Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
22. Turquie
22.1. Traité de commerce et clearing
Également: Investissements suisses en Turquie. Annexe de 18.1.1933
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 230
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1533#4004* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 171 | |
Dossier title | Devisen Türkei (1930–1935) | |
File reference archive | C.42.5 • Additional component: Türkei |
dodis.ch/45772
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que, en raison de son départ imminent en voyage d’études avec le Président de la République j’ai, dès mon arrivée dans la capitale, sollicité une audience de S. E. Celai Bey, Ministre Turc de l’Economie Nationale. Cette audience m’a été accordée le 14 janvier. Mon but était de l’intéresser à l’amélioration des importations turco-suisses2 et d’attirer son attention sur le régime libéral que la Suisse accorde aux marchandises turques, alors que les marchandises suisses en Turquie souffrent de mille et une entraves. J’ai exposé que je désirais connaître sa position à cet égard avant de vous rendre prochainement visite à Berne.
Conformément à votre lettre du 14 décembre3, je n’ai pas caché au Ministre que votre Département n’était pas content des nombreuses prohibitions et des contingentements insuffisants qui frappent nos marchandises. La Suisse estimait qu’il était indispensable de sortir de cette situation pénible. Je lui ai rappelé qu’il était nécessaire, pour envisager l’ensemble du problème des échanges, d’accepter les chiffres des statistiques suisses. Pour sortir de l’impasse, les marchandises que la Suisse achète en port-franc à l’étranger, mais dont le coût est en définitive couvert par de l’argent suisse qui revient finalement aux exportateurs turcs devraient être déterminées. Pour y parvenir, il y aurait lieu d’examiner un moyen de preuve dont le Gouvernement Turc devrait se contenter. J’esquissai alors de ma propre initiative et sans vous engager, le système de certificats de ports-francs, qui m’avait été préconisé par M. Cohen, de la maison suisse exportatrice de tabac Hermann Spierer & Cie. (Voir mon rapport du 7 janvier No 1154)4. Le Ministre Ta trouvé intéressant et a paru s’y rallier. Mais peut-être connaissez-vous un moyen plus simple dont vous me ferez part lors de notre prochaine entrevue.
J’ai vivement souligné le fait que la balance commerciale turco-suisse était en faveur de la Turquie, et que la Turquie faisait erreur en croyant le contraire. Je demandai au Ministre si, dans un arrangement de compensation, et éventuellement de clearing, celui-ci pourrait porter non seulement sur les marchandises contingentées, mais aussi sur les prohibées. Il me répondit que cela dépendrait de l’arrangement qui se ferait, selon la formule chère au Gouvernement Turc «sur la base de la réciprocité». En principe, dit-il, l’arrangement peut porter sur des marchandises prohibées. Sous réserve que les industries nationales turques restent protégées. A l’arrangement serait jointe une liste des articles qui intéressent les deux pays et sur lesquels porterait l’accord.
Le Ministre fit alors allusion à l’arrangement helvético-bulgare (du 8 avril 1932)5, qui autorise en Suisse l’importation d’œufs, et accorde à titre de compensation des facilités douanières en Bulgarie pour nos montres, nos textiles et nos tresses de paille.
Dans le cas où un arrangement turco-suisse serait réalisé, le Ministre préférerait qu’il fût conclu pour une année. Il espère trouver une formule pour la question des statistiques. La difficulté, dit-il, se trouve dans le fait que les pays qui possèdent des ports-francs réclament en leur faveur dans leurs statistiques les marchandises arrivées dans leurs ports mais achetées par d’autres pays. (J’ai consulté à cet égard le Chargé d’Affaires d’Allemagne qui dément cette information et affirme que l’Allemagne n’a jamais émis cette prétention).
J’exposai au Ministre que selon le bruit qui courait, la Turquie ne voulait conclure des accords que sur la balance des paiements et non sur la balance commerciale. Je lui fis remarquer que cette prétention ne me paraissait nullemant justifiée et qu’en fait elle constituait une pénalisation contre les pays qui avaient investi des fonds pour le développement de la Turquie. Il me répondit qu’en effet le Gouvernement Turc se basait sur la balance des paiements, mais que cela n’empêchait pas les devises de sortir de Turquie. Cette disposition ne devrait pas trop nous effrayer, attendu que les relations turco-suisses au point de vue de la balance des paiements n’étaient pas si considérables.
Le Ministre termina la conversation en exprimant l’espoir que nos deux pays réussiraient à trouver un terrain d’entente et il m’assura enfin que les prochaines listes de contingentement (à paraître vers la fin février) révéleraient déjà un régime plus libéral.
A la suite de cette entrevue, je fus reçu par le Ministre des Affaires Etrangères auquel je fis part, avec énergie, des mêmes doléances et des mêmes arguments, en lui rappelant votre mécontentement de voir un si grand nombre de produits suisses prohibés ou trop fortement contingentés, alors qu’en Suisse les tapis seuls étaient soumis au contingentement et bénéficiaient de nombreux permis hors contingent. Je renouvelai mes explications sur les statistiques et nos achats en portsfrancs.
