Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.9. Egypte
II.9.1. Reconnaissance et représentation diplomatique
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 340
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1531#238* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1531 19 | |
Dossier title | Verhandlungen mit Ägypten betr. die Handelsbeziehungen und die Rechtsstellung der Schweizer in Ägypten, I, II (1924–1930) | |
File reference archive | B.14.2.1 • Additional component: Aegypten |
dodis.ch/44982 Le Président de la Commission Commerciale Suisse au Caire, E. Trembley, au Chef du Département politique, G. Motta1
J’ai l’honneur de vous confirmer ma lettre du 1er Mai2, par laquelle je vous accusai réception de votre honorée du 17 Avril3, reçue le 30 Avril. Par cette lettre vous me chargiez d’entamer, avec le Ministère égyptien des Affaires étrangères, des négociations officieuses en vue d’aboutir à l’établissement d’une représentation suisse en Egypte, et me donniez vos instructions à cet effet.
J’ai immédiatement demandé une audience à S. E. Wacyf Pacha Ghali, qui m’a reçu, en compagnie de M. Berla Bey, le samedi 3 Mai, à 9 h. du matin.
Après avoir mis le Ministre au courant du motif de ma visite, je lui donnai lecture des passages de votre lettre qui pouvaient lui être communiqués, établissant nettement le caractère officieux de ce début de négociations. Le Ministre me déclara alors que, vu ce caractère officieux, il allait me mettre lui- même en rapport avec Abd-el-Hamid Pacha Moustapha, Conseiller royal aux Affaires étrangères (avec qui j’avais déjà été en relation à l’occasion de l’affaire des fonctionnaires) afin que nous cherchions ensemble une base d’entente. Il le fit appeler immédiatement, le mit au courant de la question, et nous prîmes, le Conseiller et moi, rendez-vous pour le jeudi 8 Mai, à 10 heures du matin, c. à d. de suite après les fêtes musulmanes du Bairam.
L’entrevue eut lieu le jour dit.
Dès le début, je remis au Conseiller une lettre4 spécifiant clairement le caractère purement officieux et amical de nos entretiens et une note exposant le point de vue suisse sur la question de la représentation, conformément à vos instructions.5
L ’entretien, qui dura plus de deux heures, est rapporté aussi fidèlement que possible par le Memorandum.6
L’impression qui se dégage de cet entretien n’est pas très satisfaisante. D’une part, le Conseiller semble nous accorder presque tout ce que nous demandons, d'autre part, il annule ce geste par le refus des immunités législatives et fiscales complètes, qu’il s’obstine à ne pas vouloir considérer comme des corollaires obligatoires de l’immunité judiciaire. Finalement, il me remet, pour mon édification et confidentiellement, copie d’un projet de traité proposé par l’Egypte à l’Allemagne.7 En ce qui concerne ce projet, je me suis immédiatement renseigné à bonne source. La teneur en était telle, que, comme les pourparlers avec l’Allemagne durent depuis assez longtemps, j’avais peine à croire qu’ils ne fussent pas plus avancés. Il ne s’agissait peut-être là que d’un document de la première heure, déjà remplacé par d’autres. Ce n’était cependant pas le cas. Ce projet a effectivement été remis au Ministre d’Allemagne à une date assez récente et a été transmis par lui à son Gouvernement, accompagné, il est vrai, des commentaires les plus défavorables et d’un préavis de refus.
Les prétentions du Conseiller m’apparaissaient nettement comme inadmissibles, antijuridiques et dangereuses. N’étant pas juriste, je crus bon d’en référer à de plus compétents que moi, et je convoquai, à une séance de la Commission, nos deux juges suisses auprès du Tribunal mixte du Caire, M. M. Houriet et Peter. Je leur exposai la situation. Ils se rangèrent entièrement à ma façon de voir et acceptèrent d’assister, au titre de conseillers, à la prochaine entrevue avec Moustapha Pacha. Mon but était de montrer à ce dernier que deux spécialistes, dont il ne pouvait contester la compétence juridique, lui opposeraient, sous une forme plus juridiquement correcte, mais semblablement quant au fond, les mêmes objections que moi-même.
La seconde entrevue eut lieu au Ministère des Affaires étrangères le 22 Mai. Elle est consignée dans le 2ème Memorandum.8
Le conseiller sembla avoir quelque peu évolué depuis le premier entretien. Il mit de suite de côté le projet avec l’Allemagne, disant qu’il ne l’avait donné qu’à titre de simple indication (alors que la fois précédente, il avait plutôt semblé vouloir en faire une base de discussion). Il admit que le principe de la juridiction mixte fut introduit dans le traité et que la durée de ce dernier fut illimitée, c.-à-d. égale à celle des capitulations, mais il se cramponna à la renonciation au principe général des immunités législatives et fiscales, par une argumentation qui manquait visiblement de netteté, de précision et de logique. On avait malheureusement trop l’impression que son but principal était d’essayer de voir si, par des coups de sonde donnés un peu à tort et à travers, il ne lui serait pas possible d'arracher à la Suisse une convention dans laquelle celle-ci abandonnerait un certain nombre des droits dont ses ressortissants jouissent comme protégés. Il va sans dire que, de mon côté, je n’ai cessé de combattre cette tactique par une opposition tenace et patiente, revenant chaque fois au point de départ, c.-à-d. aux déclarations claires et précises de la note suisse.
