Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 76
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1551#232* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1551 9 | |
Dossier title | Allgemeine, Korrespondenz (A Prato) (1933–1936) | |
File reference archive | A.15.47.11 |
dodis.ch/45997
Nous avons eu l’honneur de recevoir votre lettre du 30 octobre nous relatant votre entretien avec le Baron Aloisi au sujet du journaliste italien A Prato2 et nous vous en remercions vivement.
Le cas d’A Prato, qui réside en Suisse sans papiers réguliers, au bénéfice d’un permis de tolérance soumis à de fréquents renouvellements, retient notre attention depuis fort longtemps. Son attitude nous a paru, à diverses reprises, assez déplaisante et, au lendemain des événements dont Genève a été le théâtre, le 9 novembre 1932, nous avons eu de bonnes raisons de le soupçonner d’être l’auteur de sournoises attaques contre le Conseil fédéral dans «Paris-Soir» et dans «Paris-Midi». Faute de preuves, nous avons dû renoncer à éloigner du territoire suisse ce journaliste qui bénéficie de fortes sympathies au sein du parti au pouvoir à Genève3. C’est vous dire que, si nous étions en mesure de démontrer que l’attitude d’A Prato est incorrecte, nous saisirions volontiers l’occasion de régler un vieux compte avec lui.
Malheureusement, les griefs dont le Baron Aloisi vous a fait part ne semblent guère nous apporter les arguments décisifs dont nous aurions besoin à cet effet, car nous n’avons réussi à trouver, dans notre collection des numéros du Journal des Nations, aucun article attribuable à A Prato qui pourrait constituer, aux yeux du Ministère public fédéral, des attaques inadmissibles contre le Chef de Cabinet du Ministère italien des Affaires étrangères et la politique italienne en général.
Sans doute – le fait est notoire – le «Journal des Nations» poursuit-il une politique de gauche, hostile aux dictatures italienne et allemande et servant les intérêts de la Petite Entente; mais, vu le principe constitutionnel de la liberté de presse, c’est son droit. Son hostilité à la politique italienne est d’ailleurs prudente et pateline; elle évite les injures dont la presse d’extrême-gauche fait un si large abus et se reflète par une tendance générale plutôt que par de véritables attaques.
Nous devons renoncer à vous en faire juge en vous envoyant toute la collection, par trop volumineuse, du «Journal des Nations»; quelques échantillons suffiront, du reste, à vous faire saisir sa méthode. Vous trouverez ci-joints les numéros des 15 et 25 septembre, qui sont les seuls où nous ayons trouvé quelque chose qui puisse avoir blessé le Baron Aloisi, et les numéros des 11, 12 et 13 octobre, qui sont presque entièrement consacrés à l’attentat de Marseille4. Ainsi que vous le verrez, on peut fort bien s’expliquer que certains titres et certaines phrases aient déplu à Rome et se demander même si la rédaction du journal n’a pas effectivement cherché à envenimer le débat au préjudice de l’Italie, mais vous constaterez avec nous que, même en admettant les intentions les plus perfides, il est impossible de trouver dans les cinq numéros ci-joints quoi que ce soit qui permettrait au Conseil fédéral de refuser à A Prato l’asile qu’il a trouvé auprès de ses amis de Genève5. l-l
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (D) 1/9. Paraphe: DT.↩
- 2
- Dans sa lettre, Wagnière relate son entretien avec le chef de cabinet du Ministère des Affaires étrangères italiennes en ces termes:... le baron Aloisi... se montre assez alarmé des continuelles attaques dirigées contre lui dans le «Journal des Nations», paraissant à Genève, par un nommé A Prato. Ce personnage, ancien déserteur italien, paraît avoir voué à M. Aloisi une haine spéciale et s’efforce par tous les moyens de lui faire du tort en noircissant la politique internationale de l’Italie en ce moment-ci et, en particulier, l’influence de M. Aloisi dans ce domaine. Il serait même question, si j’ai bien compris, dans des articles du nommé A Prato, d’imputer une responsabilité redoutable à l’Italie dans le crime de Marseille. Le Duce a déclaré qu’il voulait ignorer ces attaques, mais M. Aloisi, qui est plus directement mis en cause, sans prétendre nous demander quoi que ce soit, m’a prié d’attirer votre attention sur la personne de A Prato qui pourrait, à la longue, nous causer des ennuis étant un élément de dissension profonde au sein de la colonie italienne à Genève. De toutes façons, le personnage paraît peu recommandable et nos autorités de police feront bien de le surveiller. J’ai rappelé à M. Aloisi qu’il nous était fort difficile d’intervenir dans la rédaction d’un journal, ce qu’il savait. Je ne pouvais cependant pas lui refuser, vu son insistance, de vous parler de notre entretien.[...] Sur A Prato, cf. aussi l’annexe au no 254.↩
- 3
- Cf. DDS vol. 10, no 364, dodis.ch/45906.↩
- 4
- Du 9 octobre.↩
- 5
- Le 10 novembre suivant, dans une lettre à la Police fédérale des étrangers, le chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, M. de Stoutz, écrit: ... bien que sa prudence le mette à l’abri d’une sanction, A Prato trouble déjà, parson activité de journaliste, les rapports de la Suisse avec l’Italie. Nous devons nous attendre à de nouvelles réclamations et nous ne pouvons, dans ces conditions, nous déclarer d’accord avec votre proposition de renouveler pour six mois l’autorisation de tolérance accordée à A Prato. Nous insistons pour que ce réfugié soit maintenu dans une situation aussi précaire que possible et que le permis qui lui sera accordé soit de trois mois au maximum.↩
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Italy (Others)
A Prato Affair (1934–1938)