Classement thématique série 1848–1945:
I. SOCIÉTÉ DES NATIONS
4. Conflit italo-éthiopien, sanctions; venue du Négus en Suisse; manifestation de journalistes italiens à la SdN; reconnaissance de l’Ethiopie italienne
Également: Aloisi déclare que le Gouvernement italien ne saurait accepter un embargo pétrolier et qu’il serait prêt à une guerre européenne pour l’empêcher. Annexe de 26.11.1935
Également: Dunant glane des informations : Laval souhaiterait que la délégation suisse auprès de la SdN demande des explications à la France et à la Grande-Bretagne sur les progrès faits dans l’apaisement du litige avec l’Italie; tentatives en Grande-Bretagne de prendre des mesures contre la Suisse au même titre que contre les pays «non-sanctionnistes». Annexe de 6.11.1935
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 189
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1535#1503* | |
Dossier title | Abrogation des sanction contre l'Italie (1935–1936) | |
File reference archive | B.56.14.3.a |
dodis.ch/46110
Nous avons l’honneur de vous exposer que le Ministre d’Italie a fait ce matin auprès de nous une démarche destinée à appeler notre plus sérieuse attention sur les conséquences extrêmement graves que pourrait entraîner une décision du Comité de coordination2 de mettre le pétrole au nombre des marchandises dont l’importation en Italie est interdite3. M. Tamaro était chargé de souligner qu’une mesure de ce genre aurait le caractère d’une sanction militaire plutôt qu’économique et que le Gouvernement italien la considérerait, non pas seulement comme un acte inamical, mais comme un acte hostile. Le Ministre d’Italie a déclaré que ses collègues dans d’autres capitales avaient été autorisés à faire une déclaration semblable aux Gouvernements auprès desquels ils sont accrédités.
Comme la réserve dont s’inspire la politique du Conseil fédéral dans la question des sanctions est bien connue du Gouvernement italien, qu’il sait que nous n’avons pas l’intention de nous opposer au transit à travers la Suisse de marchandises autres que les armes et les munitions à destination de l’Italie4 et qu’il ne peut sans doute pas être question de nous demander d’autoriser la réexportation en Italie de pétrole qui serait livré à la Suisse, la démarche faite par M. Tamaro avait pour objectif principal d’amener notre pays à prendre l’initiative d’une action au Comité de coordination pour dissuader les Etats membres de la Société des Nations de recourir à une mesure dont les conséquences pourraient être de la plus redoutable gravité. Il va bien sans dire qu’il a été fait à ces ouvertures la réponse prudente qui s’imposait.
Pour tenter de nous convaincre d’entrer dans ses vues, M. Tamaro nous a affirmé que, si un tiers Etat prenait l’initiative de déconseiller l’interdiction d’exporter du pétrole en Italie, il était d’ores et déjà certain que cette initiative serait appuyée par d’autres Etats, notamment la France, la Pologne et la Turquie. Il est clair que, s’il en était réellement ainsi, l’action que le Ministre d’Italie souhaiterait nous voir entreprendre se présenterait sous un jour très différent que s’il s’agissait pour la Suisse, petit pays neutre et non producteur de pétrole, de prendre seule la responsabilité de combattre une mesure sur l’utilité de laquelle les grandes Puissances se seraient mises d’accord.
Il y aurait, par conséquent, un très grand intérêt pour nous à être parfaitement au clair sur l’attitude que la France se propose de prendre, le 12 décembre, au Comité de coordination5. Nous vous serions donc très reconnaissants de chercher à vous renseigner aussi exactement que possible à cet égard.
Nous vous saurions gré de considérer ce qui précède comme exclusivement destiné à votre complète orientation personnelle et à vous renseigner exactement sur la portée de la démarche que nous attendons de vous. Nous voudrions éviter, en effet, de révéler inutilement les ouvertures qui nous ont été faites du côté italien, car elles pourraient donner l’impression que nous avons partie liée avec notre voisin du sud. Mais nous voudrions bien moins encore – à peine est-il besoin de le dire – donner l’impression que nous sommes désireux de nous mettre en avant et de jouer un rôle de premier plan dans la partie engagée. Nous pensons tout au contraire que, dans notre position si délicate, le plus prudent effacement serait désirable.