Après cette entrevue, il m’importait de connaître si le Ministre était tenu au courant. Cela était d’autant plus nécessaire que le Conseiller royal n’est pas précisément un pur Zaghlouliste, a de nombreuses attaches avec l’opposition et l’ancien parti Adlyste et qu’il pouvait y avoir de sa part un secret désir, ou de créer des difficultés, ou de vouloir se montrer plus royaliste que le roi. Je cherchai à l’apprendre indirectement, mais n’y étant pas parvenu, je saisis le prétexte de remercier le Ministre pour un petit service administratif qu’il m’avait rendu. Je lui demandai une audience et fus reçu le mercredi 4 Juin. Cette audience est consignée dans le 3èmc Memorandum.9
Le Ministre n’avait visiblement pas été mis au courant des détails de mes entretiens avec Moustapha Pacha; il fut, au cours de cette conversation, plutôt réservé; mais mon but était essentiellement de l’amener à revoir lui-même la question avec le Conseiller et j’espère l’avoir atteint.
Comme vous le voyez, M. le Conseiller fédéral, ces premiers pourparlers ont soulevé bien des questions dont la solution paraît, au premier abord, assez mal aisée. Mais, pour envisager sainement la situation, il ne faut pas perdre de vue que nous négocions avec des Egyptiens, c’est-à-dire des Orientaux. Ceux qui ont la pratique des affaires dans ce pays savent que, lorsqu’on discute un marché avec un Egyptien, celui-ci soulève immédiatement des prétentions exorbitantes et inadmissibles, puis peu à peu, quand l’on se montre ferme et obstiné, les choses s’arrangent et l’on aboutit finalement à un accord parfaitement acceptable, bien qu’au début il parut impossible.
C’est précisément, dans ce cas particulier, ce que fait l’Allemagne.
Vous jugerez, M. le Conseiller fédéral, avec votre grande expérience et votre souci de sauvegarder la dignité et les intérêts de notre pays, s’il y a lieu ou non de poursuivre ces pourparlers.
Dans le cas, cependant, où vous estimeriez qu’on doit continuer à négocier, je me permets de vous faire les suggestions suivantes:
Je serais d’avis d’accéder à la proposition du Conseiller et de préparer un projet de traité, entièrement basé sur notre point de vue. Il faut, en effet, tenir compte que le Conseiller est incapable de construire lui-même un projet logique et rationnel (le projet pour l’Allemagne, qui est son œuvre, en fait foi) et que nous devons prendre l’initiative des rédactions.10 Ce projet débuterait par une déclaration de principe sur le caractère non capitulaire du traité, puis traiterait, article par article, des pouvoirs de juridiction consulaire, de la juridiction mixte, points spécifiés avec une concision et une clarté parfaites dans votre lettre du 17 Avril. Les articles suivants établiraient en tant que corollaires obligatoires des précédents, les immunités législatives et fiscales, l’inviolabilité du domicile, la liberté d’établissement et de circulation, la liberté religieuse. Enfin la clause de la nation la plus favorisée, avec peut-être quelques restrictions. Un solide commentaire juridique, exposant pourquoi le Gouvernement fédéral ne saurait entrer dans les vues égyptiennes, concernant la renonciation aux immunités législatives et fiscales, sans créer les contradictions les plus dangereuses, accompagnerait le projet.
Les seuls arguments égyptiens qui me paraisent mériter d’être pris en sérieuse considération sont:
1) Le fait que la clause de la nation la plus favorisée ne doit pas englober les avantages spéciaux que l’Egypte pourrait se trouver amenée à céder à l’Angleterre seule; 2) le danger pour l’Egypte que la convention avec la Suisse ne constitue un précédent dont les nouvelles nations issues de la guerre pourraient s’autoriser dans leurs propres négociations.11
Les stipulations de votre lettre du 17 avril, par leur admirable précision (en quelques lignes, elles condensent toute la question des privilèges capitulaires) montrent que le problème a déjà si bien été étudié à Berne, que je ne pense pas que l’établissement des documents ci-dessus demande beaucoup de temps et de tra
il me serait utile, si vous jugiez opportun de suivre cette voie, que des copies de ces documents, sur papier blanc, non officiel, me soient remises en même temps que l’original, afin que je puisse directement les soumettre aux intéressés. [...]
Ce qui précède étant dit à titre de simple suggestion, veuillez agréer.12
- 1
- Lettre: E 2001 (C) 1/19.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Cf. no 334.↩
- 4
- Non reproduite.↩
- 6
- Non reproduit.↩
- 7
- Non retrouvé.↩
- 8
- Non reproduit.↩
- 9
- Non reproduit.↩
- 11
- Après ce passage, Trembley ajoute en marge w«NB. Cette dernière objection sera peut-être la plus difficile à vaincre. Il y faudra mettre beaucoup d’obstination.↩
- 12
- G. Motta a noté en tête du documentée pense qu’il faudrait entrer dans les vues de M. Trembley et rédiger nous-mêmes des projets. 29.6. 24. Motta. Pour la suite de cette négociation, cf. DDS 9, rubrique III. 2. Ägypten.↩
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