Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
12. Grande-Bretagne
12.3. Questions politiques générales
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 4
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#J1.1#1000/1392#18* | |
Old classification | CH-BAR J 1.1(-)1000/1392 2 | |
Dossier title | Faszikel 7: Grossbritannien (1915–1950) | |
File reference archive | 03.07.J |
dodis.ch/45546 Entretien du Chef du Département politique, G. Motta, avec le Secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères, A. Henderson1
M. Motta, en expliquant que sa visite n’a aucun caractère officiel et qu’il est à Londres pour une semaine à titre tout à fait privé, rappelle la première rencontre qu’il a eu le plaisir d’avoir avec Mr. Henderson, en 1919, lors du Congrès socialiste de la IIme Internationale3. Mr. Henderson observe en plaisantant qu’à ce moment là, il n’était pas particulièrement populaire en Suisse, puisqu’à son arrivée à Lausanne les Autorités lui firent comprendre qu’il serait plus indiqué qu’il aille ailleurs et qu’en arrivant à Berne, ses premières expériences ne furent guère plus encourageantes4. Toutefois, ses collègues et lui s’installèrent au Bellevue Palace, où ils se trouvèrent fort bien pendant toute la durée du Congrès. De Berne, Mr. Henderson se rendit à Paris pour procéder à la mise au point de la «Charte ouvrière», acte constitutif du Bureau international du travail5. A son départ, un de nos journalistes s’est approché de lui, en lui demandant s’il n’était pas préoccupé de l’impression que causerait, parmi ses camarades à Paris, le fait qu’il s’était installé, lui représentant des ouvriers, dans un hôtel considéré comme étant l’un des plus luxueux de la Suisse. Il lui répondit qu’il n’y avait aucune raison d’avoir des inquiétudes, puisque, selon lui, ce qu’il y avait de meilleur au monde était tout juste assez bon pour un ouvrier.
M. Motta: Vous vous souvenez de l’entretien que nous avons eu à Genève6 au sujet de la possibilité de conclure un traité d’arbitrage entre la Suisse et la Grande-Bretagne. Je vous ai dit alors que si, à l’avis du Gouvernement de Sa Majesté, une telle possibilité se présentait, le Conseil Fédéral serait heureux, à n’importe quel moment, d’entrer en pourparlers. Je me rappelle fort bien de votre réponse d’alors. Entre temps, des faits nouveaux ont surgi sur ce terrain et dans cette matière. La situation a peut-être changé dans un sens favorable. Il m’intéresserait de connaître vos vues à ce sujet par rapport aux circonstances telles qu’elles se présentent actuellement.
Mr. Henderson. Je me rappelle fort bien de tout ce que vous m’avez dit à Genève en Septembre, ainsi que tout ce que je vous ai répondu alors. Je ne suis pas à l’heure qu’il est, en mesure de vous donner une réponse qui différerait d’une manière essentielle. En fait de traités internationaux qui se concluent par l’Empire britannique, la position du Gouvernement de Sa Majesté est particulièrement complexe. Pour chacun de ces arrangements, le consentement des différents Gouvernements des Dominions doit être obtenu. Ceci occasionne souvent de longues négociations. Dans le domaine de l’arbitrage, la Grande-Bretagne et les Dominions britanniques ont adhéré dernièrement au pacte Kellogg7et à la clause facultative de la Cour internationale8; en outre, une adhésion à Y acte général d’arbitrage de la Société des Nations9 est sérieusement envisagée et j’espère pouvoir faire une proposition définitive à ce sujet à la prochaine assemblée. Il me semble qu’ajouter encore à ces actes, d’un type général, des traités bilatéraux et spéciaux, constitue nécessairement une répétition, dont la valeur pourrait être mise en doute et comme il faudra, là encore, entamer les correspondances et délibérations indispensables avec les Gouvernements des Dominions, on risquerait de se heurter à des objections qui ne faciliteraient rien. Toutefois, il est à noter que l’esprit du Gouvernement est favorable à tous les moyens susceptibles de servir la cause de la paix par l’arbitrage. Une Commission spéciale siège actuellement au Foreign Office, sous la présidence de Lord Cecil et cette Commission fera d’ici peu un rapport en la matière. J’ai reçu du Premier Ministre10 et de ses collègues, l’autorisation d’entamer des négociations en vue de la conclusion d’un traité d’arbitrage spécial avec d’autres pays, dans les cas où leur [s/c/]utilité serait évidente et recommandée par la Commission, malgré l’adhésion au pacte Kellogg, à la clause facultative et à l’acte général.
