dodis.ch/45187 Der schweizerische Gesandte in Rom, G. Wagnière, an den Vorsteher des Politischen Departementes, G. Motta1
J’ai l’honneur de vous rendre compte de l’entretien que j’ai eu hier avec le Premier Ministre. Il était en tenue de cheval et, dans un coin de son vaste bureau, le sculpteur Canonica travaillait à son buste. Le Ministre n’en interrompait pas pour cela son travail.
Il est venu au-devant moi, les mains tendues, et m’a fait le meilleur accueil. J’ai constaté qu’il avait décidément meilleure mine. Il paraît avoir repris toute sa vigueur et ne dénote aucune fatigue.
Il m’a parlé tout de suite de l’affaire Tonello et m’a dit l’excellente impression que lui avait produite votre discours. Il s’est exprimé en termes assez méprisants sur le compte de ce journaliste.
Il m’a dit aussi que M. De Stefani, ancien Ministre des Finances, auprès duquel nous avions fait de vives instances afin qu’il se rendît à Bâle pour y tenir une conférence, sur la demande de la Société d’Economie Politique de cette ville, en était revenu très satisfait de l’accueil qu’il y avait reçu de la part d’un public d’élite. M. Mussolini a ajouté que tous les journaux suisses avaient publié un résumé de cette Conférence, même le journal socialiste de Bâle. Ce petit détail vous montre l’importance qu’on attache au Palais Chigi à ce que disent nos journaux.
J’ai parlé au Premier Ministre des discours qu’il avait prononcés touchant la question de l’«Anschluss». Il m’a développé à ce sujet ses vues sur l’Allemagne, en me confirmant ce que je vous écrivais dans mon dernier rapport politique2. Une commémoration des 90 généraux allemands morts pendant la guerre vient d’avoir lieu à Berlin, à laquelle assistaient 400 généraux avec, à leur tête, le Président Hindenburg en grand uniforme. Ce fait est significatif. L’Allemagne reste militariste et impérialiste. «Nous sommes renseignés à fond sur ses préparatifs militaires. Je vous montrerai une carte de géographie où sont indiqués, comme formant une même région, tous les Etats de langue allemande, y compris la Suisse, et les plus petites communes au sud des Alpes, dans le Val Formazza et dans la Province de Vérone, où l’on parle encore allemand.»
J’aurais pu faire observer à mon interlocuteur que la maison De Agostini avait publié des cartes du même genre, annexant à l’Italie toutes les régions où l’on parle l’italien. Je lui ai fait remarquer, cependant, que je n’avais pas connaissance d’une propagande pangermaniste en Suisse depuis la guerre, sans méconnaître les nombreuses brochures publiées par l’œuvre de propagande du «Deutschtum» avant le conflit européen. Nous n’oublions pas les brochures von Strantz, qui n’ont eu, chez nous, du reste, aucun effet quelconque. La première Confédération s’est séparée de l’Empire alors que l’Italie en faisait encore partie. A ce propos, M. Mussolini m’a demandé des détails sur notre première constitution. Il ignorait le Pacte de 1291 et s’est vivement intéressé à cette page de notre histoire.
La conversation s’est portée ensuite sur la Société des Nations, où je lui ai exposé le point de vue du Conseil Fédéral, qu’il paraît avoir fort bien compris. Ici encore il montre les craintes au sujet de l’attitude de l’Allemagne, qui envoie à Genève une délégation de 35 personnes, alors que les autres Etats, à commencer par l’Angleterre, se montrent beaucoup plus modestes. Il accuse M. Undén d’être l’instrument de l’Allemagne. Je me suis permis de lui dire que je n’en croyais rien.