Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 12, doc. 103
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#913* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 398 | |
Dossier title | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 37 (1937–1937) |
dodis.ch/46363
J’ai eu avant-hier, avec le Comte Ciano, Ministre des Affaires Etrangères, un entretien qui devait porter sur les affaires générales en cours entre les deux pays. M. Ciano ayant, au milieu de la conversation, été appelé d’urgence au Palais de Venise par M. Mussolini - il s’agissait des affaires d’Espagne - m’a prié de revenir hier pour terminer notre entretien approfondi. Des rapports que je vous adresserai séparément2, vous verrez que le Comte Ciano s’est employé à propos de toutes ces questions (arrangement concernant l’Ethiopie, commission italo-suisse de conciliation, questions culturelles, etc.) à tenir compte aussi largement que possible de nos désirs. A la fin de l’entretien d’hier et avant que je n’aie abordé ce sujet, il m’a parlé lui-même de l’irrédentisme.
Il m’a assuré que, tenant compte de nos pressants désirs, il avait fait de nos réclamations son affaire personnelle. «Mais, disait-il, ce travail a été plus dur que nous ne le pensions» («più faticoso che Lei puö immaginarsi»). «Il s’agit en effet, poursuivit-il, de milieux d’intellectuels difficilement saisissables, qui tâchent toujours de se regrouper et qui, lorsqu’ils trouvent une porte fermée, essayent d’en enfoncer une autre.» J’ai naturellement saisi cette occasion pour abonder dans ce sens et pour reparler de la «Gazzetta del Lago Maggiore» vers laquelle les collaborateurs de la fameuse «Cronaca Prealpina» avaient «émigré», ainsi que pour signaler aussi une publication regrettable, dans l’esprit plus que dans le fond, sur P«Helvétie romaine» qu’on avait réussi à publier dans une revue du «Governatorato» de Rome; je vous écris à ce sujet séparément.
M. Ciano a cependant conclu que, dans une année, il avait réussi à «mettere le cose a posto». Il m’a invité à lui signaler personnellement, en dehors des bureaux du Ministère, toute nouvelle manifestation vraiment sérieuse que j’aurais pu constater et qui lui aurait échappé. Le Ministre des Affaires Etrangères m’a aussi donné à entendre que le Chef du Gouvernement n’attachait pas d’importance à la prose des irrédentistes, mais que lui-même avait voulu nous donner des preuves tangibles de la bonne volonté du Gouvernement italien. Tout ceci est, en effet, extrêmement réjouissant et corrobore ce que nous savions déjà.
En revanche, j’ai été, je l’avoue, quelque peu préoccupé par les faits suivants que me signale le Ministre des Affaires Etrangères.
Ayant fait venir des télégrammes reçus de Suisse (un de trois et un de deux pages) dont, contrairement à son habitude, il ne m’a pas laissé prendre vision, il m’a dit que la commémoration de la bataille de Giornico du 1er août risquait de faire renaître des difficultés3. Les milieux irrédentistes paraissent, en effet, «sauter» sur cette occasion et M. Ciano me dit que, d’après les nouvelles reçues de Suisse, on se préoccupait déjà chez nous des répercussions qu’aurait cette fête dans les milieux en question. «Si on donne à cette commémoration le caractère de la fête d’une victoire de la Suisse sur l’Italie», disait le Ministre des Affaires Etrangères, «je ne réussis plus à tenir en laisse les gens du «Libro e Moschetto», etc.». Je crois reconnaître dans ces pressions, entre autres, l’action du Ministre de la Justice, M. Solmi, qui est, sauf erreur, l’auteur d’un livre sur la bataille de Giornico. Les arguments que nous pouvons avancer (festivals où il est question de troupes françaises, etc.) ne portent pas en présence de cette situation politique. M. Ciano m’a donné l’assurance qu’à titre préventif, il donnerait de nouvelles instructions à la presse pour qu’elle se tienne tranquille, «mais», disait-il, «il faudrait, du côté suisse, que quelque chose fût aussi fait, en soulignant peut-être qu’il s’agissait d’une lutte fratricide et non pas d’une victoire suisse sur l’Italie».
Je ne me dissimule aucunement les difficultés qui empêchent de donner suite au désir qui nous a été ainsi exprimé et que je ne puis que vous transmettre. Il est certain que les préparatifs sont trop avancés pour qu’une intervention quelconque ait une chance de succès, mais peut-être verrez-vous, Monsieur le Président, la possibilité d’inviter les orateurs officiels à ne pas appuyer sur les éléments de contraste, mais plutôt sur les excellentes relations actuelles. Si, comme il m’a été dit, vous vous rendez vous-même à Giornico le 1er août, il est évident que votre haute autorité trouvera moyen de faire tenir compte d’un impondérable qui existe ici et qui risque d’enfoncer quelque barrière placée autour de l’action irrédentiste.
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Italy (Others)
Irredentism in Ticino (1876–1942)