Classement thématique série 1848–1945:
I. SOCIÉTÉ DES NATIONS
2. La Suisse et l’admission de l’Union soviétique à la SdN
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 57
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#480* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 228 | |
Dossier title | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 28 (1934–1934) |
dodis.ch/45978
[...]
Ai-je raison de penser que cette affaire d’admission ou de non-admission de la Russie dans la Société des Nations émeut en Suisse l’opinion publique d’une façon quelque peu exagérée? Il est certain que la grande majorité des Puissances – à l’exception de la France qui suit une voie de politique et de combinaisons individuelles – ne sont nullement enthousiasmées à l’idée de voir la Russie au Conseil et à l’Assemblée de la Société. Mais, elles croient devoir admettre que, grâce au revirement2 qui s’est opéré depuis quelque temps au Kremlin vers une collaboration avec le reste de l’Europe, on serait mal avisé de la laisser plus longtemps à la porte, malgré son désir de joindre la partie. Qu’elle soit vraiment sincère ou qu’elle ourdisse sous une peau d’agneau des desseins diaboliques, ceci est une autre question. Mais il faudra, argumente-t-on, lui accorder le bénéfice du doute.
En ce qui nous concerne, nous autres Suisses, il m’apparaît que notre presse insiste trop sur les suites que la présence permanente de la Russie à Genève aurait pour nous personnellement. Ceci est aussi compréhensible que pardonnable, mais le fait reste qu’en pesant le pour et le contre de cette accession, il ne faut pas confondre les intérêts de la Société avec les convenances du pays de son siège. A cet égard, si je vois bien, c’est surtout la presse de Genève qui commet des erreurs de tactique. Les commentaires du «Journal de Genève»3 reviennent parfois à dire que la Russie ne doit pas être admise parce que la Suisse ne veut pas de délégation russe chez elle. Ce n’est naturellement pas dit en tant de mots, mais la pensée y est. Le fait que Genève a, malheureusement, un Gouvernement rouge4 est une fâcheuse coïncidence, mais il est inopportun de le mettre en ligne quand il s’agit d’une question qui est uniquement l’affaire d’une institution internationale dont nous sommes heureux d’avoir le siège dans notre pays. Personne ne conteste à la Suisse le droit de prendre, comme tous les autres, l’attitude qu’elle juge à propos en sa qualité de membre; cependant, pour rester strictement dans la question, cette attitude ne doit pas être influencée par la réflexion que la Ville de Genève5 et la Suisse courent des risques spéciaux du fait qu’elles sont les gardiennes du siège.6 Ce devrait être chose entendue à priori que nous avons accepté d’héberger la Ligue dans la forme et la composition que celle-ci juge bon d’adopter, et que pour ce qui est des risques qui peuvent découler pour nous-mêmes de cette forme et de cette composition, ce sera à nous à prendre les précautions nécessaires. Quelques fâcheux étrangers qui sont toujours encore à la recherche de prétextes pour le déplacement du siège, à Vienne par exemple, pourront ainsi, avec un semblant de justification, élaborer la thèse qu’il est inadmissible qu’une espèce d’agrément du pays du siège puisse entrer en considération lors de l’élection de nouveaux membres.
Il me semble regrettable que notre presse ait introduit ce facteur dans la discussion, car les observations de cette nature pourraient finalement affecter la valeur du vote de notre délégation. Si ce vote est négatif – et il y aurait pas mal de raisons pour qu’il le soit – il serait malencontreux qu’on dise que des considérations «de siège» y sont pour quelque chose. [...]
- 1
- E 2300 London, Archiv-Nr. 28.↩
- 3
- Dans un rapport politique précédent, daté du 18 juin, le Ministre Paravicini avait considéré comme peu heureuse l’opposition acharnée menée par le Journal de Genève à l’encontre de la candidature de l’URSS à la SdN. En marge de ce rapport, Motta notait alors: J’ai donné des conseils de modération au Journal de Genève (E 2300London, Archiv-Nr. 28, RP no 12).↩
- 4
- En novembre 1933, les socialistes ont pris la direction du gouvernement, en remportant lors des élections 4 des 7 sièges du Conseil d’Etat (Cf. DDS vol. 10, nos 364, dodis.ch/45906 et 367, dodis.ch/45909).↩
- 6
- La Commission exécutive du Consistoire de l’Eglise nationale protestante de Genève prend position par une lettre ouverte adressée le 29 mai au Président de la Confédération: [...]C’est en restant fidèle aux vérités évangéliques que la Société des Nations surmontera les difficultés qui se dressent sur sa route. On peut juger de la douleur et de l’indignation qui ont saisi l’Eglise, lorsqu’elle a appris que le gouvernement soviétique a l’intention de demander son admission à la Société des Nations. Nous n’avons cessé de protester contre les odieuses persécutions dont sont victimes les chrétiens en Russie. Chaque dimanche, dans nos cultes, nous implorons l’intercession divine en faveur de tant de malheureux dont le seul crime est l’attachement à leur foi. Nous faudra-t-il voir un gouvernement tout couvert du sang de nos frères martyrs et proclamant hautement une haine implacable contre toute croyance religieuse, prendre place dans une Assemblée où sa présence ne peut être qu’une ironie et une profanation? Nous nous devons d’élever notre voix contre une décision qui serait un outrage au Christianisme. Il ne nous appartient pas de signaler les conséquences politiques que pourrait avoir pour notre pays l’entrée des Soviets dans la Société des Nations. Nos Hautes Autorités Fédérales sauront les envisager. Ce que nous désirons, c’est que le Conseil Fédéral sache que toute la population chrétienne de la Suisse, sans distinction de confession, considère la présence des Soviets à Genève, comme une injure au Christianisme, comme une menace à la Société des Nations et un danger pour notre patrie (E 2001(C) 5/107).
Parmi d’autres protestations, celle de l’Entente Internationale contre la IIIe Internationale (lettre de Th. Aubert à Motta du 11 juin, E 2001 (C) 5/107) et la requête signée de plus de vingt sociétés patriotiques et partis politiques:
[...]
gardant en mémoire le rôle joué en 1918 par la mission Bersine-Münzenberg dans le déclenchement de la grève générale révolutionnaire [Cf. DDS vol. 6, et 7-1, Table thématique], soucieux d’éviter le retour d’événements sanglants, manifestement dus à la présence sur notre sol de représentants de l’Internationale communiste (affaire Sacco et Vanzetti à Bâle et Genève 1927 [Manifestations de rue en relation avec l’exécution des deux condamnés], troubles de Zurich et Genève 1932 [Cf. DDS, vol. 10, nos 225, dodis.ch/45767, 364, dodis.ch/45906 et 367, dodis.ch/45909], etc.), nullement disposés à admettre l’établissement en Suisse, à la faveur de l’immunité diplomatique, d’un centre général d’action de l’Internationale communiste, prévoyant que l’entrée de l’U.R.S.S. dans la Société des Nations risque d’entraîner automatiquement une campagne en faveur de la sortie de la Suisse de cette institution, demandent instamment au Haut Conseil Fédéral de se prononcer à bref délai contre l’entrée de l’U.R.S.S. dans la Société des Nations, informent les Autorités fédérales de leur volonté de ne négliger aucun moyen pour soulever l’opinion suisse contre l’idée de l’accession des Soviets à l’organisation de Genève (lettre au Haut Conseil fédéral, datée du 17 juillet et remise en main propre à Motta par une délégation, E 2001 (C) 5/107).↩
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Admission of the Soviet Union to the League of Nations (1934)
Russia (General) League of Nations