Language: French
6.2.1934 (Tuesday)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 6.2.1934
Minutes of the Federal Council (PVCF)
Rapport sur les accords commerciaux et de clearing conclus avec la Turquie.

Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
24. Turquie
24.1. Accords de commerce et de clearing
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Printed in

Jean-Claude Favez et al. (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 10

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Bern 1989

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dodis.ch/45931
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 6 février 19341

223. Négociations commerciales avec la Turquie

Le Département de l’Economie publique communique ce qui suit:

«Nous avons l’honneur de vous adresser notre rapport sur l’accord commercial signé le 1er février 19342 et l’accord de clearing conclu le 29 décembre 1933 avec la Turquie3.

I. Accord commercial

Nous avons dit, dans notre proposition du 8 décembre 19334, que la Suisse s’était engagée dans l’accord commercial provisoire conclu le 4 décembre 1933 avec la Turquie et venant à expiration le 11 février 1934 à conclure dans un délai de deux mois un accord définitif réglant les relations commerciales entre les deux pays sur la base d’un clearing. Comme les négociateurs turcs devaient se rendre vers la fin du mois de décembre dernier à Rome, à l’effet d’y négocier avec le Gouvernement italien, nous avons convenu de poursuivre nos conversations dans la capitale italienne. Les négociateurs suisses étant retenus toutefois par d’autres pourparlers importants, nous avons prié notre Ministre en Turquie, M. Henri Martin, de négocier le nouvel accord, comme nous l’en avions déjà chargé pour celui du 4 décembre. Nous remîmes, entre temps, au chef de la délégation turque, Numan Bey, lors de sa visite à Berne nos demandes relatives au nouvel arrangement. Ce dernier a pu être signé à Rome le 1er février, après des négociations d’environ trois semaines. Nous rappelons, à cette occasion, que les pourparlers qui ont eu lieu à Berne au mois de décembre dernier avaient pour objet la conclusion d’un accord de clearing, sur lequel nous rapportons plus loin et que la Turquie a édicté, depuis la fin de 1931, des limitations et interdictions d’importation qui gênent considérablement notre exportation5.

L’accord commercial du 1er février 1934 n’a trait qu’aux mesures limitant ou interdisant l’importation. Il contient, dans son essence, les dispositions suivantes:

Tout en reprenant les stipulations de l’arrangement provisoire du 4 décembre, le nouvel accord étend sensiblement la liste des produits pour lesquels la Suisse obtient la libre importation en Turquie (liste A). Il y a lieu de mentionner parmi ces produits le chocolat, la farine lactée, les tresses et cloches de chapellerie, les fils de coton, broderies, dentelles, corsets, certains instruments et appareils et les machines, dont l’entrée en Turquie était pour ainsi dire rendue impossible jusqu’à présent. L’importation de certaines catégories de machines, tout en n’étant pas contingentée, sera subordonnée, toutefois, à une autorisation du Gouvernement turc. D’autre part, laTurquie alloue à la Suisse des contingents qui lui permettront de reprendre la vente sur le marché turc d’articles importants pour son exportation (tissus de coton, soie artificielle et tissus de laine) (liste C). Nous n’avons pu obtenir des contingents de chaussures, sous-vêtements en crêpe de santé et de mouchoirs imprimés (jasmas), qu’en nous engageant à autoriser l’importation hors contingent de tapis turcs, pour une valeur équivalente. La Turquie, qui s’efforce de développer son industrie, n’a accordé des contingents pour aucun de ces articles à d’autres pays. La Suisse s’est vu refuser, pour la même raison, toute concession en ce qui concerne les tissus de soie, la lingerie et diverses catégories de sous-vêtements (bonneterie). L’importation de ces articles en Turquie demeure interdite. Cependant, le Gouvernement turc s’est engagé, dans une lettre secrète, à nous faire bénéficier immédiatement des avantages qu’il pourrait accorder dans ce domaine à des pays tiers.

La Suisse garantit à la Turquie de maintenir, autant que possible, en faveur de son importation, le régime libéral qu’elle lui applique actuellement. Elle lui accorde un contingent de tapis correspondant approximativement au chiffre de ses importations en 1931.

Tout bien considéré, l’accord signé le 1er février représente une très sensible amélioration sur le régime appliqué actuellement à l’importation suisse en Turquie et surtout sur les dispositions qui étaient en vigueur avant l’accord provisoire du 4 décembre, lequel arrive donc à expiration le 11 février prochain.

Nous ajoutons que le texte du nouvel accord ne sera pas publié. En revanche, les listes annexes A, B et C paraîtront dans la Feuille officielle suisse du commerce6.

II. Accord de clearing

La conclusion de l’accord commercial prémentionné avait été liée, par le Gouvernement turc, à la condition qu’un régime de clearing soit institué entre la Suisse et la Turquie. Lorsque cette proposition de conclure un accord de clearing nous fut soumise pour la première fois, nous nous sommes refusé catégoriquement à entrer dans cette voie, étant donné que jusqu’à présent aucune plainte ne nous était parvenue au sujet du paiement de nos marchandises exportées en Turquie. En effet, la Turquie a institué, depuis bientôt deux ans, des restrictions en matière de devises. Ces restrictions n’étaient applicables qu’aux pays ayant institué un même régime de devises. La Suisse n’étant pas parmi ces pays, la législation turque en matière de devises n’avait pas empêché, jusque-là, le paiement de nos exportations ni de nos créances financières. La Commission de clearing, dans laquelle les différentes branches de notre économie nationale sont représentées, s’est entièrement ralliée à notre point de vue.

