Très confidentiel
Rome, 5 mai 1937
Dans mon rapport politique No 62 d’avant-hier j’ai essayé de vous exposer les tendances diverses qui se sont fait jour ici à propos du problème du retour de l’Italie à une collaboration effective avec la Société des Nations. J’avais dit que plus le temps passe et plus les chances d’une prise de position conforme à nos vœux deviennent aléatoires. Cette impression n’a fait que se renforcer.
Hier après-midi j’ai eu l’occasion de revenir sur cette importante question au cours d’une entrevue avec le Ministre De Peppo, Chef de Cabinet au Ministère des Affaires Etrangères. Je vous transcris textuellement ses paroles: «Nous sommes de plus en plus décidés à attendre impassiblement, à bras croisés, les événements. Toute la question de la Société des Nations sera examinée après que l’assemblée de la S.d.N. aura pris ses positions, et selon la manière dont l’affaire éthiopienne aura été réglée.»
On ne s’aventure guère en supposant que les entretiens en cours avec le Ministre des Affaires Etrangères du Reich, M. von Neurath, ne font que renforcer l’attitude passive de l’Italie officielle.
Sans doute, la réserve de l’Italie officielle paraît, en partie, aussi dictée par le désir de ne pas faire de geste dans des conditions analogues à celles qui se sont malheureusement réalisées en ces temps derniers à Genève.
D’autre part, je viens de recueillir à la Direction politique du Ministère des Affaires Etrangères l’impression que cette attitude passive et d’attente à l’égard de la prochaine Assemblée de la S.d.N. est, en partie, aussi en corrélation avec les nouvelles parvenues ici de Paris et surtout de Londres. Pour ce qui est de la France, le Palais Chigi a des raisons de croire que, malgré les dispositions du Quai d’Orsay, qui sont favorables à une liquidation de l’affaire éthiopienne, le Cabinet présidé par M. Léon Blum est encore fort divisé sur la question de principe. Quant à Londres, la volonté dictée par des considérations de politique intérieure, de ne pas prendre des initiatives précises, serait assez arrêtée.
J’ajoute que la Direction politique du Palais Chigi (de même que d’ailleurs M. le Sous-Secrétaire d’Etat Bastianini, avec lequel je me suis entretenu de la même question) s’intéresse fort aux nouvelles que votre Département aurait pu recueillir, à ce propos, dans les deux grandes capitales occidentales. Tout ce que vous serez à même de me communiquer3 à cet égard et qui serait de nature à rectifier des impressions, le cas échéant trop pessimistes du Palais Chigi, pourrait donc, je crois, être utile en vue de la solution - si importante pour la Suisse - du problème du retour éventuel de l’Italie à Genève.