Si, comme cela est probable, vous êtes interrogé sur l’attitude que nous prendrons, vous voudrez bien vous borner à dire que vous ignorez encore la décision qui sera prise par le Conseil fédéral, mais qu’il vous paraît clair qu’elle ne peut être que dans la ligne de nos déclarations antérieures6.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (C) 5/163. Paraphe: GD.↩
- 2
- Cf. no 160, n. 1.↩
- 3
- Le Comité des Dix-huit, sous-comité du Comité de Coordination, a déjà adopté, le 6 novembre, une proposition allant dans ce sens. Cf. no 179, n. 2. Cf. aussi la lettre du ministre de Suisse à Rome, G. Wagnière, à G. Motta, du 26 novembre: Je viens d’avoir un entretien avec le Baron Aloisi, dont je demandais une nouvelle intervention dans nos négociations pour le clearing. Il m’a promis d’agir. Après quoi, il m’a retenu pour me dire les choses très graves que voici: Dans l’application des sanctions, l’Angleterre avait exclu le pétrole et autres matières. Elle avait sans doute des stocks à écouler. Or, elle vient maintenant d’inviter les Etats sanctionnistes à interdire la vente du pétrole et d’autres matières à l’Italie. J’ai fait observer à M. Aloisi que l’Italie devait avoir fait des approvisionnements considérables si je m’en tiens simplement aux chiffres de ses derniers achats en Amérique. M. Aloisi ne l’a pas contesté. Il m’a déclaré, cependant, que ces approvisionnements ne pourraient suffire que pour un certain temps, et que les mesures préconisées par l’Angleterre tendaient à l’anéantissement de tous les efforts de l’armée italienne en Afrique et à l’écrasement de cette armée. Il s’est servi de termes très forts: «Non ci vogliamo lasciar soffocare». Il m’a fait comprendre que les troupes italiennes, privées des ressources indispensables, étaient destinées à un désastre inévitable. «Si c’est le cas, a-t-il ajouté, nous ne voulons pas attendre, nous préférons la guerre immédiate, même avec l’Angleterre, avec toutes les conséquences européennes que vous pouvez prévoir. L’opinion que je vous donne est celle du Duce, elle est celle de Starace; elle est partagée par tous les conseillers du chef du Gouvernement; elle répond à mes convictions absolues.» Il a ajouté qu’il considérait comme un devoir de m’en informer, à votre intention. Je lui ai promis de vous rapporter immédiatement ses propos. J’ajoute qu’il paraissait extrêmement préoccupé (E 2001 (C) 5/162).↩
- 4
- Cf. annexe 1 au no 172.↩
- 5
- Le 12 décembre doit s’ouvrir la troisième session du Comité des Dix-huit (JO. SDN, 1936, Supplément spécial no 147, pp. 7 ss). Le Comité de Coordination, pour sa part, ne se réunira plus que le 6 juillet 1936 (JO. SDN, 1936, Supplément spécial no 149, pp. 56ss.).↩
- 6
- Le 6 novembre, en répondant à Motta, le ministre Dunant lui transmet les renseignements qu’il vient d’apprendre au cours d’un entretien avec Ch.- A. Rochat, directeur du cabinet du ministre des affaires étrangères. Voici la partie finale de sa lettre: Le point essentiel sur lequel nous souhaitons nous documenter est celui de la procédure envisagée par la France en vue de la prochaine réunion du Comité des XVIII. A ce sujet, un journaliste français fort connu, M. Sauerwein, avait publié l’autre jour l’information, apparemment inspirée, suivant laquelle, «des éclaircissements seraient demandés à la France et à la Grande-Bretagne sur les progrès réalisés en vue du règlement quant au fond du litige italo-éthiopien.» Aujourd’hui j’ai presque la certitude que cette nouvelle vient du Quai d’Orsay, car, en réponse à une question visant cette possibilité, le collaborateur immédiat de M. Laval répondit qu’il n’était pas seulement logique mais très souhaitable que ces renseignements fussent demandés, avant toute discussion sur l’embargo du pétrole. Selon notre informateur, f Ch. -A. Rochat], le texte même de la résolution de Genève donne le droit au Comité de poser des questions sur la manière dont le mandat dévolu à la France et à la Grande-Bretagne a été rempli. Plusieurs éventualités peuvent, en effet, se produire: 1° Une situation politique détendue – qu’aujourd’hui on ne peut malheureusement pas escompter – permettrait de répondre que les pourparlers sont en bonne voie. Dans ces conditions, toute décision sur l’embargo du pétrole pourrait être renvoyée. 2° Même si la situation internationale demeure sans modifications, le fait de formuler une demande d’informations pourrait être utile pour plus tard. Aussi serait-il concevable qu’une atmosphère fût créée dans laquelle la note de la conciliation dominerait. En ce cas, même sans renvoi du débat quant au fond, il serait plus aisé de prévoir une date plus lointaine pour l’application effecti ve de l’embargo sur le pétrole. Les sanctions économiques proprement dites ne sont pas entrées en vigueur le lendemain des délibérations de Genève. Ne serait-il pas logique, pense-t-on dans l’entourage de M. Laval, de prévoir aussi un délai plus long lorsqu’il s’agit du pétrole? De la manière dont les renseignements qui précèdent me furent fournis, je conclus que M. Laval verrait sans déplaisir qu’une demande d’explications vînt du côté de notre délégation (je rappelle que des ouvertures analogues nous furent faites avant la réunion de Genève, au cours de laquelle M. van Zeeland proposa, selon le programme du Quai d’Orsay, de conférer un «mandat de conciliation à la France et à la Grande-Bretagne»). Vous comprendrez qu’au cours de l’entrevue avec M. Rochat, il a paru indiqué de faire allusion, bien entendu à titre tout à fait personnel, aux renseignements que je vous ai transmis et selon lesquels il y aurait un mouvement déclenché en Grande-Bretagne tendant à appliquer envers notre pays les mêmes mesures qu’à l’égard des pays «non sanctionnistes». Toujours à titre personnel et en soulignant que nous n’étions en possession d’aucune instruction de votre part à ce sujet, j’ai émis l’opinion très nette que toute mesure de ce genre risquerait, non seulement d’aller à fin contraire, mais de provoquer une émotion justifiée - émotion qu’il serait certes souhaitable de ne pas voir succéder à celle causée par les dernières interventions regrettées de la délégation française [cf. nos 176 et 177]. Le collaborateur de M. Laval a promis de suivre attentivement cette question, dont il reconnaît la gravité. Il a assuré que, certes, la France n’aurait aucun intérêt à pousser dans le sens de la manœuvre qui pourrait s’esquisser. Vu la prépondérance des services techniques du Quai d’Orsay en toute cette matière, vous jugerez peut-être opportun que j’aie prochainement un entretien avec M. René Massigli. Vous m’obligeriez vivement en me faisant connaître votre opinion sur ce point, en y ajoutant les instructions que vous jugerez utiles (E 2001 (C) 5/162).↩