés par les articles 8 et 9 de la Convention de La Haye de 1907 sur les droits et les devoirs des Puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre. La Confédération ne saurait maintenir, sur son territoire, un régime de discrimination entre belligérants. Le principe de la balance égale doit être rétabli dans sa plénitude.
La «Radio-Suisse» exprime d’ailleurs le même avis dans sa lettre du 26 janvier 19382 au Département des Postes et des Chemins de fer.
L’accord du 21 mai 1930 ne prévoit pas de dénonciation anticipée. C’est compréhensible; la Société des Nations n’aurait pu faire des dépenses considérables pour la station sans avoir la garantie que l’accord serait d’une certaine durée. Un délai de dix ans n’était pas excessif. Personne n’avait, toutefois, pu prévoir que le statut de la Suisse au sein de la Société des Nations subirait, entre-temps, un changement profond. Un fait nouveau s’est produit, qui modifie toute la situation. On se trouve en présence d’un cas typique d’application de la clause «rebus sic stantibus». La Suisse n’est plus en état de se conformer aux obligations prévues par l’accord. En reconnaissant notre neutralité intégrale dans le cadre de la Société des Nations, le Conseil ne ferait que constater implicitement cette impossibilité. Dans ces conditions, le Conseil fédéral serait fondé à dénoncer, avant le terme, l’accord de 1930. Il pourrait le faire dès que notre neutralité intégrale aurait été reconnue dans le cadre de la Société des Nations. Il lui serait même loisible de le faire tout de suite, car nous nous trouvons déjà dans l’impossibilité de concéder à la Société des Nations les avantages que comporterait pour elle l’accord en temps de crise. Que le Conseil de la Société des Nations acquiesce ou n’acquiesce pas à la demande dont nous allons le saisir en ce qui concerne notre neutralité, nous sommes déjà aujourd’hui dans l’impossibilité d’admettre qu’en cas de guerre, la Société des Nations exploite, pour son propre compte, une station radiotélégraphique sur notre territoire.
Les inconvénients d’une dénonciation précipitée sautent cependant aux yeux. Politiquement, nous ferons mieux de ne pas brusquer la Société des Nations, d’autant plus que l’éventualité d’une exploitation de la station par la Société des Nations est actuellement toute théorique. L’accord existe, mais il n’est pas de nature, pratiquement, à porter atteinte à notre neutralité. Nous pourrons donc nous accorder quelque délai avant de dénoncer.
Il y aurait cependant intérêt à créer - et c’est aussi l’avis de la «Radio-Suisse» - une situation nette aussitôt que possible. Nous pourrions faire valoir notre droit à une dénonciation anticipée dès que la question de notre neutralité aura été réglée, à moins - ce qui est fort possible - que la question ne soit posée tout de suite au Conseil. Dans cette dernière hypothèse, nous ne pourrions que déclarer de la façon la plus formelle l’impossibilité où nous nous trouverions d’assumer plus longtemps les obligations découlant de l’accord de 1930.
Notre dénonciation anticipée serait évidemment soumise, de toute façon, au Conseil, le Secrétaire général n’ayant guère, à notre avis, la compétence de l’accepter de son propre chef. A ce moment, la question se poserait de savoir si et dans quelle mesure nous pourrions envisager un nouveau régime permettant à la «Radio-Suisse», en temps normal, mais en temps normal seulement, de continuer sa collaboration avec la Société des Nations dans la station érigée à frais communs. Un accord de ce genre serait peut-être économiquement avantageux pour nous, d’autant plus qu’une rupture abrupte de l’accord nous obligerait, le cas échéant, à rembourser à la Société des Nations le matériel et les installations qui sont sa propriété et que la dénonciation de l’accord rendrait inutilisables pour elle. Il se peut d’ailleurs que la Société des Nations tienne beaucoup, pour sa part, à ne pas rompre avec la «Radio-Suisse» et accepte un régime selon lequel l’exploitation en commun de la station ne serait plus prévue que pour le temps «normal» et dans des conditions qui sauvegarderaient entièrement notre position d’Etat neutre. En ce cas, on pourrait envisager la possibilité de négocier une nouvelle convention qui viendrait se substituer à celle du 21 mai 1930. Pour le temps de guerre, la situation serait claire: la station serait exploitée par nous seuls et sous notre seul contrôle.
On peut se demander de même si, au lieu de dénoncer aussitôt que possible, au risque de soulever des problèmes juridiques extrêmement délicats, il n’y aurait pas lieu de temporiser. Partant du fait que l’accord conclu entre le Conseil fédéral et la Société des Nations ne présente aucun danger réel pour notre neutralité, étant donné que, dans les circonstances actuelles, la Société des Nations ne serait plus guère en état d’exploiter elle-même la station en temps de crise, on en arriverait à différer toute dénonciation jusqu’au 2 février 1940. Notre dénonciation serait alors tout à fait régulière et nous épargnerait toute discussion irritante avec la Société des Nations. Ce mode de procéder ne serait, toutefois, pas à l’abri des critiques. Nous laisserions tacitement subsister un accord qui, dans sa lettre et son esprit, serait contraire aux principes mêmes de notre neutralité intégrale recouvrée. Nous promettrions encore, tout en sachant pertinemment que nous ne pourrions pas tenir. Cette solution manquerait, croyons-nous, d’élégance et elle ne serait guère3 conforme à cette «Sauberkeit» à laquelle notre peuple a toujours attaché du prix.