M. Motta: Le Conseil Fédéral connaissant la mentalité et les tendances du peuple suisse, s’estimerait heureux de conclure un traité d’arbitrage individuel avec le Gouvernement de Sa Majesté, mais je reconnais sans autre que, telle que la situation se présente aujourd’hui, le moment propice n’est pas encore venu. Je tiens surtout à vous dire ici que lorsque ce moment semblera proche, vous nous trouverez prêts à entamer les pourparlers. La conclusion d’un traité individuel malgré l’adhésion aux actes généraux pourrait bien trouver des motifs, disons exceptionnels. Je prends note avec satisfaction que la possibilité d’une telle solution existe et existera encore, grâce à la fonction de la Commission spéciale que vous venez de mentionner.
M. Motta veut prendre congé. Mr. Henderson le retient.
Mr. Henderson: Me permettez-vous de profiter de votre présence pour vous prier de me faire part de votre avis sur un sujet qui m’occupe en ce moment. On me posera cet après-midi à la Chambre des Communes la question si le Gouvernement de Sa Majesté ne croit pas opportun de prendre l’initiative d’une intervention de la Société des Nations auprès de la Russie concernant la persécution religieuse11. On voudrait invoquer l’art. 11 paragraphe 2 du Pacte de la Société des Nations12. Personnellement, je ne crois pas que ceci pourrait servir utilement. Tout d’abord parce que la Russie ne fait pas partie de la Société des Nations, ensuite la base juridique pour une intervention de cette nature fait défaut. Cependant, il me serait utile de connaître votre opinion, ceci à titre strictement privé, puisque grâce à votre longue et inestimable expérience des conciliabules de Genève, votre impression pourrait me fournir des indications précieuses.
M. Motta: Il est inutile de dire que tout comme vous j’ai personnellement horreur des persécutions telles qu’elles sont rapportées actuellement de Russie et que je suis profondément partisan de toute action qui pourrait avoir une influence bienfaisante. Mais en tâchant de me rendre compte des résultats d’une intervention des organes de la Société des Nations, il m’est difficile d’y découvrir des effets utiles. Comme vous le dites, le paragraphe 2, de l’art. 11, n’offre pas une base juridique suffisante. En outre, l’intervention de la Société des Nations auprès d’un Etat qui n’en est pas membre et où l’«immixtion dans les affaires intérieures» donnerait promptement lieu à une riposte, ne laisse en effet espérer aucun succès pratique. Tout au plus, pourrait-on compter avec la possibilité d’un effet moral provoqué par cette démarche dans les pays d’Europe. Cet effet moral auquel on pourrait éventuellement s’attendre me paraît cependant trop peu certain pour justifier le risque que prendrait la Société des Nations en intervenant.
Mr. Henderson: Parfaitement, l’autre jour, un Membre du Parlement m’a dit qu’il fallait exercer une pression à Moscou pour provoquer un changement de méthodes. Je lui ai répondu: «Pouvez-vous me citer un seul exemple ou quel Gouvernement étranger ou qui que ce soit ait jamais pu amener le Gouvernement de Moscou à changer de méthode.»
L’entrevue qui a été extrêmement cordiale et intéressante a duré 25 minutes.
- 1
- Procès-verbal: J.I.l.l/2.↩
- 2
- ; M. Paravicini, Ministre de Suisse, assiste à l’entrevue. C’est certainement lui l’auteur de ce procès-verbal non signé.↩
- 3
- Conférence socialiste internationale de Berne, du 3 février 1919.↩
- 4
- DDS vol.7.I, nos 157, dodis.ch/43902, 182, dodis.ch/43927 et 185, dodis.ch/43930 et index. ↩
- 5
- Partie XIII du Traité de Versailles.↩
- 6
- En septembre 1929 (DDS vol. 9, no 507, dodis.ch/45524).↩
- 7
- Pacte Briand-Kellogg de renonciation générale à la guerre, du 27 août 1928. DDS vol. 9, nos 389, dodis.ch/45406, 390, dodis.ch/45407, 422, dodis.ch/45439, 444, dodis.ch/45461 et 448, dodis.ch/45465.↩
- 8
- Clause facultative de l’article 36 du Statut de la Cour permanente de justice internationale de La Haye (clause relative à l’acceptation obligatoire de la juridiction de la Cour).↩
- 9
- S. Acte général en matière de règlement pacifique des différends internationaux, voté par la IXe Assemblée de la SdN, le 26 septembre 1928. Cf. FF, 1928, II, pp. 1308-1320.↩
- 11
- Sur l’attitude du Conseil fédéral face à cette question, cf. les procès-verbaux des séances du 1er avril 1930 (E 1004 1/321) et du 2 septembre 1931 (E 1004 1/330).↩
- 12
- ... tout Membre de la Société a le droit, à titre amical, d’appeler l’attention de l’Assemblée ou du Conseil sur toute circonstance de nature à affecter les relations internationales et qui menace par suite de troubler la paix ou la bonne entente entre nations dont la paix dépend↩