TewfikRüstü Bey me dit que, si je puis m’exprimer ainsi, la Turquie préférait ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, pour ne pas être soumise à la pression des gros pays acheteurs comme l’Allemagne et l’Italie. Une meilleure répartition lui semblait donc équitable et c’était là un sujet qu’il pourrait présenter à l’étude de la Conférence Economique Mondiale6. Bien que Tewfik Rüstü s’intéresse rarement aux affaires commerciales, mes arguments ont cependant paru le frapper, de sorte qu’il s’offrit, s’il ne rencontrait pas M. le Directeur Stucki à Genève, d’aller le voir à Berne pour l’entretenir de cette importante affaire. Cette offre m’a été agréable, et je ne doute pas que vous l’acceptiez. Comme Tewfik Rüstü est très occupé à Genève et qu’il n’y reste pas longtemps, je vous suggère d’entrer en relation avec lui pour fixer cette entrevue. Comme je compte être moi-même à Genève vers le 5 février, et à Berne autour du 10, peut-être envisagerez-vous la possibilité que cette conférence se fasse en ma présence, de sorte que dans la suite des négociations éventuelles aucun de vos arguments et aucune des réponses de Tewfik Rüstü ne me sorte de la mémoire. Je vous rappelle à ce sujet que le Ministre des Affaires Etrangères ne connaît pas la technique commerciale, de sorte qu’il passe facilement sur les difficultés d’application ou de chiffres. Cependant, j’ai pu constater que chaque fois que je me suis entretenu avec le Ministre de l’Economie Nationale, ce dernier avait tenu au courant le Ministre des Affaires Etrangères de nos conversations. J’en infère qu’à son retour, il lui parlera de l’entretien que vous aurez avec lui, et qu’il pourra être un élément utile lorsque le sujet sera présenté au Conseil des Ministres. Tewfik Rüstü peut donc nous être utile en rapportant à Ankara l’état d’esprit qu’il aura trouvé à Berne, ce qui déblayera mon champ et me facilitera la tâche lors de mon retour à Ankara en avril. Vu les dispositions conciliantes dans lesquelles se trouvaient les deux Ministres, je n’ai pas cru prudent de suggérer d’ores et déjà l’idée de représailles bien que, comme je vous l’ai déjà dit à diverses reprises, j’aie très vivement insisté sur les soucis que causait au Gouvernement fédéral le quasi étouffement du commerce suisse en Turquie. Peut-être pourriez-vous déjà, pour que le circuit soit complet, faire venir CemalHüsnüBey7 et lui faire connaître vos vues. Enfin, si M. le Conseiller Fédéral Motta, qui voit souvent Tewfik Rüstü à Genève, voulait bien pousser à la roue dans le même sens, notre avenir commercial en serait sans doute facilité. Je suis d’avis que toutes ces pressions légitimes éclairciront la situation pendant la période de mon congé et créeront pour le printemps une atmosphère qui, avec le temps, portera ses fruits.
Afin de ne pas, comme disent les Anglais, «leave any stone unterned», j’ai entrepris ce matin sur la même question le Sous-Secrétaire d’Etat Numan Bey, Ministre Plénipotentiaire, qui est très influent et connaît très bien la Suisse (il a été sept ans à la Légation de Berne, et avait même épousé une de nos compatriotes). Il m’a également confirmé que les négociations en cours se faisaient sur la base de la balance des paiements. (C’est du reste la raison pour laquelle elles marchent si lentement.) Ces négociations ont lieu avec l’Autriche, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Grèce et le Brésil. A ma remarque que la Turquie pénalisait ainsi les investissements de fonds étrangers, Numan Bey me répondit qu’il ne voyait pas d’autre moyen pour se débarrasser de sept millions de livres sterling annuelles d’excédent d’importation de devises.
Enfin, dans le but de me rendre compte dans quelle mesure cette question de la balance des paiements nous affecterait, j’ai chargé M. le Conseiller de Légation Brunner à Istanbul de faire une enquête auprès des personnes suivantes: a) M. Emile Hodler (Suisse) Directeur de la Banque Ottomane; b) M. Pfister (Suisse), de la maison Burkhard Gantenbein, c) le Dr. Priess (Allemand), Directeur des Brasseries Bomonti; d) M. Cohen, administrateur-délégué de la maison suisse de tabacs, Hermann Spierer.
Vous voudrez bien trouver sous ce pli le rapport8 très détaillé que je reçois à l’instant de mon collaborateur, et dont il résulte que la Suisse ne risquerait pas de grands dangers par l’adoption du système de la balance des paiements. Comme cette question est très technique, je tiens tout d’abord à connaître vos explications avant de commenter ce rapport. Selon, M. Cohen, un arrangement de clearing devrait être joint à un arrangement de compensation, ou combiné avec lui, de façon à ce que l’augmentation du volume des échanges ne soit pas entravée par la question des devises.
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