Il nous resterait aussi la possibilité de soulever nous-mêmes la question devant le Conseil en même temps que celle de notre neutralité. Tactiquement, cette procédure ne serait pas des plus heureuses. Elle compliquerait les choses devant le Conseil, et, comme on dit familièrement, il vaut mieux ne pas trop charger le bateau. C’est l’avis que nous avions déjà exposé au Département des Postes et des Chemins de fer. Dans notre lettre du 18 février4, nous lui écrivions, entre autres, ce qui suit:
«Il nous est apparu cependant qu’il serait prématuré de soulever cette question dès maintenant. Elle ne ferait que compliquer notre tâche, qui est suffisamment difficile en ce moment.
Mieux vaudrait attendre que nous eussions obtenu ce vers quoi vont tendre désormais tous nos efforts: notre neutralité intégrale dans la Société des Nations. Ce serait d’ailleurs plus logique. Aussi longtemps que notre position d’Etat neutre dans la Société des Nations n’aura pas été clairement définie au point de vue politique, il serait assez peu opportun d’entreprendre une action parallèle dans le domaine technique. Le principe de la neutralité intégrale posé et reconnu, les conséquences suivront. Une des premières sera la révision de l’accord du 21 mai 1930.»
Pour conclure et tout considéré, il semble que le mieux serait de dénoncer l’accord du 21 mai 1930 aussitôt que possible, soit dès que la question de notre neutralité aura été élucidée devant le Conseil5.
- 1
- E 2001 (D) 4/78. Paraphe: OT. Ecrite sans doute à l’attention de Motta. En tête du document, ce dernier a fait les annotations suivantes: La question est délicate. Il me semble que, lorsque notre question de neutralité aura été réglée, nous pourrons reprendre l’examen de la question. 22.4.36. M. Et: Pour le moment il ne convient pas de soulever une question qui ne semble pas présenter de dangers réels.↩
- 2
- Le dernier paragraphe de cette lettre disait: Indem wir Sie bitten, von diesen Bemerkungen Kenntnis nehmen zu wollen, fügen wir bei, dass wir uns wohl bewusst sind, dass es eigentlich nicht Sache der Leitung der Radio-Schweiz ist, dem Bundesrat politische Fragen zu unterbreiten. Aber die aktive Rolle, die unsere Gesellschaft seinerzeit bei den Verhandlungen über die Errichtung und den Betrieb der Völkerbundsstation gespielt hat, und die Tatsache, dass die Direktion der Radio-Schweiz täglich sich mit der Radio-Nations befassen muss, machen es gewiss verständlich, dass wir uns zu der Lage äussern, die sich hinsichtlich der Völkerbundsstation aus der neuen Politik des Bundesrates ergibt. Le Chef du Département des Postes et des Chemins de fer, M. Pilet-Golaz, à qui cette lettre était adressée, l’avait transmise à Motta qui lui avait répondu le 18 février 1938: nous avons l’honneur de vous faire connaître que nous n’avons pas perdu de vue la question des modifications à apporter au statut actuel de la station Radio-Nations lorsque nous aurons recouvré notre neutralité entière au sein de la Société des Nations. Nous avons évoqué, en particulier, ce problème lors des échanges de vues que nous avons eus, en janvier, avec les experts que nous avions consultés. Il nous est apparu cependant [suite à la fin du document].↩
- 3
- Cette phrase a été corrigée. La première version était la suivante:... d’élégance et de dignité. Elle ne serait pas...↩
- 4
- Cf. note 2.↩
- 5
- Saisissant l’occasion offerte, au début novembre 1938, par la demande du Secrétariat général de la SdN au Conseil fédéral d’envisager une révision de la Convention du 21 mai 1930 conclue avec la «Radio-Suisse», le Conseil fédéral décidera, dans sa séance du 4 février 1939: 1) de charger le département politique de faire connaître au secrétariat de la Société des Nations que le Conseil fédéral n’a aucune objection à formuler contre une révision de la convention du 21 mai 1930, cette révision étant demandée par la «Radio-Suisse» elle-même; 2) d’informer, en même temps, le secrétariat que le Conseil fédéral serait désireux d’adapter, par voie de révision, l’accord du 21 mai 1930 à la résolution du Conseil de la Société des Nations du 14 mai 1938 relative à la neutralité de la Suisse dans le cadre de la Société des Nations. (E 1004.1 1/382, No 247).↩