Dans la suite, cependant, le Gouvernement turc a insisté en déclarant formellement qu’il ne pourrait pas être question de conclure un accord commercial sans accord de clearing et que, par conséquent, des rapports commerciaux ne sauraient exister sans système de clearing.

Cette manière de voir correspond à un plan bien déterminé du Gouvernement turc, prévoyant une économie entièrement dirigée pour pouvoir contrôler non seulement le commerce extérieur de la Turquie, mais surtout son bilan des paiements. Le système de clearing permettant de contrôler de la façon la plus complète toutes les relations commerciales et financières entre deux pays, le Gouvernement turc entend – pour prouver qu’il applique rigoureusement les principes établis – entretenir des relations commerciales et financières exclusivement avec les pays avec lesquels il a conclu des accords de clearing.

Dans ces circonstances, il ne nous restait qu’à accepter la condition posée par le Gouvernement turc et à entrer en négociations pour la conclusion d’un accord de clearing. Pour mener ces négociations une délégation turque s’est rendue au mois de décembre 1933 à Zurich, où un accord, soigneusement préparé par nous et examiné au sein de la commission de clearing, fut conclu en deux jours. Nous nous permettons de vous soumettre cet accord7. Il se rapproche, dans son ensemble, des autres accords de clearing, de sorte que nous pouvons nous dispenser d’en expliquer les différentes stipulations. La nécessité de prévoir des dispositions spéciales pour le rapatriement des créances antérieures éventuellement bloquées ne s’est pas fait sentir, car, comme nous l’avons expliqué, de tels arriérés n’existent pas dans nos relations avec la Turquie. Néanmoins, nous avons jugé opportun d’insérer une disposition prévoyant le rapatriement, par le système de clearing, des créances arriérées, qui pourraient éventuellement exister mais que nous ignorions au moment de la conclusion de l’accord (art. 11).

Une entente a été difficile à réaliser au sujet de la répartition de la contrevaleur des importations turques en Suisse. En effet, le Gouvernement turc prétendait réclamer, pour sa propre Banque nationale, le 40% de ses importations en Suisse. Nous n’avons pas cru pouvoir accéder à cette demande, étant donné que les importations turques en Suisse n’auraient pas permis de maintenir une importation suisse en Turquie correspondant aux besoins de notre exportation et à notre commerce avec ce pays pendant les années précédentes. La délégation turque a finalement cédé à notre pression, de sorte que nous avons pu obtenir, pour le paiement de l’exportation suisse en Turquie, le 70% de l’importation turque en Suisse.

Nous aurions désiré stipuler, dans l’accord même, l’obligation pour la Turquie, d’employer le 30% de l’exportation turque mis à la disposition de la Banque centrale de la République de Turquie pour le règlement des dettes financières turques envers la Suisse8. Les délégués turcs nous ont assuré qu’il ne pouvait pas être question d’employer ces 30% autrement que pour le paiement des créances financières suisses, mais ils ont refusé énergiquement d’insérer dans l’accord une disposition y relative. Ils ont motivé ce refus par les conséquences qu’une pareille disposition pourrait avoir pour leurs relations avec d’autres pays, avec lesquels leur bilan des paiements est actif. Nous avons dû nous contenter, finalement, de la promesse verbale de la délégation turque, ce que nous avons pu faire d’autant plus facilement que les créanciers suisses et en premier lieu les représentants de nos sociétés d’assurance, qui possèdent de gros intérêts en Turquie7, ont déclaré préférable de ne pas insérer dans l’accord de clearing une clause concernant les créances financières. Les créanciers suisses se sont laissés diriger, dans leur attitude, par le fait que le Gouvernement turc a toujours autorisé les transferts de toutes les sommes qui leur étaient dues et qu’ils ont des raisons d’espérer que la Turquie continuera cette politique, même si le bilan des paiements est en faveur de la Suisse.

L’accord de clearing, comme l’accord commercial, est conclu provisoirement pour une durée de six mois et pourra être prorogé pour des périodes de même durée. Il entrera en vigueur le 11 février.

Vu ce qui précède, nous croyons pouvoir considérer l’accord de clearing conclu avec le Gouvernement turc, comme un instrument susceptible de maintenir et même de favoriser notre exportation en Turquie

Conformément à la proposition du Département de l’économie publique, le conseil décide d’approuver l’accord commercial signé à Rome le 1er février 1934 et l’accord de clearing conclu le 29 décembre 1933 à Zurich avec la Turquie et d’appliquer à l’accord de clearing les dispositions de l’arrêté du Conseil fédéral relatif à l’exécution des accords conclus avec différents pays pour régler les paiements résultant du commerce de marchandises, du 14 janvier 19329, avec le complément apporté par l’arrêté du Conseil fédéral du 13 octobre 193210.

1
E 1004 1/344.
2
Non publié, sauf listes annexes (cf. n. 5 ci-dessous). (K 1/1269.)
3
L’accord entre en vigueur le 11 février 1934 (RO, 1934, vol. 50, pp. 196–200). Cf. aussi DDS vol. 10, nos 369, dodis.ch/45911 et 378, dodis.ch/45820.
4
Datée en réalité du 6 décembre, et reprise dans le PVCF du 8 décembre 1933. Cf. DDS vol. 10, no 369, dodis.ch/45911.
5
Pour plus de détails, cf. DDS vol. 10, no 212, dodis.ch/45754.
6
No 31 du 7 février, pp. 347–348.
7
Cf. n. 2 ci-dessus.
8
Cf. DDS vol. 10, annexe au no 230, dodis.ch/45772.
9
RO, 1932, vol. 48, pp. 29-32.
10
RO, 1932, vol. 48, p. 702.