Classement thématique série 1848–1945:
I. SOCIÉTÉ DES NATIONS
4. Conflit italo-éthiopien, sanctions; venue du Négus en Suisse; manifestation de journalistes italiens à la SdN; reconnaissance de l’Ethiopie italienne
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 334
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2200.19-01#1000/1722#21* | |
Dossier title | Conflit italo-éthiopien. (2 Teile) (1932–1937) | |
File reference archive | 1.C.30 |
dodis.ch/46255 Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna, au Ministre de Suisse à Rome, P. Ruegger1
Ainsi que vous l’aurez vu par la presse, des télégrammes, auxquels M. Motta a
été fort sensible, lui ont été adressés par le Roi d’Italie, M. Mussolini et M. Ciano2.
Vous en aurez lu les réponses, qui ont également été publiées.
Le télégramme dû au Roi Victor Emmanuel III a fait naître un petit incident sur
lequel il nous paraît indispensable de vous renseigner exactement.
Ce télégramme est arrivé le 15 au soir au domicile de M. Motta, au moment où il
se trouvait à une réunion de la paroisse catholique de Berne. Il en fut aussitôt avisé
par téléphone et exprima aux personnes au milieu desquelles il se trouvait, parmi
lesquelles figuraient Mgr Bernardini et M. Tamaro, combien il était sensible à l’attention du Roi d’Italie. Au cours de la conversation qui s’ensuivit, l’idée fut émise
qu’il serait probablement difficile de répondre à ce télégramme sans l’adresser au
Roi d’Italie et Empereur d’Ethiopie. M. Motta déclara qu’il se résoudrait à faire
usage de ces titres plutôt que de manquer à la courtoisie.
Après avoir pris connaissance du télégramme, M. Motta constata qu’il portait
simplement comme signature les mots «Victor Emmanuel» et, un télégramme
adressé au nouveau Roi d’Angleterre3 ayant comme souscription «Sa Majesté
George VI, Londres», et non pas «Sa Majesté le Roi d’Angleterre et d’Irlande,
Empereur des Indes, Défenseur de la foi», il lui parut tout à fait inutile de donner à
sa réponse au Roi Victor Emmanuel III une portée politique dépassant de beaucoup l’acte de courtoisie qu’il s’agissait d’accomplir. Le télégramme dont vous
connaissez le texte a donc été adressé à Sa Majesté Victor Emmanuel III, Rome.
Le 17 au soir, le Ministre d’Italie à Berne est venu exprimer sa profonde déception. Les propos tenus par M. Motta en sa présence lui avaient paru définitifs et il
avait télégraphié à son Gouvernement pour annoncer que la question de la reconnaissance de la conquête de l’Ethiopie allait faire un pas décisif en Europe. Il n’a
pas essayé de contester que M. Motta n’ait agi avec une entière correction en
adressant simplement son télégramme à Sa Majesté Victor Emmanuel III, mais il
se montrait fort irrité qu’on ait recouru à un procédé aussi simple d’éviter une grave difficulté sans l’en avoir prévenu et il n’a pas caché qu’il craignait que le rapport qu’il a adressé à Rome, où il a pu éveiller de faux espoirs, ne lui fût personnellement reproché. Pour le calmer, nous l’avons assuré que vous seriez mis exactement au courant de ce qui s’était passé et que vous trouveriez peut-être le moyen d’arranger les choses.
Il nous semble, en effet, que le zèle excessif avec lequel M. Tamaro a transformé en une décision arrêtée des propos émis au cours d’une conversation aussi dépourvue de caractère officiel nous place devant l’obligation de mettre les choses au point.
Ainsi que le soussigné l’a exprimé hier à M. Tamaro, il est clair que la Suisse ne songe pas à disputer sur un fait aussi évident que la conquête de l’Ethiopie par l’Italie et que la reconnaissance de ce fait devra intervenir dans un avenir que nous souhaitons aussi rapproché que possible. Il serait néanmoins puéril de vouloir nier que, vu la position prise par la Société des Nations4 et vu les hésitations de la Grande-Bretagne et de la France, la reconnaissance par la Suisse de la conquête de l’Ethiopie sera âprement discutée. La façon dont une décision sera prise à cet égard aura donc une très grande importance en politique intérieure et il faut tout particulièrement veiller, pour des raisons évidentes, à ce que la responsabilité n’en échoie pas exclusivement à M. Motta. M. Tamaro semble avoir eu quelque peine à le concevoir, mais nous nous plaisons à espérer que vous trouverez à Rome plus de compréhension.
P.-S.M. Motta se propose de poser incessamment la question de la reconnaissance de la conquête de l’Ethiopie devant le Conseil fédéral. Peut-être la récente décision du Gouvernement grec5 nous facilitera-t-elle une solution.
- 1
- Lettre: E 2200 Rom 22/9. Paraphe: JF.↩
- 2
- A l’occasion du 25ème anniversaire de la nomination de Motta au Conseil fédéral et de sa 5éme réélection à la présidence de la Confédération. Le télégramme envoyé par Mussolini le 14 décembre a la teneur suivante: Mi è vivamente gradito associarmi alle onoranze ehe sono rese all’Eccellenza vostra entro e fuori dei confini del suo paese nell’anniversario dei suoi venticinque anni di uomo di governo e alla vigilia délia sua quinta rielezione alla più alta carica dello Stato. Le due date coincidono con un periodo nel quale i rapporti fra i nostri due paesi sono particolarmente cordiali ed amichevoli ed io sono assai lieto di salutare in Lei uno dei maggiori artefici di un’amieizia destinata a durare nel tempo (J.1.1.1/17).↩
- 3
- Georges VI, qui vient d’accéder au trône à la suite de l’abdication, le 11 décembre, de son frère, Edouard VIII.↩
- 4
- Cf. no 335.↩
- 5
- Celui-ci vient de décider de créer un consulat général à Addis-Abeba et de demander I’exequatur pour le consul au gouvernement italien.↩